26-06-2020 11:54 - Mauritanie : Enquête parlementaire/Aziz à la barre de gré ou de force ?

Mauritanie : Enquête parlementaire/Aziz à la barre de gré ou de force ?

Mohamed Chighali - La commission d'enquête parlementaire est semble-t-il à « main d’œuvre » pour préparer l’audition de l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. Rebelote pour un sujet d'actualité qui a déjà fait couler beaucoup d'encre.

Cette commission parlementaire en charge de faire toute la lumière de « fond en comble » de certains dossiers considérés « très sensibles » a été mise en place par le parlement. Après quelques tergiversations sur le profil de ses membres, ses compétences et les projets à passer au peigne fin, la commission s’est finalement frayée un chemin pour pouvoir « légalement » enquêter sur des "dossiers" un nouveau vocable ajouté au Larousse du langage politique du pays.

Des fuites d’informations ou des « sources » dignes de foi, intentionnellement libérées réchauffent ce sujet d'actualité. Une première dans les annales de l’histoire de la Mauritanie : un président sera appelé à la "barre" pour s'expliquer sur sa "désastreuse" gestion des biens de l'Etat au cours de ses deux mandats.

Evénement sans précédent dans un pays où généralement ne sont appelés à des barres que petits délinquants en conflit avec la loi. La commission parlementaire, une « supra-police judiciaire » est déterminée à aller jusqu’au bout de son enquête, un bout qui place la barre très haut de la « une » des feuilletons politico-judiciaires de pays de 4.000.000 de rebondissements politiques spectaculaires.

Seulement le « suivant », appelé à la barre n’est pas n’importe qui. C’est parait-t-il le « baron » de toutes les transactions opaques et douteuses qui font grincer les dents. Le Caïd doit répondre des chefs d’accusations de détournement du fonds des recettes pétrolières, la vente du foncier, des infrastructures scolaires, attribution opaques des marchés publics, contrats désavantageux pour le pays dans le secteur portuaire et dans l'énergie solaire.

Et de leur côté les parlementaires vont essayer de chercher à savoir par cet interrogatoire « musclé » s’ils arriveront à soutirer de l’accusé tous les éclaircissements dont ils ont besoin pour étayer la vérité des déclarations « sous sincérité » de ses anciens collaborateurs (Premiers ministres, ministres, Directeurs d’Etablissements publics ou parapublics, prête-noms, associés etc).

Accusé d’avoir provoqué une hémorragie cérébrale à l’économie.

Tâche qui ne sera pas aisée parce que celui sur lequel toutes les charges pèsent, n’est pas le petit repris de justice de Dar Naime. C’est un homme orgueilleux et impulsif. C'est le Général à la retraite Mohamed Ould Abdel Aziz, un homme puissant -ou du moins qui l’étais jusqu’à une date récente-, le dernier des chefs de l'état mauritanien à avoir pris les commandes de ce pays de 4.000.0000 d'habitants capables de faire en mouvement d’ensemble improvisé une volte-face à n’importe qui.

Les parlementaires reprochent à cet homme -qui les avait pourtant mis en garde contre un excès de zèle pouvant se retourner contre eux- d’avoir choisi une poignée de personnes affiliées à un cercle très restreint et très fermé de proches pour piller l'économie du pays. L’homme attendu dans les couloirs de « la justice » parlementaire est soupçonné donc d’avoir fait occasionner à la Mauritanie des dégâts inestimables dans des domaines économiques et financiers très variés qui ont saigné le pays par hémorragie « cérébrale ».

En d’autres termes, ils accusent Mohamed Ould Abdel Aziz, le président des pauvres, converti en président des riches, d’avoir troqué son statut de chef d’état contre une fonction de chef de « clan » mis en place pour piller les ressources du pays.

Mais il y’a un « mais ». Parce que simplement tout ce qui a été dit, révélé, constaté, avéré réel, et irréfutable soit par des documents soit par des témoignages a profité en fait à l’accusé sans l’impliquer directement. La question qui se pose donc c’est de trouver la réponse à la vraie interrogation. Celle de savoir dans cette affaire de commission parlementaire, le but final est-il de situer les responsabilités de ceux qui ont servis d’agents d’exécution ou d’accumuler des preuves matérielles qui inculpent et chargent le président considéré après tout comme le seul et vrai responsable de tous les actes commis ?

