13-04-2025 20:00 - Droit de réponse à Mauritania Airlines : une tentative maladroite de maquiller la réalité

Droit de réponse à Mauritania Airlines : une tentative maladroite de maquiller la réalité

En tant que journaliste passionné d’aviation, je me sens interpellé par le long communiqué de Mauritania Airlines, publié, ce mardi 08 avril 2025 sur la page Facebook de la compagnie dans le but apparent de « clarifier » la situation de la compagnie.

Malheureusement, ce communiqué s’apparente moins à une mise au point qu’à une tentative désespérée de berner l’opinion publique, d’enfumer les esprits et de détourner l’attention des vrais problèmes qui rongent cette entreprise publique depuis des années. Il est essentiel de rétablir certaines vérités, de démonter les contre-vérités contenues dans ce document, et de rappeler les normes élémentaires de l’aéronautique civile.

Car ce que Mauritania Airlines présente comme une situation normale ou passagère est en réalité le résultat d’une accumulation de négligences, d’un manque de rigueur technique, d’un déficit criant de gouvernance et d’un amateurisme institutionnalisé.

Une tentative de manipulation de l’opinion publique

Le communiqué tente de faire croire que la mise à l’arrêt simultanée de la quasi-totalité de la flotte serait un phénomène courant dans l’aviation. C’est totalement faux. Dans l’industrie aéronautique, la planification de la maintenance est un pilier fondamental : les compagnies sérieuses organisent les révisions générales de façon échelonnée pour maintenir en permanence une capacité opérationnelle minimale.

Faire entrer tous les moteurs en phase de révision en même temps est un aveu d’échec en matière de planification technique. Cela traduit non seulement une mauvaise anticipation mais aussi un mépris manifeste pour les règles élémentaires de gestion de flotte.

Des explications absurdes et non conformes aux standards aéronautiques

On nous parle de l’indisponibilité des moteurs de remplacement, de la rareté de l’offre sur le marché, de la géographie « peu attrayante » de Nouakchott… Tout cela est hors sujet. Le cœur du problème est ailleurs : les moteurs arrivent tous en même temps à échéance parce que la compagnie ne suit pas un programme de maintenance prévisionnel fiable. L’aviation est une industrie de précision.

On ne « découvre » pas du jour au lendemain que des moteurs doivent partir en révision. Chaque moteur est suivi cycle par cycle, heure par heure. Si une telle situation s’est produite, c’est donc soit par incompétence, soit par absence de stratégie, ou pire encore, par gestion à court terme dictée par des considérations financières ou politiques.

Des contre-vérités flagrantes

Le communiqué affirme que les opérations continuent normalement, que des avions ont été loués pour maintenir le programme de vols. Or, de nombreux passagers se plaignent de retards massifs, d’annulations à répétition, d’un service client inexistant et d’un manque total de transparence. Les témoignages affluent sur les réseaux sociaux, y compris de pèlerins coincés, de voyageurs abandonnés sans solution, et de vols fantômes annoncés puis annulés. Ce que Mauritania Airlines qualifie de gestion « exemplaire » relève plutôt d’une gestion de crise improvisée, sans feuille de route ni anticipation.

De plus, l’entreprise se dit victime de « campagnes mensongères » orchestrées par des entités fictives. C’est une manière commode de se dérober à toute critique légitime et de discréditer les voix dissidentes, souvent celles des travailleurs eux-mêmes ou de professionnels du secteur.

Une posture victimaire pour masquer des dysfonctionnements internes

La compagnie se positionne en victime d’un complot, en oubliant que son image dégradée est la conséquence directe de ses propres carences. Ce n’est pas une cabale extérieure qui l’a amenée à immobiliser ses avions, ni qui a vidé ses hangars de pièces de rechange, ni qui a fragilisé sa relation avec les passagers et les agences de voyages. Cette posture victimaire ne résiste pas à l’analyse. Le silence sur les indicateurs de performance, sur les résultats financiers, sur la politique de maintenance, sur la formation du personnel, sur la rotation des cadres techniques est éloquent.

Une compagnie sérieuse répondrait par des chiffres, pas par des soupirs. Où sont les solutions concrètes ? Mauritania Airlines annonce la restructuration de son réseau, le développement d’un hub à Nouakchott, la numérisation de ses processus, le lancement de la Part 145… Autant d’annonces que l’on entend depuis des années, sans qu’elles ne se concrétisent sur le terrain. Tant que la transparence ne sera pas la règle, que la compétence ne primera pas sur les considérations politiques, que le personnel ne sera pas écouté, et que la priorité ne sera pas donnée à la sécurité, la qualité de service et la prévoyance technique, aucun plan ne sauvera cette compagnie.

Le vrai danger pour Mauritania Airlines ne vient pas de ses critiques, mais de sa déconnexion totale avec les réalités de l’aviation moderne. En tentant de se dédouaner par un texte creux, l’entreprise ne fait que confirmer ce que beaucoup savaient déjà : la gestion est défaillante, la stratégie inexistante et la gouvernance à revoir. Ce droit de réponse n’est ni une attaque personnelle, ni une volonté de nuire. Il est l’expression d’une passion pour un secteur stratégique, et d’un devoir de vérité vis-à-vis des passagers, du personnel et de l’opinion publique.

Souleymane Djigo
Journaliste, passionné d’aviation





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Commentaires (3)

  • serranus (H) 14/04/2025 11:47 X

    Merci d'avoir dit haut ce que tout le monde connait déjà mais garde le silence jusqu'au jour (je ne le souhaite pas) où il y aura l'irréparable (catastrophe). Ce jour là, d'autres diront plus haut qu'il s'agit d'une volonté divine.

  • pyranha (H) 14/04/2025 00:41 X

    Moi , je sais que pleins de gens préfèrent la RAM ou Air Algérie.A moins qu'on ne soit un kamikaze air Mauritanie est non opérationnel pour beaucoup de facteurs.On continue toujours sur leurs désordre et leur je m'en foutisme.

  • yanis (H) 13/04/2025 20:59 X

    Vous avez bien dit ce que nous pensons tous. On ne gère pas une compagnie aérienne comme on gère une boutique... Il faut faire appel à des personnes du domaine voire à des experts étrangers s'il le faut. Et bien sûr virer les responsables de la situation actuelle.