23-04-2025 00:44 - Editorial | Chasse aux sans-papiers : quand des Mauritaniens deviennent des étrangers chez eux

Editorial | Chasse aux sans-papiers : quand des Mauritaniens deviennent des étrangers chez eux

Initiatives News - Les rafles se multiplient. La police mauritanienne a annoncé mardi l’arrestation de dix personnes, « dans le cadre du travail de routine » lié à la lutte contre l’immigration irrégulière. Une annonce en apparence banale, mais qui cache des dérives inquiétantes. Car derrière la traque des clandestins, ce sont aussi des citoyens mauritaniens qui tombent dans les filets.

Depuis quelques semaines, la campagne contre les étrangers en situation irrégulière suscite de vives réactions. ONG de défense des droits de l’homme, partis politiques, voix citoyennes : tous dénoncent une chasse aux sorcières qui, sous couvert de légalité, vire à l’arbitraire. Et le plus grave, c’est que des Mauritaniens — souvent jeunes, parfois sans ressources, et toujours vulnérables — se retrouvent injustement pris pour cibles.

Le cas d’un jeune homme arrêté, torturé dans un commissariat de Nouakchott, et dont les images ont bouleversé les réseaux sociaux, est emblématique. Il possédait pourtant une carte d’identité nationale. Son seul tort : habiter un quartier où vivaient également des étrangers raflés lors d’une descente policière. Le soupçon l’a condamné.

Plus récemment, deux nouveaux cas ont été signalés au centre de transit d’Arafat. L’un, arrêté pour défaut de pièce d’identité, est toujours retenu malgré l’intervention de ses deux parents munis de documents civils. L’autre, un orphelin déjà expulsé à tort vers le Mali, a été refoulé à Nouakchott sans jamais retrouver sa liberté — et ce, depuis le mois de ramadan. Sa famille se bat en vain pour le faire libérer.

Ces histoires, aussi choquantes que réelles, ne sont plus des exceptions. Elles traduisent une réalité alarmante : l’amalgame entre immigration irrégulière et appartenance nationale. Un amalgame dangereux, qui fracture la société et ravive de douloureux souvenirs.

Car comment ne pas penser aux sombres événements de 1989, lorsque l’arbitraire s’est mué en tragédie nationale ? La Mauritanie a payé cher ces dérives, et en porte encore les stigmates. Les autorités doivent entendre le signal d’alarme : chaque erreur, chaque injustice commise au nom de la sécurité, ébranle la cohésion fragile de notre nation.

Il ne s’agit pas de contester le droit d’un État à réguler l’immigration. Mais ce droit ne peut s’exercer au détriment de ses propres enfants. La paix civile ne saurait survivre à l’humiliation et à l’injustice. À ceux qui ont le pouvoir, il revient aujourd’hui de choisir : garantir les droits de tous les citoyens — ou rallumer les braises d’un passé que personne ne souhaite revivre.

Bakari Gueye





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Commentaires (5)

  • Bilal Muezzin (H) 23/04/2025 08:19 X

    En effet, monsieur Gueye, il y a eu des dérives policières inacceptables et inconcevables dans un pays musulman et de droit. Cependant, nous devons reconnaître que notre police en Mauritanie a un potentiel d'amélioration considérable en matière de respect des droits humains et de traitement éthique des citoyens.

  • Bilal Muezzin (H) 23/04/2025 08:18 X

    Nous aspirons à une force de l'ordre qui protège et serve la population avec dignité et compassion. Ensemble, nous pouvons œuvrer pour une police qui : • Respecte les libertés individuelles • Traite chaque personne avec humanité et respect • Applique la loi de manière juste et équitable • Représente un modèle de comportement éthique En nous engageant collectivement pour ces valeurs, nous pouvons transformer notre réputation et faire de notre police un exemple de professionnalisme et d'intégrité en Afrique et dans le monde. C'est un défi que nous pouvons relever, pour le bien de tous les Mauritaniens.

  • Bilal Muezzin (H) 23/04/2025 08:18 X

    Si les étrangers avaient quitté la Mauritanie dans la dignité, notre police aurait pu devenir une institution exemplaire, fière de son uniforme et de son rôle protecteur. Imaginez une force de l'ordre respectée, qui inspire confiance et sécurité à tous les citoyens. Une police qui se distingue par son professionnalisme et son humanité, traitant chaque individu avec respect et compassion.

  • Bilal Muezzin (H) 23/04/2025 08:18 X

    Ensemble, nous pouvons aspirer à une société où la justice et la bienveillance prévalent, où chacun se sent en sécurité et valorisé. Travaillons main dans la main pour construire une Mauritanie où la police est un pilier de paix et de protection pour tous.

  • Bilal Muezzin (H) 23/04/2025 08:18 X

    Monsieur Gueye, être musulman et aspirer à une fin de vie sereine est un noble objectif pour tous, y compris ceux qui travaillent dans les institutions de sécurité. La compassion et la justice sont des vertus essentielles à cultiver. Nous devons nous souvenir de SOUVI et de tous ceux qui ont souffert, et œuvrer pour un système plus juste et équitable. Chacun, qu'il soit policier ou citoyen, a le potentiel de mener une vie digne et de laisser un héritage positif. Concentrons-nous sur la création d'une société où la paix, la compréhension et le respect mutuel prévalent, pour le bien de tous et des générations futures.