L’enquête parlementaire va t’elle enfoncer toute une génération des responsables de deux mandats successifs qui exécutaient des ordres descendants par voie hiérarchique ou les disculper ? Ou bien cette enquête parlementaire est simplement orientée vers la culpabilité de celui qui a joué le rôle de chef d’orchestre d’une machination diabolique de pillage de ressources ?

Quoiqu’il en soit et en attendant de savoir, la commission d’enquête parlementaire a tout à gagner en faisant venir devant elle l’ancien un général « dégradé » par les accusations portées contre lui et pour lesquelles toutes les preuves matérielles sont maintenant réunies. Cette commission atteindra-t-elle cet objectif ? La question mérite d’être posée. Ne serait-ce que par simple curiosité.

Si certains parlementaires membres de la commission d’enquête sont pressés de se retrouver en face de l’ancien président pour le « presser » par des questions embarrassantes, l’ancien chef de l’état pourrait être lui aussi pressé de venir à cette audience tant attendue pour révéler des informations hautement sensibles qui pourraient changer la donne. Peut-être même transformer l’accusé en partie civile « abusée » par des collaborateurs qui ont donnés « les mèches » aux parlementaires.

Le président qui a tout perdu jusqu’à son honneur n’aura plus rien d’autre à perdre. Plutôt plus à gagner en se vengeant de ceux qui l’ont laissé tomber au moment où il avait justement besoin de leur silence.

Par ailleurs il bon de savoir, que certains des membres de cette commission ont été « fabriqués politiquement » par ce chef de l’Etat qu’ils accusent. Et ces parlementaires qu’il a fabriqués lui-même politiquement pour ses nécessités de services, l’ont fabriqué eux aussi à leur tour. Ils ont, pour certains d’entre eux mangé dans le même plat et plongé dans la même marre, celle-là même, où disait un parlementaire « le phacochère s’est barbouillé puis a remué la boue avant son départ ».

Aussi, il ne faut peut-être pas perdre de vue que l’ancien chef de l’état, peut aussi simplement par orgueil, se rétracter derrière son refus catégorique de comparaitre, devant ceux qui peuvent user des moyens dissuasifs pour faire venir devant eux de gré ou de force n’importe quel citoyen qu’ils souhaitent entendre pour les besoins de l’enquête.

Ce qui est sure c’est que le porte-parole officiel de la commission d'enquête parlementaire, le député Lemrabott Ould Benahi avait indiqué dans une interview accordée il n’y pas si longtemps à un journal de la place, que Ould Abdel Aziz sera convoqué, quoiqu’il en soit pour répondre des actes, par lesquels personnellement ou par personnes interposées il a bradé les intérêts économiques du pays.

Y’aura-t-il bras « de fer », ou bras « de bois » ? En attendant de savoir, une chose reste certaine. Si la commission parlementaire arrive à cet exploit de faire venir à sa barre l’ancien président, le mythe d’un homme qui a été plus craint et plus vénéré que tous les présidents qui se sont succédés à la tête du pays depuis 50 ans va être brisé en mille morceaux.

Si ça devait arriver quand même, ce qui serait invraisemblable, le paravent qui protégeait les autres membres du « gang » reconnus coupables d’association avec malfaiteurs en « bande organisée » va s’envoler, exposant au danger de poursuites judiciaires des hommes d’affaires qui pataugeaient dans des réserves monétaires évaluées en devises à des milliards obtenus par des transactions douteuses et opaques.

Ould Abdel Aziz, l’homme de la dissolution du Sénat, de la révision de la constitution, du changement de la monnaie, du changement du drapeau, du changement de l’hymne national, de la transformation des parcs des ministères en place de liberté, de la construction de l’Aéroport international Moutonsy, de la tenue du Sommet arabe, de la tenue du sommet de l’Union africaine, rentrera t’il dans la salle d’audition de l’Assemblée de son plein gré où conduit de force par une police qui a hérité de son régime la pratique de la violence ?

Difficile pour le moment de savoir.

Affaire à suivre…

Mohamed Chighali





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 2
Lus : 4492

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (2)

  • Marrakech (F) 27/06/2020 11:15 X

    Il ne faut pas attendre qu'il se présente spontanément, il nargue la commission d'enquête ! Il faut aller le chercher manu militari dans son repaire avant qu'il ne s'enfuit ....

  • medabdul (H) 26/06/2020 12:08 X

    bon on verra bien;mais cela m’étonnerait qu'il vienne de son gré.une solution de remboursement de quelques centaines de milliards ouguyas monnaie de singe est possible.