05-04-2025 00:49 - APEFAS, le retour de OMZO et le débat entre Rap et questions politiques et sociales en Mauritanie

APEFAS, le retour de OMZO et le débat entre Rap et questions politiques et sociales en Mauritanie

L'Authentique - L’Association ACTIMUM créé par Adama Diallo dit OMZO du groupe de Rap Minen Tey, en partenariat avec l’Association pour la Promotion de l’Enfant et de la Femme et de l’Action Sociale (APEFAS), a organisé mardi 1er avril 2025 à Nouakchott, un atelier d’écriture et un débat sur l’impact social et politique du Rap en Mauritanie. C’était en présence d’un panel relevé, composé entres autres de, OMZO qui signe son retour au bercail et le député Khally Diallo.

En termes de proximité avec le peuple, l’association APEFAS a tapé dans le mille, en s’implantant dès sa création il y a neuf années, dans le très populaire quartier de 6ème, département d’El Mina à Nouakchott. Ce centre est une véritable ruche de culture et de bienfaisance. Il intervient en particulier en milieu scolaire avec la distribution chaque année de milliers de kits aux enfants issus de milieux défavorisés.

C’est cette association de jeunes que le Rappeur Adama Diallo dit OMZO a choisi comme partenaire alors qu’il signe son come-back dans son pays natal, après un long séjour avec son groupe Minen Tey en Belgique. Dans ses bagages, il apporte une association, ACTIMUM, destiné à la formation des jeunes.

Il a organisé ainsi, mardi 1er avril 2025 au siège d’APEFAS, une matinée école pour la formation de 50 jeunes dans l’écriture et autres métiers des musiques urbaines. Le soir, un panel très relevé a été animé. Un débat sur l’impact social et politique du RAP en Mauritanie, avec l’excellente modération de MISTER X.

Un panel de 8 experts des cultures urbaines

Comme vedette de la rencontre, il y avait Adama Diallo dit OMZO du groupe Minen Tey basé en Belgique, mais qui a décidé lui de retourner en Mauritanie pour former des jeunes à travers son association ACTIMUM, mais aussi pour participer au développement socioéconomique et culturel du pays. Faisait également partie du panel, le jeune député Khally Diallo, « Le Député du Peuple » dont les sorties à l’Assemblée Nationale font la fierté des laisser pour compte de la République. Lui-même formé aux cultures urbaines, il était déjà connu depuis des années pour son engagement social à travers son association « La Marmite du Partage ».

Le panel comptait aussi des figures emblématiques du RAP mauritanien, à l’image de Cheikh Baby directeur du festival de Hip Hop de Kaédi, Awa Bâ, cadre au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et Chargé de communication du groupe de RAP Diam Min Tekky, basé en Belgique. Dans le panel se trouvait aussi Salimata Bâ de l’Association culturelle pour la lecture de Zakarya Sall, mais aussi le grand intellectuel Thierno Diallo. Sans oublier le grand DESIRE ou DEZI DEZ dont l’apport dans le RAP mauritanien est indéniable. Il y avait également MAMZO D Lam Toro, un jeune rappeur de la dernière génération qui monte et enfin, le maître des lieux, Ama Tall, président de l’association APEFAS.

Consensus sur l’apport du RAP dans l’éveil des consciences et le développement socioéconomique

Indéniablement, les intervenants ont été unanimes à souligner l’apport des cultures urbaines dans la culture de la paix, de l’unité nationale et de la cohésion sociale en Mauritanie. Le Rap a aussi permis, selon eux, de remuer le cocotier et d’étaler les problèmes et les défis auxquels le pays est exposé.

Les Rappeurs mauritaniens ont en effet dénoncé tous les abus et ont abordé tous les thèmes, l’exclusion, le racisme, l’esclavage, le foncier, la corruption, le népotisme et le clientélisme, le racisme, l’immigration, etc.

Vecteur de transmission et de partage des valeurs

Pour OMZO qui s’est exprimé en Pulaar, le Hip Hop a participé à la communication et à la sensibilisation surtout en milieu jeune. Il s’agit selon lui d’un important vecteur de transmission et de partage des valeurs, un outil de conscientisation, un instrument efficace de plaidoyer auprès des décideurs, mais aussi un tremplin pour l’épanouissement de la jeunesse et un objecteur de conscience.

