15-04-2020 13:12 - Mauritanie : racisme, faux semblants et fatalité de l’histoire | Note de synthèse

Mauritanie : racisme, faux semblants et fatalité de l’histoire | Note de synthèse

IRA-Mauritanie - Le 11 avril 2020 Bouceif Ould Hmeiti, cadre à la Société nationale industrielle et minière (Snim) et conseiller municipal de Zouérate (nord) est interpelé, par la police, à la suite d’une plainte, près le parquet, de deux Ong proches du pouvoir.

Le surlendemain, 13 avril, à Nouakchott, des hommes en uniforme s’emparent de Mariem Mint Cheikh, quelques heures après son époux, Mohamed Diodié, également militant de Ira-M, désormais en liberté. Ainsi séparée de l’enfant qu’elle allaite, son lieu de détention reste inconnu.

Postulat

Les griefs retenus à l’endroit des trois renvoient à la pénalisation des discours de haine, en vertu de la loi du 18 janvier 2018, dans le cadre de la lutte contre les discriminations.

A l’époque, le texte soulevait les réserves de 3 rapporteurs spéciaux de l’Organisation des nations unies (Onu), en l’occurrence MM David Kaye « promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression », Michel Forst « situation des défenseurs des droits de l'homme » et Tendayi Achiume « formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ».

Dans une correspondance adressée, le 24 janvier, au gouvernement de la Mauritanie, ils attiraient l’attention sur les incohérences et les risques de bavure, notamment le musellement des militants abolitionnistes et autres promoteurs de l’égalité.

Il n’échappait, alors, aux esprits doués de discernement, que le Parlement légiférait, en la circonstance, à l’unique fin d’endiguer l’indignation des exclus.

Objections

A la différence du prévenu de Zouérate dont l’enregistrement audio énonce une opinion de supériorité sur les noirs et de stigmatisation de ceux-ci, Mariem Mint Cheikh publie, au travers de sa page Facebook, la critique de la domination à la naissance, qu’elle impute à « l’Etat des maures ».

A certains passages, elle le maudit et en prédit le déclin. La distinction, ici exposée, établit la comparaison d’une parole relevant du mépris esclavagiste, à la contestation de l’ordre et des valeurs où les auteurs de tels excès trouvent les accents de l’arrogance, l’assurance de l’impunité et la légitimation ethno-religieuse de l’énoncé. A l’insulte héritée de siècles de suprématie et d’exploitation, vient répondre la sédition des mots.

Lequel faut-il blâmer ? Pire encore, un fonctionnaire de l’Agence nationale du registre de la population et des titres sécurisés ( Anrpts), parent du Chef de l’Etat et un employé local de l’Ambassade de Mauritanie en Côte d’Ivoire, tous les deux salariés de la fonction publique, s’étaient rendus coupables d’apologie de l’esclavage, exactement selon les termes attribués à Bouceif Ould Hmeiti ; Jusqu’à ce jour, chacun occupe sa fonction, à l’inverse de la diplomate Mint Aoufa, en janvier 2020, le surlendemain de son tweet antisémite.

Constat

Il convient de le souligner ici, les noirs de Mauritanie n’ont jamais exercé la contrainte de groupe sur leurs compatriotes arabo-berbères. L’inverse est copieusement attesté, longtemps durant et nul n’en ignore le bilan ; à une époque récente, de 1987 à 1991, le placard débordait de cadavres, malgré les tentatives avortées de contrefaçon du récit et de ménagement d’une amnésie collective.

Allons plus avant, dans l’exégèse des faits : Quand il s’est agi, en 1990, d’actionner la justice, au nom des victimes, pour obtenir réparation de centaines d’assassinats et de milliers de déportations sur le fondement de la race, les députés du moment exacte traduction du rapport des forces social au sortir de la tuerie, s’empressaient d’adopter un texte dit « d’amnistie ».

A présent, la loi numéro 93-23 du 14 juin 1993 interdit de juger les commanditaires, exécutants et complices, quel qu’en soit le niveau d’implication. A ce trait d’iniquité, s’ajoute la requalification - quasi mécanique - des plaintes face aux pratiques de l’esclavage et, in fine, l’abandon des poursuites.

