07-10-2019 11:35 - Lettre ouverte d'un groupe de pharmaciens à Mr le ministre de la Santé
Pharmacien Mauritanien - Monsieur le Ministre, permettez-nous, de prime abord, notre respect et considération.
Monsieur le Ministre, nous avons choisi comme beaucoup d’autres Mauritaniens un métier
parmi tant d’autres à la construction de notre pays. Ce métier n’est rien d’autres que celui de
pharmacien qui constitue un maillon crucial de la santé publique nonobstant le désintérêt
grandissant dont il fait objet.
Monsieur le Ministre, nous voulons saisir cette journée
mondiale du pharmacien pour nous adresser à vous, en vous excipant notre profonde
désolation et inquiétude vis-à -vis du secteur pharmaceutique qui connait un degré
d’altération et de dégradation très avancées.
Monsieur le Ministre, le mal dudit secteur est tellement profond à telle enseigne que le
courage et la détermination ne sauraient suffire pour le redynamiser et le placer dans
l’ambiance des standards internationaux en la matière.
Au fond, pour plusieurs raisons la pharmacie mauritanienne souffre d’une léthargie manifeste
inhérente à des facteurs diversifiés et édifiants.
1. L’effectif des pharmaciens :
La Mauritanie ne comporte que 144 pharmaciens inscrits à l’ordre « donc exercent
légalement ». Ce nombre est largement insuffisant pour prendre en charge tous les besoins
en approvisionnement et en délivrance de médicaments à l’échelle nationale.
En outre, ce faible effectif a conduit à des pratiques inacceptables à l’époque contemporaine.
Relatives à l’exercice illégal de la pharmacie par des personnes dépourvues de toute
compétence dans ce domaine pour des raisons uniquement pécuniaires et à la transformation
du médicament en produit banal de commerce.
Monsieur le Ministre, ce déficit est certes énorme mais il n’est point insurmontable. Loin s’en
faut, du reste. En effet, un département de pharmacie dans la faculté de médecine de
l’université de Nouakchott al Asriya peut nous permettre dans les 10 prochaines années de
combler ce gap tout en assurant la couverture efficace, efficiente et sécurisée de toute
l’étendue du territoire en médicaments.
2. Des chiffres alarmants en termes de grossistes et dépôts pharmaceutiques pour une
population de moins de 5 millions d’habitants
Pharmaciens diplômés 144
Pharmacies privées 144
Pharmaciens propriétaires de leur pharmacie 48
Dépôts pharmaceutiques 345
Grossistes répartiteurs 46
Ces effectifs de pharmacies, de dépôts de pharmacie et de grossistes répartiteurs non
règlementaires sont incontrôlables et incontrôlés par l’Inspection Générale de la Santé qui
même si elle en avait la volonté ne dispose pas de moyens humains et financiers pour suivre
et s’assurer du respect des règles élémentaires en matière de pharmacie.
Il est inutile de rappeler que la Mauritanie est l’un des rares pays ou si non le seul ou la Loi
sur l’ouverture de dépôts pharmaceutiques permet à de non-pharmaciens d’en ouvrir et pire
dans un rayon où une pharmacie est déjà établie. L’observation des règles élémentaires de
sécurité sanitaire fermerait tous les dépôts pharmaceutiques à Nouakchott ainsi que toutes
les pharmacies dont le propriétaire n’est pas pharmacien, toute en limitant le nombre de
pharmacie par pharmacien à une.
3. L’exercice illégal légalisé de la pharmacie par la loi nationale :
La pharmacie est, aujourd’hui, pratiquée par une gamme de personnes allant des
professionnels de santé (médecin, infirmier, dentiste, sage-femme) aux vendeurs sans
formation particulière. Cette donne place le médicament en haut de la liste des produits
commerciaux banalisés ; ce qui constitue un danger permanent qui plane sur la santé
publique si l’on s’en tient aux nombreux effets indésirables liés à l’utilisation des produits
médicamentaires officieux.
Selon l’OMS qui a appel à agir,
- 1 médicament sur 10 est de faible qualité ou falsifié dans les pays en voie de
développement ;
- Entre 72 000 et 169 000 enfants décèdent dans le monde de pneumonie à cause
d’antibiotique de mauvaise qualité ;
- 116 000 (64 000 - 158 000) décès supplémentaires dus au paludisme pourraient être
imputables chaque année à des médicaments antipaludiques de qualité inférieure ou
falsifiés en Afrique subsaharienne.
- Le coût s’établit à 38,5 millions de dollars (US $) pour les patients et les prestataires
de soins, au titre des soins supplémentaires dus à l’échec du traitement ;
- Rien qu’en Europe, la résistance aux antibiotiques est responsable de près de 25 000
décès annuels, entraînant des coûts de santé supplémentaires et une perte de
productivité d’une valeur totale d’au moins 1,5 milliard €.
Ces quelques chiffres consultables au niveau de la bibliothèque en ligne de l’OMS montrent
qu’il est largement impossible pour un pays comme la Mauritanie sans règlementation stricte
d’estimer les décès et le cout lié à la mauvaise qualité des médicaments et aux médicaments
falsifiés.
Monsieur le Ministre, au lendemain de votre prise de fonction comme premier responsable
de l’état de santé des mauritaniens, nous vous adressons cette présente lettre ouverte non
pas pour nos besoins individuels mais pour attirer votre attention sur ce fléau dans lequel vit
chaque mauritanien à chaque instant dans ce pays. Nous nous sommes permis de le faire car
pensant être bien indiqué, en tant que pharmacien, à le faire.
Permettez-nous, au final, de vous souhaiter la plus grande réussite dans votre mission, en
vous priant, au demeurant, d’accorder une attention particulière au secteur du médicament,
un secteur tueur silencieux pour qu’en fin l’offre médicamentaire soit à la hauteur des besoins
de santé publique et conforme aux paradigmes universels consacrés.
Pharmacien mauritanien.