La capacité de mobilisation du RAP auprès des jeunes qui constituent plus de 70% de la population, selon lui, a ainsi poussé les hommes politiques, de la majorité comme de l’opposition, à faire appel pendant les campagnes électorales aux RAPPEURS pour cibler cet extraordinaire électorat. Les opérateurs économiques font aussi appel à leur service quand il s’agit de faire la promotion de leurs produits.

Le RAP met les mots sur nos maux

Salimata Bâ trouve pour sa part qu’elle a un impact sur le Rap comme le Rap a un impact sur elle. Le RAP l’a trouvée, selon elle, à la maison, car sa sœur ne cessait d’en fredonner. Pour Salimata, le Rappeur a su s’imposer au monde et à sa société, par son affirmation de soi, par sa démarche, ses vêtements et son vocabulaire. Puis, elle dit avoir rencontré de nouveau le RAP à l’Université, là où les Mauritaniens se rencontrent réellement, mais aussi à travers son activisme au sein du Syndicat national des étudiants de Mauritanie (SNEM). Le RAP, reconnaît-elle, met les mots sur nos maux. C’est le moyen d’expression des jeunes. Le RAPPEUR, affirme-t-elle, va droit au but là où les autres contournent la vérité.

Le RAP donne de l’espoir aux jeunes

Pour sa part, DESIRE est revenu un peu sur l’histoire du RAP en Mauritanie, faisant partie d’une des générations de précurseurs. Il trouve que la Mauritanie est un cas particulier dans le monde des cultures urbaines. Il a raconté comment il a aidé un jeune rappeur qui, désespéré, allait tenter un voyage clandestin pour rejoindre l’Europe au risque de sa vie. Aujourd’hui et sans le nommer, il dit que ce jeune fait partie actuellement des valeurs sûres qui monte et qu’il a réussi son ascension et ne pense plus prendre le risque d’une aventure en mer. Selon lui, le RAP donne de l’espoir aux jeunes.

Il a aussi évoqué l’extraordinaire apport du NET pour la nouvelle génération de rappeurs, citant notamment ADVISER et Cheikh REFLEX, ajoutant que les meilleurs rappeurs en langue pulaar au niveau de toute la sous-région, c’est sans doute les Mauritaniens.

Le RAP aujourd’hui remplit les stades

Cheikh Baby a évoqué l’impact réel de Diam Min Tekky dans l’ascension internationale du RAP Mauritanien. Puis, il a déploré le manque de moyens et de sponsors, soulignant que chaque année il organise le Festival de Hip-Hop de Kaédi sur ses modestes et propres moyens. Ce festival offert aux jeunes de Kaédi, deuxième ville après Nouakchott en termes de consommation des musiques urbaines, dédaigne aujourd’hui, selon lui, les modestes salles du Cinéma de Kaédi et de sa Maison des Jeunes, là où tout se passait. « Aujourd’hui, les nouvelles générations, à l’image de BREMS et AUTHENTIQUE, remplissent le Stade de Kaédi » a-t-il lancé avec fierté.

La révolution linguistique du RAP mauritanien

Thierno Diallo que quelqu’un a comparé à une bibliothèque ambulante, est revenu sur l’impact linguistique que le RAP a su imposer. Auparavant, dit-il, c’était le RAP en Wolof qui dominait en Mauritanie. Aujourd’hui, ajoute-t-il, les jeunes ont su travailler leur texte au point d’imposer les autres langues nationales comme le Pulaar, le Soninké ou le Hassaniya. Ce qui a apporté, selon lui, un réel impact sur le plan identitaire et culturel.

Il a souligné au passage la différence entre le discours intellectuel et le discours plus populaire du RAP qui a permis une véritable révolution des consciences. Avec des mots simples accessibles et la hargne qui l’accompagne le message du Rappeur passe plus au niveau populaire que le discours pompeux et pédant, selon Thierno Diallo.

