16-04-2019 14:16 - Contribution au débat dans la perspective de l’élection présidentielle de juin 2019

Contribution au débat dans la perspective de l’élection présidentielle de juin 2019

Ba Mamadou kalidou - La perspective de l’échéance électorale en juin prochain nourrit en chaque Mauritanien d’énormes espoirs, mais également d’énormes inquiétudes. Or, observant l’évolution du débat politique dans notre pays, je constate qu’en dépit de l’imminence de ce rendez-vous électoral et de l’auto proclamation de certaines candidatures, le discours des uns et des autres est essentiellement caractérisé par la platitude et l’imprécision.

Parmi ceux qui se sont jusque là exprimés, personne n’indexe avec précision les grands maux de la Mauritanie, et les remèdes qui leurs sont appropriés. Messieurs les candidats, arrêter donc avec vos discours vagues et dites-nous quels problèmes vous traiterez et comment !

Aussi ma grande crainte est que la Mauritanie traverse ces élections présidentielles en ne mettant pas sur la table des débats, les vrais problèmes qui minent sa stabilité et engagent son pronostic vital.

Certes de nombreux mauritaniens sont tenaillés par la pauvreté, de nombreux autres n’ont pas accès aux soins de santé de base et à l’éducation élémentaire, mais les plus grands maux de notre pays qui menacent son existence par ces temps d’instabilité, c’est le racisme d’Etat et l’esclavage.

I. Le racisme d’Etat

Le racisme d’Etat frappe les populations négro-africaines que sont les Peuls, les Soninko, et les wolofs et les plonge dans une terrible frustration d’être des pseudo-citoyens à la dignité constamment bafouée. Ce racisme s’enracine dans notre loi organique se manifeste essentiellement sur deux plans :

1.1. La discrimination linguistique et culturelle est instituée par l’article 6 de la constitution mauritanienne qui stipule : « Les langues nationales sont l’arabe, le poular, le soninké et le wolof. La langue officielle est l’arabe ».

A cause et au nom de cette loi les Peuls, les Soninkés et les Wolofs dont je fais partie n’ont pas le droit de suivre, avec le même temps d’antenne, le journal à la télévision et à la radio comme leurs compatriotes arabophones ; ils sont réduits à écouter leurs responsables politiques (président, ministres …) et administratifs (gouverneurs, préfets, chefs d’arrondissement …), les applaudir sans jamais rien comprendre de ce qu’ils ont dit ! Les cadres négro-africains sont honteusement isolés et discriminés dans toutes les réunions, uniquement parce qu’ils ne parlent pas hassaniya-arabe ! Moi-même à l’université de Nouakchott, je ne cesse de subir cet isolement à travers lequel on me fait clairement comprendre que tant que je ne parlerai pas hassaniya je n’aurai jamais les mêmes droits que les autres universitaires…

1.2. La deuxième discrimination est celle de la représentativité à tous les niveaux de la sphère politique, économique et administrative. Les Peuls, Soninkes, Hratines et wolofs sont sous-représentés dans la hiérarchie de l’Etat au point que le déséquilibre s’apparente à une forme d’apartheid.

En effet, c’est plus de 90% des postes politiques et administratifs (y compris dans les forces armées et de sécurité), de notre pays qui sont occupés par les membres de la seule communauté beydane dont le poids démographique ne dépasse pourtant pas les 30% de la population mauritanienne.

Oui, je sais que c’est presque un tabou que de s’exprimer en ces termes, que certains se précipiteront pour me traiter de communautariste, voire de « raciste », mais les méfaits sont si têtus que pour leur trouver des solutions nous n’avons d’autres choix que celui de souligner d’abord la réalité accablante… Et puis franchement, traiter de « racistes » ceux qui ont le courage de dénoncer le racisme, c’est « démodé » ! Alors trouvez autre chose.

II. L’esclavage et la féodalité

Un pays à l’aube du troisième millénaire qui aspire à jouer un rôle au concert des nations, ne saurait s’accommoder ni de l’esclavage, ni de la féodalité. Or selon des voix autorisées, l’esclavage frappe plus de 20% de nos compatriotes de la communauté haratine et la féodalité plus de 30% de nos compatriotes peuls, soninkés et dans une très moindre mesure wolofs. C’est ici l’occasion pour moi d’apporter mon soutien au mouvement « Gambanaaxou fedde » qui incarne une volonté claire de combattre les discriminations statutaires en milieu soninké.

La persistance de l’esclavage et sa survivance à travers la féodalité sont une insulte à notre conscience humaine et une tache déshonorante sur tous les emblèmes de notre souveraineté nationale. L’esclavage et la féodalité doivent être reconnus comme des endémies et traitées avec des remèdes de cheval pour permettre une renaissance de notre patrie qui pourrait alors être fière d’elle-même.