Il s’agit, juste, d’un exemple, parmi d’autres dans un pays qui réserve, à une seule de ses communautés, l’essentiel de la puissance matérielle et statutaire, le monopole des banques et les agréments de chaines de radiotélévision. Si ce n’est l’Apartheid, la ressemblance confine à la gémellité.

Chiche !

Comme de bien entendu, Ira-M, réprouve la stigmatisation de l’Autre et les diverses facettes du racialisme et s’en tient aux moyens de la non-violence et du droit. A ce titre, s’est-elle séparée d’éléments de valeur sur le terrain, à cause de leurs outrances, parfois proférées ad hominem.

Il n’est plus question de revenir sur cette révision, si douloureuse fût-elle. Aussi, l’Ira-M attend-elle, du gouvernement et des magistrats, la mise en accusation judiciaire de l’ensemble des contrevenants à la loi, sans en excepter l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz ; le 3 mai 2016, à Néma, il expliquait la pauvreté des descendants d’esclaves, par le pullulement de leur natalité.

La vague de procès que nous proposons s’annonce d’utilité et de pertinence, afin de recouvrer le goût de la vérité et le sens d’une cohabitation féconde à l’épreuve d’un prétoire impartial.

Au terme des audiences, les mauritaniens constateront l’évidente vanité de vouloir censurer les mots, quand la réalité les conforte tant et si bien. Ce jour-là, nous parlerions, à l’unisson, le même langage.

D’ici le grand déballage, Mariem Mint Cheikh doit recouvrer son foyer parce qu’elle n’a d’autre asile où fuir l’injustice, que la terre de ses ancêtres humiliés.

L’y retiennent, ses enfants en bas âge, son combat et la certitude de les voir grandir sous l’égide du mérite. Mariem Mint Cheikh n’est pas une délinquante, non, plutôt l’héroïne de sa cause, la nôtre aussi.

Nouakchott, le 14 avril 2020



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Source : IRA-Mauritanie
Commentaires : 5
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Commentaires (5)

  • Belphegor (H) 20/04/2020 10:27 X

    @CLNMYN Il connaissent très bien les composantes de la population détrompez vous, ces communiqués tendancieux c'est pour les besoins de la propagande auprès de leurs parrains occidentaux.

  • CLNMYN (H) 17/04/2020 10:40 X

    Si il y a des esclaves blanc en mauritaniens, des notables noires (chef et chérifs) maures Visite Inchiri, tagant ,l’assaba , Hodh Ech Chargui et Hodh El Gharbi. Après votre visite vous allez comprendre que la couleur noir de la peau en Mauritanie ne veut pas dire esclave. Et de plus 6 sur des hommes d’affaires les plus riches en Mauritanie sont des anciens esclaves… Arrete de parle de couleur et d’esclaves surtout vous connaissez pas la composante de votre pays

  • moukhabarat (F) 16/04/2020 12:29 X

    dans l'empire du Ghana les maures étaient des sujets de noirs. Les noirs ont toujours eu des esclaves noirs et c'est vrai au'en Mauritanie il n'y a jamais d'esclaves blancs.

  • mdmdlemine (H) 15/04/2020 20:01 X

    C'est de la Communication BETON digne d'activistes intellectuels de haut niveau qui réussissent avec brio leur guerre médiatique face à l'armée des journalistes officiels et qui malheureusement souffre de la puissance physique pour se mesurer aussi à l'Etat C'est bien de bannir le discours de la haine mais c'est mieux de raser ses symboles, ses effets quotidiens, ses visages hideux je pense que le meilleur combat contre la xénophobie est de commencer par les esclavagistes tant physiques que de conviction et ils sont des milliers dans le sérail et dans l'arrière pays Il y a semble des conspirateurs qui veulent étouffer le train de réformes engagé par Ghazouani en concentrant leur lutte sur le maillon faible de la socièté Mariem c'est d'abord une victime relativement libre mais prisonnière de séquelles insupportables et indélibibles dans l'ame Il faut la liberer et s'efforcer de moraliser les choses en procedant par dextérité et sans brusquer C'est d'autant vrai qu'on est à l'époque Ghazouani et qu'à ce rythme c'est certain de revenir demain dans le pré-carré d'aziz au grand regret des optimistes a bon entendeur salut

  • medabdul (H) 15/04/2020 15:41 X

    eh bien oui;il n'est jamais tard pour se rendre compte qu'on a été les dindons d'une farce immorale;immonde et abominable.