Certes, il trouve intéressant le caractère révolutionnaire du RAP, basé souvent sur des revendications identitaires, celles de la contestation de l’ordre établi, mais il trouve que pour que l’impact politique soit plus porteur, ce discours doit se départir d’un certain niveau de dénigrement à outrance. Il trouve qu’aujourd’hui, les jeunes Rappeurs mauritaniens vivent de leur travail contrairement aux anciens, car il a créé un environnement économique plus vaste, avec les beatmakers, les techniciens du son et de la lumière, les graffiteurs, etc.

Chaque génération et son apport

Le RAP a beaucoup contribué au développement social et politique en Mauritanie, selon MAMZO D, notamment, précise-t-il, sur le plan de la sensibilisation. D’après lui, chacune des générations de RAP en Mauritanie a apporté sa pierre à l’édifice.

Il souligne qu’en 2011, l’idée déclencheur de la révolution apportée par la nouvelle génération a été déclenchée par Diam Min Tekky, avec les problèmes liés à la nationalité et à la célébration du 28 novembre.

Pour Ama Tall, le RAP a beaucoup changé le monde, notamment en Mauritanie, dans le domaine de la prise de conscience des populations face à leurs réalités. Il a cité l’écho qu’a eu la chanson « Ndiyam » (l’eau) de Diam Min Tekky, « Miskine » (le pauvre) du groupe Oulad Leblad.

L’essentiel, selon lui, c’est d’éviter de verser dans la violence ou de céder à l’impulsivité, mais de véhiculer la culture de la paix et de contribuer au développement du pays.

Quand Rapper était un crime

Awa Bâ a brièvement rappelé que le député Khally Diallo a été Manager de Diam Min Tekky et qu’il doit servir d’inspiration pour la nouvelle génération. Elle a rappelé les combats des précurseurs, comme Military Underground, Minen Teyi, Diam Min Tekky dans la dénonciation de fléaux comme la corruption et la malgouvernance. C’était du temps, rappelle-t-elle, où les Rappeurs ne faisaient pas le RAP pour de l’argent mais pour défendre des idéaux et dénoncer les injustices contre les opprimés. Ils ont permis à leur génération de porter leurs maux et de les comprendre, comme ceux liés au processus du vote.

Cette période était surtout marquée, d’après Awa, par l’oppression exercée par l’Etat sur les Rappeurs, avec ses lots d’arrestation, d’emprisonnements, de concerts interrompus et de pourchasses dans les ruelles et sur les grandes avenues.

Les Rappeurs doivent viser les hautes sphères de décision

Selon le député Khally Diallo, le RAP peut être considéré comme un outil de socialisation et une arme politique. IL est surtout né, selon lui, des souffrances vécues dans les Ghettos, aux USA d’abord, puis dans le monde. Dans le contexte mauritanien, trouve-t-il, le RAP a traversé toutes les épreuves vécues par le pays, de Maaouiya à nos jours, en passant par le CMJD et Aziz.

Khally Diallo déclare qu’à l’Assemblée Nationale, le reproche lui est souvent fait par rapport à ses déclarations crues qui percent la vérité sans s’alourdir de simagrées, un discours sans filtre ni démagogie. Ils ne savent pas, dit-il, qu’il est le fruit des musiques urbaines et du Hard RAP. Le Hip-Hop, précise-t-il, restitue le message tel qu’il est et non comme on veut l’entendre. Il exorcise les maux et heurte le conventionnellement admis.

Selon Khally, « le RAP nous a permis de sortir le politique des salons feutrés pour le mettre sur l’espace public ». Ce fut le cas à toutes les époques, en particulier sous Ould Taya, souligne-t-il. De son temps, raconte-t-il, nul ne pouvait rapper sans aller en prison.

Khally Diallo est partisan d’un engagement politique des RAPPEURS qui doivent viser selon lui, les plus hautes sphères de décision, là où le destin du peuple est engagé. Il a donné l’exemple de certains Rappeurs comme Kyagulari Ssentamu qui a débuté sa carrière dans les années 2000 sous le nom de scène Bobi Wine. Il est devenu leader de l’opposition ougandaise et bête noire du régime du président Yuweri Museveni dont il fut le principal adversaire lors de la présidentielle de 2021.

Cheikh Aïdara

--























Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 0
Lus : 1682

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (0)