III. Esquisse de solutions :

Pour en finir avec le racisme d’Etat et instaurer une citoyenneté véritable en Mauritanie, les candidats crédibles aux prochaines élections présidentielles ne peuvent faire l’économie de ces engagements:

3.1. Modifier la constitution de la Mauritanie en introduisant, notamment dans l’article 6, l’officialisation du poular, du soninké et du wolof aux côtés de l’arabe, cela au nom de l’égalité des Mauritaniens toutes communautés confondues ;

3.2. Introduire dans la constitution une loi imposant, dans toutes les nominations officielles, une représentativité numérique de un tiers (1/3) des membres de chacun des trois grands groupes communautaires de notre pays : les Beydanes 1/3, les Hratines 1/3 et les Négro-africains (Peuls, Soninké, wolof), 1/3.

3.3.Autoriser les associations de lutte contre l’esclavage, soutenues par des unités de la gendarmerie nationale à effectuer à travers le pays des missions inopinées destinées à débusquer les esclavagistes pour les traduire devant les tribunaux spécialisés et surtout veiller à ce que ceux-ci disent les lois dans toute leur rigueur.

3.4. Réformer le secteur de la justice et des forces armées pour les rendre plus conformes à la réalité démographique de la Mauritanie dans toute sa diversité ethnologique. Le salut de la Mauritanie exige de nous la rupture d’avec le tabou du débat et l’instauration du débat sans tabou afin que naissent des solutions consensuelles qui soient acceptables pour tous. Chers compatriotes, soyez vigilants et ne votez que pour les candidats qui prennent en charge, explicitement et précisément, ces réformes ! Notre stabilité en dépend !

Mamadou Kalidou BA Nouakchott le 16 avril 2019.



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Commentaires (3)

  • Aigle Noir (H) 16/04/2019 16:58 X

    C’est une très bonne contribution pour une Mauritanie juste et la chance à tout le Monde de réussir, seulement les tenants du système croient comme fer, que la domination et l’exclusion sont des solutions à ce qui se passe actuellement. Je voulais tout simplement dire que votre proposition est une excellente proposition si elle trouve preneur ou un peuple décider à l’imposer et la réussir comme peuple digne de ce nom. Monsieur Bâ, faites un tour dans l’administration et vous constaterez de vous-même la carence qui prévaut dans les bureaux, vous trouverez dans une direction, une vieille secrétaire qui ne sait ni lire ni écrire, mais elle est là parce qu’elle ne doit pas être là, utiliser toutes les langues que vous connaissez, elle ne vous répond que dans une seule, ne la demandée jamais de vous écrire votre N° de téléphone ou votre nom, la première des choses qu’elle fait est de vous donner le bout de papier et vous dire écrivez. Donc, nous sommes face à une situation de crise administrative du point de vue cadre dans l’administration, pourtant ces cadres existent mais d’une autre communauté, Poulaar, Soninké et Wolof, demain pour que notre administration fonctionne, nous devons faire appel aux pays arabes, comme des marocains, des syriens, des algériens et des sahraouis.

  • cccom (H) 16/04/2019 16:41 X

    Pour créer l'émergence scientifique du pays; éradiquer la haine entretenue par certains, le chômage et généraliser la prospérité dans tous les villages, Edebayes, Ksours, Hedras; quartiers pauvres.. il faut et il suffit libérer les initiatives de réformes de l'Education intensive et gratuites et de l'Agriculture intensive en gestation (en études) dans la sécurité que nous soulevons souvent dans nos pages Faceook https://web.facebook.com/cheikhany.ouldsidina .

  • lass77 (H) 16/04/2019 15:52 X

    Contribution salutaire mais Monsieur Ba, je vous fais remarquer que Biram Dah Abeid évoque , parle , denonce les vrais maux de la Mauritanie contrairement aux autres candidats y compris negromauritaniens, notamment la question de la féodalité et de l'esclavage chez les negromauritaniens dans leur region principale. C'est une bombe à retardement qui fait le jeu du systeme en place. Ensuite , je partage clairement , c'est une solution rectificative du tort continu subi par les Noirs. Il faut une nouvelle constitution en vue d'adopter des proportionnelles pour les elections de telle sorte aucune composante ne domine l'autre . J'ai parlé d'Israél , de l'Irak et un peu à la libanaise. Par 1/3 de votre proposition reservé pour les negromauritaniens reunis , c'est anormal tout en sachant que les peuls sont nombreux que les beydans. Ce sont des pistes , mais le systeme ne voudra pas et c'est pour cela que les Mauritaniens devraient descendre pacifiquement comme l'ont fait les Algeriens et les Soudanais recemment pour obtenir des changements. Sinon, ce pays restera dernier de la sous-region voire du continent car le systeme actuel mauritanien plombe tout developpement du pays et la question de l'unité nationale restera en suspens.