01-06-2025 19:21 - Chroniques d'un officier subalterne ( 5ème épisode)

Chroniques d'un officier subalterne ( 5ème épisode)

2/ Django tire le 1er

......En 1982, le capitaine Ndiaye Ndiawar est un officier suffisant sur le plan intellectuel et nanti de larges connaissances militaires. Il avait comme partenaire un infatigable capitaine français du nom de Baral, comme quoi notre brigade Orsa était bien partie pour bénéficier d'un enseignement de qualité.

L'Emia avait pour "patron" le commandant Mohamed Ould Balla dit Papa Diallo "ses ailes de géant l'empêchant de marcher"; un officier pionnier ne regardant que le ciel, afin de scruter les astres...Il avait une vision olympique de toute chose, puisqu'il m'avait convoqué dans son bureau le jour du 30 Avril 1983 et Seul Allah Sait ce que je lui ai dit. Pourtant je suis sorti de son bureau sans problème.

C'est l'un de ses officiers flagorneurs qui m'a consigné le 1er Mai, jour férié et mis aux arrêts en sa qualité d" officier de permanence". Le colonel Papa Diallo, de par sa démarche élégante, on l'appelait "Django", sans doute une allusion à l'acteur de cinéma Western américano-spaghetti.

Le colonel Diallo était secondé par le commandant Né Ould Abdel Malik, marginalisé sous le régime de Ould Haidalla, puisque sous-employé aussi. Ironie du sort, c'est cet officier "peu recommandable" qui dirigera plus tard et ce, pour longtemps la Gendarmerie Nationale d'une main de fer, tout en la hissant au sommet de sa gloire du temps de Maawiya. La leçon à retenir ici est que ce sont les situations circonstanciellement factuelles qui font l'homme, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens.

Les Chromosomes et les propriétés introspectives chez chaque être humain sont immuables; c'est l'infrastructure du moment (moyens) qui déterminera la superstructure ( attitude, comportement) selon la pensée marxiste.. Quand on constate un changement de comportement à charge chez une personne jadis au comportement normal, c'est que cette attitude peu recommandable n'exprime que son vrai caractère. En effet au sommet de sa gloire, l'être humain n'affiche que son caractère inné et acquis.

A l'Emia en 1982, et pour l'anecdote il y avait également le moins ancien des officiers, le sous-lieutenant Bourou, à peine 3 mois de grade, actuellement général de division et Directeur de notre Police Nationale. Comme tout sous-lieutenant sortant, il a voulu tester son autorité un jour sur nôtre brigade composée d'officiers de réserve en situation d'activation (Orsa), désormais moins anciens que lui, mais qui ont commandé des unités opérationnelles dans toutes les régions militaires.

Ce qui leur donne un certain prestige. Bourour rassembla la brigade et ordonna qu'on fasse des tours du bâtiment en foulée, je ne sais pour et à cause de quel motif, il voulait punir la brigade. Mais à cet instant c'était le sous-lieutenant Yall Abdoulaye qui était l'homme de base. C'est le neveu du Cemga de l'époque, le tout puissant colonel Yall Abdoulaye. A l'ordre de départ donné par le sous-lieutenant Bourour, le sous-lieutenant Yall qui était, disais-je, l'homme de base et qui devrait donner le top en premier pour courir, ne bougea pas.

Il faut savoir que le "petit" Yall était et il le demeure de nos jours, l'être le plus fier, le plus têtu et le plus nerveux de tous les habitants de la Vallée réunis. C'est un ami que j'apprécie beaucoup, bien qu'il soit plus compliqué qu'un moteur diesel. Cette désobéissance a été portée en haut lieu et classée sans suite.

Bourour est issu de ce qu'on appelle la première promotion des EOA ( élèves officiers d'active), des "intellectuels" avec bac ou bac+ 1-2-3 mais le plus souvent falsifiés. Bien sûr pour beaucoup d'entre eux. C'était la première fois aussi qu'on formait une filière arabe à l'Emia. Certains élèves officiers d'active étaient d'obédience soit, nassériste, soit baathiste ou autre mauritanienne tout simplement. C'est probablement ce climat qui a vite fait s'échafauder, au milieu des années "80" une autre tendance avec cette fois une branche militaire, ethniciste voire communautariste chez les négro- mauritaniens.

