11-06-2025 23:58 - Mauritanie : voix lucide dans un océan d’illusions

Le Rénovateur Quotidien -
La 3e conférence des Nations Unies sur la protection des océans s’achève dans une atmosphère de déjà -vu. Malgré les discours grandiloquents et les déclarations de bonnes intentions, les actions concrètes se font toujours attendre. Seule une poignée de pays, à l’image de la Mauritanie, semble avoir compris l’urgence de transformer les promesses en réalités tangibles.
L’océan, théâtre d’un théâtre diplomatique
Pendant quatre jours, du 09 au 13 juin, Nice a accueilli chefs d’État, ministres, scientifiques et ONG venus défendre la santé des mers. Une nouvelle occasion pour les puissances mondiales de répéter les mantras de la « transition bleue » et du « développement durable des zones côtières ».
Mais derrière les mots, peu d’engagements fermes, encore moins de mécanismes de suivi ou de financement à la hauteur.
La mer, disent-ils, « peut tout absorber ». Mais cette métaphore a pris une tournure amère. Car ce qu’elle absorbe surtout, ce sont les discours stériles et les contradictions politiques.
La Mauritanie, une parole dissidente dans le concert des promesses
Délégué par le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, a rompu avec le ton consensuel. À la tribune, il a livré un message clair, franc, presque dérangeant : « La protection des océans ne peut pas rester un vœu pieux. Elle doit devenir un engagement collectif, adossé à des moyens réels. »
La Mauritanie, forte de ses centaines de kilomètres de côtes atlantiques et d’un écosystème marin parmi les plus riches d’Afrique de l’Ouest, paie déjà le prix de l’inaction : surpêche, érosion, pollution, montée des eaux. Face à ces menaces, Nouakchott a mis en place une politique de gestion intégrée des zones côtières : création d’aires marines protégées, surveillance accrue, lutte contre la pollution et mise en œuvre de cadres juridiques.
Mais Ould Merzoug a été clair : sans financement, sans transfert de technologie, et sans inclusion des pays du Sud dans l’innovation, cette politique restera limitée. « Les discours sans actions sont devenus un luxe que ni la planète ni les peuples ne peuvent plus se permettre », a-t-il lancé devant une salle silencieuse.
Économie bleue : promesse toujours ajournée
Si l’économie bleue est omniprésente dans les programmes internationaux, elle reste une illusion pour de nombreux pays du Sud. En Mauritanie, le potentiel est réel – pêche durable, aquaculture, énergies marines renouvelables – mais les infrastructures, les financements et les débouchés manquent cruellement.
Et pendant ce temps, les ressources halieutiques continuent d’être surexploitées par des flottes étrangères parfois tolérées par les mêmes gouvernements qui se disent protecteurs des océans. La contradiction n’échappe plus à personne.
La gouvernance maritime en panne d’autorité
La Mauritanie a récemment ratifié des instruments importants, comme le traité BBNJ sur la biodiversité en haute mer ou le protocole à la convention d’Abidjan encadrant les activités offshore. Mais la gouvernance maritime mondiale reste éclatée, lente et largement dépendante du bon vouloir des grandes puissances. Aucune sanction pour les pollueurs, aucune contrainte pour les extracteurs, aucun financement garanti pour les pays vulnérables.
Une conférence de plus ?
Depuis Lisbonne en 2022, les conférences se succèdent et se ressemblent. Les alertes se multiplient, les appels se radicalisent, mais les politiques restent inchangées. Cette conférence de Nice, malgré les efforts de la société civile et quelques pays comme la Mauritanie,qui n'ont pas fait dans la dentelle, n’aura été qu’une goutte d’eau qui ne fait pas couler l’eau des océans.
Elle démontre une fois de plus que le monde préfère se réunir pour parler des océans, plutôt que de se lever pour les sauver.