11-06-2020 11:11 - "Rhodes doit tomber" : au Royaume-Uni, la jeunesse dénonce le passé colonial du pays

Francetvinfo - Cecil Rhodes a été le grand ordonnateur de la colonisation britannique en Afrique australe, archétype du capitalisme colonial. Son action est à son tour décriée.

C'est désormais la statue de Cecil Rhodes qui vacille. Erigée à Oxford sur la façade de l'Oriel College, l'un des établissements qui constituent la prestigieuse université, où il a été élève, puis un important donateur.

Des manifestants, jeunes, réclament qu'on retire cette statue, symbole à leurs yeux de l'héritage colonial du pays.

Tout a commencé à Bristol, au Royaume-Uni, quand le 9 juin dernier, des manifestants ont mis à terre, puis jeté dans la rivière, la statue d'Edward Colston, riche marchand d'esclaves de la fin du XVIIe siècle. Une rue porte également son nom dans ce port, haut lieu du commerce triangulaire britannique, et de son enrichissement.

En France, le nom de Cecil Rhodes parle peu. Il est pourtant un acteur majeur de la colonisation britannique en Afrique australe. Son nom donné pendant un temps, à deux pays en atteste. La Rhodésie du Nord, l'actuelle Zambie, et la Rhodésie du Sud devenue Zimbawe à l'indépendance.

Rhodes n'est ni un soldat, ni un aventurier. En revanche, il a un sens très aigu des affaires. En 1870, ses parents l'envoient rejoindre son frère en Afrique du Sud dans la région du Natal pour y soigner son asthme, il a 17 ans. Les deux frères vont vite abandonner leur ferme et l'ingrate culture du coton, pour s'intéresser aux diamants dans la région de Kimberley.

Fondateur de la compagnie de Beers

Cecil Rhodes comprend vite qu'il y a mieux à faire que de gratter le sol, fournir la logistique est bien plus rentable. Il vend du matériel, de la nourriture, réinvestit ses profits en rachetant les concessions des prospecteurs malchanceux. En 1885, il possède la quasi totalité des mines de Kimberley. Trois ans plus tard, il fonde la prestigieuse compagnie de Beers qui va rapidement contrôler 90% de la production mondiale de diamants.

Homme d'affaires avisé, Cecil Rhodes a également une haute estime de soi, et plus globalement des sujets britanniques. On lui prête cette formule très suprémaciste: "Etre né Anglais, c'est avoir gagné le premier prix à la loterie de la vie." Il faut dire qu'à l'époque, l'Empire de la reine Victoria n'était pas un vain mot.

Mais pour Rhodes, l'Empire est encore trop petit. Il veut "peindre la carte du monde en rouge", la couleur de l'Angleterre. Dans ses rêves, il veut aussi rassembler Boers et Britanniques sous l'Union Jack, construire une ligne de chemin de fer entre Le Caire et Le Cap. Rule Britannia (chant patriotique britannique) !

Rhodes crée la Rhodésie

Alors naturellement il se lance en politique. A 28 ans, il est élu député de la colonie britannique du Cap. En 1890, il en devient le Premier ministre. En parallèle, il fonde et dirige la British South Africa Compagny (BSAC) qui a pour but la colonisation et l'exploitation économique des régions au nord du Transvaal. Car la région du bassin du Limpopo-Zambèze n'a été attribuée à aucune grande puissance coloniale.

La BSAC obtiendra in fine la gestion de la région et va contribuer à créer deux nouveaux "Etats-colonies", la Rhodésie du Nord et celle du Sud, au plus grand bénéfice de l'Empire, et de Cecil Rhodes. Grâce à lui, le Royaume-Uni règne en maître sur la quasi totalité de l'Afrique australe.

Premier déboulonnage

En 2015, une première campagne, en Afrique du Sud, vise à faire disparaître Cecil Rhodes de la statuaire. Ainsi, sa statue de l'université du Cap, dont il fut le principal donateur, sera retirée après une polémique fiévreuse. Car aux yeux des militants, Rhodes symbolise l'exploitation coloniale et tous ses abus. Spoliation, discrimination, racisme. Tout ce que contiendra, bien après sa mort, le régime de l'apartheid sud-africain.

Désormais, le voici condamné dans son pays, l'Angleterre. L'homme n'y aurait plus sa place. Il n'est pas le seul, tout le royaume est désormais traversé par la volonté d'effacer les traces d'un passé désormais honni. Et les figures du colonialisme ne manquent pas.

Par Jacques Deveaux




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Source : Francetvinfo
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