02-05-2025 15:15 - Qui, en Mauritanie, mérite véritablement le qualificatif de « cafard » ?

Mohamed Sidatt -- Avant de trancher, disséquons cette métaphore. Le cafard dépasse l’insecte : il incarne une résilience perverse. Il prospère dans la pourriture, pullule dans l’ombre, et corrode silencieusement son écosystème. Sans bruit, il ronge les fondations d’un édifice déjà fragile. En Mauritanie, ce terme a contaminé le débat public.
Des voix de l’opposition — Mariem Mint Samba, Gamou Mint Achour — l’utilisent pour pointer une élite accusée d’asphyxier les libertés, de siphonner les ressources nationales, et de hypothéquer l’avenir des générations. Insulte gratuite, ou reflet cru d’une réalité collective ?
Écartons les sophismes. Interrogeons les actes :
• Qui détourne les richesses sous le masque de la légalité ?
• Qui transforme les institutions en bastions protégeant les privilèges ?
• Qui criminalise la critique tandis que le pays s’enfonce dans la stagnation ?
Les réponses grondent dans l’actualité. La loi « Remouz », adoptée en catimini, érige l’impunité en pilier du pouvoir. Au nom de la défense des « symboles nationaux », elle musèle les dissidents, interdit d’exposer détournements, passe-droits et abus. Conséquence : une caste — du président Ghazouani au ministre de l’Intérieur Ould Hweirthy — se forge une impunité sur mesure, sanctifiant ses exactions.
Pourtant, le scandale ne réside pas dans un mot.
Il est dans le renversement des valeurs.
Les lanceurs d’alerte risquent la prison pour avoir nommé les cancers du système. Les corrompus, eux, se parent des oripeaux de la République, confondant cyniquement intérêt personnel et bien commun.
Dès lors, la question cruciale n’est plus : « Qui est le cafard ? »
Mais : « Qui engendre le cloaque où ces parasites se reproduisent ? »
Car une démocratie vivante ne redoute ni la lumière ni les mots. Elle n’a que faire de lois scélérates. Quand un régime choisit la censure plutôt que le débat, les geôles plutôt que les tribunes, la peur plutôt que la clarté — il avoue sa propre décomposition.
Dans ce théâtre de l’absurde, la désobéissance civique cesse d’être une option.
Elle devient un impératif.
Un souffle.
Une digue face à la banalisation de la pourriture.
Aux Mauritaniens de juger :
Ceux qui révèlent la gangrène, au péril de leur liberté, sont-ils les nuisibles ?
Ou ceux qui, par lois tyranniques et abus de pouvoir, transforment la patrie en un égout à ciel ouvert ?
L’histoire se écrira dans les rues, les prétoires, les consciences.
Une certitude demeure :
Aucune loi, aucune menace, ne étouffera éternellement une vérité qui, déjà, suinte des fissures du palais présidentiel
MS