23-12-2019 23:15 - Note juridique

Note juridique

Mamadou Ba - En vertu d'une procuration d'affectation hypothécaire au profit d'une banque, le procurant peut-il être considéré comme caution réelle du débiteur principal vis-à-vis de la banque?

Dans le cadre de leur politique d’octroi de crédit, les établissements de crédit exigent de leur client (particuliers ou/et entreprises) la fourniture des garanties. Celles-ci sont multiples et variées. Il peut s’agir donc des garanties réelles ou personnelles.

Les premières comprennent les garanties réelles mobilières (gage, nantissement…) et les garanties réelles immobilières (cas d’hypothèque). Les secondes à savoir les sûretés personnelles, l’illustration typique est le cautionnement surtout dit solidaire.

Dans cette note juridique, nous nous interrogerons sur le fait qu’un mandant puisse être appréhendé comme caution réelle dans l’hypothèse où un bien à hypothéquer n’est pas la propriété du constituant.

Par ailleurs, le client particulier ou entreprise qui, sollicitant un crédit ou prêt bancaire d’un montant considérable, se verra contraint de fournir une hypothèque au profit de sa banque.

L’affectation hypothécaire exigée par la banque s’analyse comme une caution réelle. En effet, la caution réelle est celle qui affecte un bien généralement immobilier pour garantir la dette d’une tierce personne (débiteur principal) au profit du créancier (établissement de crédit) dudit débiteur si celui-ci n’arriverait pas à honorer ses engagements vis-à-vis de son créancier.

Par ce mécanisme, le créancier fortifie sa créance et s’assure éventuellement du remboursement du crédit consenti à son débiteur. Cependant, le constituant doit être propriétaire du bien immobilier qui fera l’objet d’affectation hypothécaire.

Quid du constituant qui n’est pas propriétaire d’un bien immobilier à hypothéquer ?

En pratique, le constituant peut ne pas être propriétaire d’un bien immobilier. Toutefois, il doit avoir le pouvoir requis pour affecter le bien en question en hypothèque d’où le recours à une procuration.

Ainsi, une telle procuration tient-elle lieu et place d’un cautionnement réel ? Mieux, le procurant est-il engagé comme caution réelle du débiteur vis-à-vis de son créancier ?

Par référence au droit mauritanien en la matière, on ne peut statuer sur la question susvisée. En effet, aucune disposition de notre code des droits réels relative précisément à la convention hypothécaire ne nous éclaire sur les conditions de fond pour la constitution d’une hypothèque valable. Toutefois, les conditions de forme et même spéciales sont prévues dans ledit code en ces termes :

« l’hypothèque ne peut être valablement consentie que par acte rédigé par un notaire et par lui paraphé et y apposant son cachet écrit. L’immeuble sur lequel l’hypothèque est consentie ainsi que le montant de la créance doivent être déterminés dans l’acte », article 221 de la loi n°014/2017 portant Code des Droits Réels mauritanien.

Par ailleurs, l’omission des conditions de fond pour la validité d’une constitution hypothécaire est justifiable. En effet, à l’instar de tout contrat qui, pour sa validité, doit remplir les conditions de droit commun aux termes des dispositions du Code des Obligations et des Contrats, la convention hypothécaire n’en demeure pas une exception. En ce sens, le constituant doit avoir notamment la capacité juridique pour affecter une hypothèque sur un bien immobilier dont il n’est pas propriétaire d’où le recours à la procuration.

Ainsi, le procurant donnant pouvoir au constituant est-il lié au créancier de ce dernier ?

Sachant que la convention hypothécaire n’est signée qu’entre les parties en l’occurrence le constituant et le bénéficiaire, le procurant ne peut être en principe lié juridiquement au créancier du procuré. Mais, si on se fie au caractère accessoire du cautionnement réel, on réalisera que le procurant, en conférant pouvoir sur son bien au procuré afin de l’affecter en hypothèque, s’engage simultanément à répondre aux engagements du procuré défaillant. D’ailleurs, c’est le procurant qui, pratiquement, se constituant garant et aval solidaire sur le bordereau de l’inscription hypothécaire et le certificat de l’inscription hypothécaire établis et délivrés par les services compétents de la conservation foncière de la Direction Générale des Domaines.

Lesdits documents (bordereau et certificat d’inscription) présentent un double intérêt :

- Ils constatent pour l’établissement bancaire bénéficiaire la date certaine de son inscription hypothécaire sur le bien en question et par conséquent son rang de préférence par rapport aux autres créanciers et de son droit de suite sur le bien se grevant sa garantie hypothécaire.

- Ils permettent d’informer les tiers sur l’état des inscriptions hypothécaires grevant un titre foncier.

En conclusion, le procurant, qu’il soit conscient ou non de la portée du pouvoir qu’il confère sur son bien immobilier au procuré, est considéré sur le plan de droit des sûretés comme une caution solidaire. Comme telle, il pourra voir son bien mis en vente aux enchères par le créancier de son procuré défaillant pour se faire rembourser de sa créance.

NB : Contrairement à la caution personnelle ordinaire ou solidaire qui serait engagée dans l’ensemble de son patrimoine au cas de la défaillance du cautionné, la caution réelle permet seulement au créancier de se payer sur le bien affecté si le débiteur principal en pareil cas le procuré est défaillant.

Mamadou Ba,
Juriste d'affaires et assistant juridique au Département juridique d'Orabank Mauritanie





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Source : Mamadou Ba
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Commentaires (1)

  • so-hal_has_wol (H) 24/12/2019 10:55 X

    cet article mérite que je retrouve mes identifiants et lancer mes encouragements à ce monsieur, intéressant et enrichissant !!! Merci Merci ! Camara S H