Lors de mon stage en 1982, j'ai connu également le sous-lieutenant Hanené Ould Sidi, sorti en 1981 de Meknès et muté comme instructeur à l'Emia. Originaire de Bassiknou, le far East mauritanien, là où la nature façonne l'homme, en le rendant, coriace, indifférent à la dureté de la vie. Hanené est un officier au sourire abondant, avec qui je discutais des heures durant. L'homme de nos jours demeure le même, avec le même sourire, le même rire, rien que ça; si vous n'êtes pas satisfait, revenez le lendemain: même scénario...

Après 9 mois de stage à Atar, chaque stagiaire a rejoint son lieu de mutation. Moi j'ai été sollicité par le capitaine Niang Harouna à rejoindre le Sak. Sincèrement je voulais changer de formation afin d'acquérir de nouvelles expériences. C'est ainsi que j'ai été détaché 6 mois au CIAN de Rosso pour former la première brigade Cam-Cas (sous-officiers marins et mécaniciens d'avion).

Ensuite j'ai rejoins le Secteur Autonome de Kaédi encore une fois. En ce temps, Niang Harouna est muté comme cdt de la 1ère région militaire de Nouadhibou; il est remplacé par le capitaine Arbi Ould Jedeine.

3/ Avec le capitaine Arbi le temps passait vite:

Avec Arbi, j'ai appris comment faire une note de service, agencer les mots, valoriser les priorités, en mettant en exergue les points clefs. Mais le 41ème sous-groupement basé à Kaédi est muté avec hommes, armes et véhicules en janvier 1984 à la 2ème région militaire de Fdérik, pour le moment, il sera implanté à Choum, une bourgade constituant un carrefour pour ceux qui veulent se rendre à Atar, venant de Noudhibou ou Zouératt. En juillet 1984, le sous-groupement 41 a pris position à la sortie de Fdérik, face au PC de la région. Ainsi le reste du Secteur est resté à Kaédi.

Pour me rendre à la 2ème région, j'ai voyagé avec le capitaine Arbi Jedeine dans son véhicule de commandement. Arrivés à Atar, il fallait que mon chef passât chez le marabout Ely Cheikh Ould Moma dans sa "daîré". J'ai vu un spectacle qui m'a perturbé en tant que jeune officier fraîchement moulu et imbu de son galon.

Lorsqu'on est entré dans la concession du marabout que je respectais (Allah yarahmou) à cause de sa simplicité, j'étais derrière mon chef, arme à la main. Ely Cheikh n'était pas présent et on a dû attendre dans une des nombreuses chambres, sans doute destinées à recevoir les visiteurs et la multitude de disciples. Quelques minutes plus tard, je vois le capitaine Arbi se lever et courir vers la porte de sortie de la chambre où on était assis.

Avec le réflexe du combattant, je le poursuivis, prêt à faire feu croyant que mon chef était en danger de mort. Or il avait juste entendu la voix de Ely Cheikh Ould Moma donnant des ordres à ses disciples. Face au Cheikh, il s'est mis au garde à vous, embrassant ses deux mains, cherchant sa baraka ...etc...

Depuis ce jour, j'ai mis de l'eau dans mon thé, tout en sachant qu'un officier peut aussi avoir des ordres d'autres personnes que ses chefs hiérarchiques. J'ai compris aussi que l'Armée était incompatible avec la vision spartiate, voire vertueuse que je lui ai donnée.

4/ Une saison à Fdérik, un séjour à Bir Moghrein

( A suivre Incha'Allah 6ème épisode)

ELY SIDAHMED KROMBELE, FRANCE





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Source : Ely Krombele
Commentaires : 1
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Commentaires (1)

  • pyranha (H) 01/06/2025 22:21 X

    Mr Krombelle avec votre talent d'écrivain, je vous suggère qu'après ces nouvelles prennent fin . Bien vouloir nous éditer un roman genre : Enfer d'Inal ou j'étais à Oulala car vous avez bcp de chose à dire .Et j'assure que ce Roman serait bcp lu. Merci d'y penser ces genres d'activité permettent de rentrer dans l'histoire.Bonne chance