09-06-2025 19:46 - Entre justice sociale et improvisation : où mettre le curseur ?

Le Rénovateur Quotidien - À travers deux annonces récentes — le financement de logements pour les enseignants et la régularisation de contractuels dans l’audiovisuel public — le gouvernement mauritanien semble vouloir corriger des injustices anciennes.
Mais à défaut d’une méthode rigoureuse et d’une vision à long terme, ces décisions soulèvent davantage de questions qu’elles n’apportent de réponses. Derrière les effets d’annonce, une réalité inquiétante : la confusion persistante entre gouvernance responsable et bricolage politique.
Il y a des décisions qui, à première vue, flattent l’opinion. On salue des gestes sociaux, on applaudit des annonces audacieuses. Mais en grattant la surface, on découvre ce que beaucoup de Mauritaniens savent déjà : ce n’est pas parce qu’une mesure est bien intentionnée qu’elle est bien pensée.
C’est le cas des deux annonces faites récemment par le gouvernement : l’accord sur le financement du logement des enseignants, et la volonté de régulariser les contractuels oubliés de l’audiovisuel public. Deux décisions majeures, certes. Mais aussi deux exemples frappants d’une gouvernance qui semble plus soucieuse de faire bonne figure que de construire des solutions durables.
Des toits pour les enseignants, mais sur du sable ?
Aider les enseignants à accéder à un logement : noble ambition. Tardive, certes, mais nécessaire. Le problème, c’est que cette ambition est lancée comme on jette un pont sur une rivière sans vérifier si les rives tiennent.
Pas de texte solide, pas de cadre légal précisé, pas de garantie budgétaire à long terme. Et dans un pays où un décret peut être contredit par une note interne quelques mois plus tard, que vaut une promesse sans socle normatif ? Peu de choses. Il fallait une loi, un budget sur plusieurs années, une autorité indépendante de suivi. On a préféré le raccourci à la structure.
Les contractuels des médias : réparation ou nouvelle injustice ?
Et que dire de l’autre grande annonce : régulariser les contractuels des médias publics, certains en poste depuis trois ou quatre décennies, souvent sans statut, sans concours, sans reconnaissance ? Il y a bien là une dette morale. Mais comment la régler sans créer une nouvelle fracture ?
On parle ici d’agents recrutés sans procédures, parfois par népotisme ou sur recommandation politique, dans un système où le réseau remplaçait le CV. Les intégrer en bloc, sans distinction, c’est envoyer un message clair : l’informel paie, l’irrégularité est une porte d’entrée. Et tant pis pour ceux qui ont quitté le service sans titularisation, pour ceux qui ont respecté les règles, ou pour les jeunes diplômés qui attendent une chance.
Et au passage, une question nous brûle les lèvres : et les autres ? Oui, les milliers d’autres contractuels oubliés dans les coins sombres de l’administration, dans les ministères, les régions, les préfectures, les établissements scolaires ou sanitaires. Eux aussi ont servi. Eux aussi sont dans l’attente. Alors, que faut-il en faire ? Régulariser tout le monde ? Distribuer des titularisations comme on jetterait des miettes à des pigeons affamés ? À ce rythme, autant écrire une loi unique : « Erreurs passées acceptées, statut pour tous ! »
Des réparations, oui. Mais pas une pagaille légalisée.
Car soyons honnêtes : des erreurs, il y en a eu. Sous Aziz. Sous ses prédécesseurs. Et même chez ceux qui sont venus après. Des recrutements arbitraires, des régularisations occultes, des décrets bricolés à la dernière minute. Mais doit-on réparer l’illogique par l’illégal ? Faut-il ajouter du désordre au désordre pour mieux le justifier ?
Régulariser, oui. Réparer, évidemment. Mais cela exige une méthode. De la clarté. Du courage, aussi. Et non cette habitude bien mauritanienne de vouloir « arrêter le chaos en l’étendant à tout le monde ».
Gouverner, c’est construire, pas colmater
On le voit : ces décisions, en l’état, ne sont ni des réformes, ni des politiques sociales. Ce sont des rafistolages. Et dans une République qui cherche encore ses repères, ils risquent de produire l’effet inverse : institutionnaliser l’arbitraire au lieu de le corriger.
Ce pays n’a pas besoin de gestes spectaculaires. Il a besoin d’État. De normes stables. De planification. De continuité. Gouverner, ce n’est pas éteindre des incendies en jetant de l’huile tiède. Gouverner, c’est anticiper, structurer, assainir. C’est aussi savoir dire non à l’absurde, même quand il se pare des habits de la justice sociale.
La Mauritanie mérite mieux qu’un patchwork administratif. Elle mérite des réformes qui tiennent debout. Et une administration qui ne change pas d’avis à chaque coup de vent.