02-05-2020 00:00 - |Libre Expression| L’esclavage statutaire en milieu soninké

|Libre Expression| L’esclavage statutaire en milieu soninké

Ismail Traoré - En écoutant les uns et les autres, notamment sur la question de l’esclavage statutaire ou coutumier, donc par ascendance, je me suis aperçu que de nos jours, beaucoup d’intellectuels et cadres soninkés se rangent du côté des masses populaires analphabètes.

Les paroles le plus couramment proférées sont, entre autres : «L’esclavage est révolu »; «Nul ne doit être exploité, légué et/ou cédé»; «Tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité ». Ces propos sont certes augustes et fédérateurs. Ils sont tout de même ironiques.

Car étant issus de l’ordre féodal, ces derniers ne peuvent ni tenir des discours prolifiques ni ériger des lois fiables, encore moins trouver des compromis sur des sujets à caractère litigieux.

Il est à déceler aussi chez ces personnes un sentiment d’indifférence voire un comportement d’apathie et de passivité. Loin de prendre une position perfide, je réagis en tant qu’individu appartenant à la même société dont à présent indigné face à des pratiques d’antan rétrogrades.

Je suis écœuré d’entendre encore par des témoins oculaires que chez nous, des maisons sont saccagées, des champs sont défrichés, des hommes sont chassés de leurs villages, certains ont été ligotés et battus avec des machettes et des gourdins parce qu’ils ont dit qu’ils ne veulent plus l’esclavage coutumier ou par ascendance.

Ces actes exclusivement odieux et vraisemblablement insensés sont répréhensibles. S’agissant des auteurs des crimes, ils doivent comparaitre devant les cours pénales. Ces chauvins et les soi-disant ténors se laissent guider par un instinct animal, puisqu’ils réagissent sans moindre scrupules. Leurs assauts ne se bâtissent sur aucun plan stratégique.

Ce qui s’est passé le 05 avril 2020 au Mali, plus précisément à Lani Tounka dans la circonscription de Kayes est inadmissible. En effet, un groupe majoritaire pour ne pas dire aristocrate garni de toute sorte d’armes blanches s’est levé contre les familles prises pour inférieures, puisqu’elles sont minoritaires afin de les lyncher et d’incendier leurs foyers y compris leurs magasins de stockage.

À noter également que les membres de cette communauté sont écartés des affaires villageoises telles que les cérémonies funéraires, nuptiales… De même, ils sont dépossédés de leurs terres agricoles, les filles et les garçons ne sont plus scolarisés parce qu’ils ont été interdits à l’école de la ville. Pareil, leurs défunts ne sont plus enterrés dans le même espace que les autres. Ces problèmes ne concernent pas seulement cette localité. Environ 70% des villages soninkés du Mali, de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, où de nombreuses personnes ont été tuées, se retrouvent dans cette posture. Quelle horreur !

C’en est trop ! Il est temps de tourner la page de l’Histoire. Le soninkara entier doit se lever pour dire non à l’esclavage statutaire ou par lignage; non à la violence physique; non à l’outrance verbale; non à la scission ethnique ! Le célèbre écrivain malien Seydou BADIAN ne dit-il pas que « La maison n’est belle que lorsque chacun y reconnaît sa part de labeur ».

Et moi je dirai le jamaane (nation), le debbe (village) et le kunda (quartier) ne sont admirables que quand tout le monde s’y sent utile et ragaillardi. L’éclatement étatique, clanique et communautaire m’étouffe. Je dois arrêter de me voir en cordonnier, en noble, en forgeron, en griot ou encore en esclave. De même, je dois cesser de me voir en maure, en soninké, en peul, en wolof, en bambara, en malinké. Je dois juste me voir en citoyen du monde, en être civilisé.

Je ne pourrai conclure sans me rappeler du théoricien de la “non-violence” Mahatma Gandhi à travers Robert Deliège Gandhi sa vie et sa pensée : « La non-violence n’est jamais un acte de faiblesse, une démission et encore moins l’expression d’une peur. La non-violence est le moyen d’arriver aux buts que l’on s’est fixé ; elle est à la fois un moyen et une fin en soi ». Que tout se fasse sans la violence !

Par Ismail Traoré

Étudiant-chercheur à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Limoges / France

ismael172017@yahoo.com





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Source : Ismail Traoré
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Commentaires (3)

  • duneoasis (H) 02/05/2020 15:25 X

    renseignement pris après la diffusion de l'article, il paraît que la famille de ce monsieur très importante est au cœur du pouvoir dans son village à la fois pour la conduite des affaires courantes que celle des affaires religieuses. Son oncle dont il porte le nom serait un marabout et son père fut muezzin jusqu'à sa mort, paix à son âme. Le concernant lui même avant de venir en France il a présidé et dirigé l'association de la jeunesse du village. Sa famille est par ailleurs grands propriétaires de terres et de terrains. Donc il n'y a pas de quoi pavoiser. Sur cette publication il ne peut avoir que d'autres calculs que l'esclavage qu'il n'a jamais subit.

  • nemahaidara (F) 02/05/2020 08:50 X

    Cessez de nous bassiner avec vos histoires d'esclavage par ascendance en milieu soninké .Ce qui préocuppe tout le monde c'est l'esclavage tout court et le racisme d'état qui le sous tend .A ma connaissance même si le système utilise des soninko "nobles" pour se perpétuer , ces derniers ne représentent pas le régime ,sous lequel ils n'ont aucune influence comme les autres hratins , pullars , wolofs du régime .Si vos "nobles" ne veulent pas vous donner leurs filles en mariage , tournez vous vers les autres mauritaniens .Il n'est pas question ici de défendre un ordre quelconque mais je pense que votre lutte doit s'inscrire dans le cadre de l'émancipation globale des peuples mauritaniens .Et il faut se battre sur le terrain au lieu d'être derrière son clavier .Les droits sont à conquérir .Soit vous rejoignez ceux qui luttent pour tous , soit vous allumez le feu de la lutte de votre côté et le reste des mauritaniens va de son côté engager la lutte pour que ensemble la lutte aboutissent .Cessez de vous battre derrière les claviers et les grands mots .Les tenants du système ne lisent rien (ni le français , ni l'arabe ) Halte donc à ces cris dans le désert surtout en cette période de COVID 19 où notre survie en tant que peuples est menacée...

  • duneoasis (H) 02/05/2020 06:17 X

    Voilà encore un qui prépare un dossier d'asile et qui se sent obliger de faire un grand détour par la question de l'esclavage devenue le passeport pour avoir le sésame.