16-06-2025 13:12 - Mauritanie ou rien – Chronique d’un pays qu’il ne faut plus trahir / Par Mansour LY

Être Mauritanien, aujourd’hui, c’est porter un attachement profond à un pays dont les contradictions sont connues mais dont les potentialités restent considérables. Ce n’est pas un choix émotionnel ni un réflexe identitaire ; c’est un positionnement politique, éthique et civique. La Mauritanie, malgré ses lenteurs, reste un espace d’espérance.
Notre peuple est exigeant. Il sait reconnaître ce qui fonctionne, mais il ne supporte plus l’inertie. Il ironise parfois sur son pays, mais ne permet pas qu’on l’attaque de l’extérieur. Il doute de ses dirigeants, mais jamais de sa dignité. Il est prêt à faire sa part, à condition qu’on le respecte dans sa diversité, sa mémoire et sa citoyenneté.
Il serait injuste de ne pas reconnaître les efforts de stabilité consentis par les précédents régimes. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz a assumé une fonction de verrou sécuritaire dans une période de tension régionale, et son action, quelles que soient les critiques portées à son bilan, a eu des effets stabilisateurs.
Le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, pour sa part, a engagé une méthode différente. Il a fait le choix de l’apaisement, du respect institutionnel et de la régulation par le consensus. Ce positionnement, dans un contexte international fragmenté, mérite attention. Cependant, il montre aussi ses limites. Sans appui structuré ni relais cohérents, une méthode, même vertueuse, peut s’éroder.
En réalité, le président semble aujourd’hui isolé dans sa démarche. Il est moins contredit que contourné, moins contesté que paralysé. Certains de ses collaborateurs, au lieu d’amplifier son orientation, brouillent sa lecture. L’élite politique, dans sa majorité, maintient une posture d’attente et d’ambiguïté, alors que le pays a besoin de clarté et d’engagement.
Or, c’est précisément dans ces moments d’ombre que s’exerce la responsabilité des consciences libres. Écrire ce texte, ce n’est pas prendre parti, c’est prendre position. Ce n’est pas rejoindre un camp, c’est rester fidèle à une exigence : celle de la vérité utile, celle qui sert la nation plutôt que les clans.
Dans une époque brouillée, où les silences se font lourds et les gestes ambigus, rappeler ce qui mérite de l’être devient un devoir. Car au-dessus de nos critiques, de nos prudences ou de nos appartenances, il y a la Mauritanie. Et l’heure, aujourd’hui, est trop grave pour continuer à parler à mi-voix.
Ainsi, il est légitime que des voix civiles, issues de l’histoire, des marges, des centres ou de l’exil, s’expriment. Non pour faire opposition mais pour prendre part. Non pour récuser mais pour rappeler. Non pour dénoncer mais pour proposer.
Le dialogue prévu en juillet peut constituer une étape structurante, à condition qu’il dépasse les logiques de représentation institutionnelle. Il faudra qu’il intègre les véritables fractures : mémorielles, sociales, communautaires et générationnelles. Il ne doit pas être une conférence de validation, mais bien un processus de vérité partagée.
Il ne suffit plus d’affirmer que la Mauritanie est unie. Il faut désormais le prouver par les actes, les nominations et les politiques publiques. Chacun, quelle que soit son origine, son parcours ou son statut, doit pouvoir se sentir partie prenante du projet national.
Il ne s’agit pas de refaire l’histoire, mais bien de l’assumer. Il ne s’agit pas de ressasser les douleurs, mais de leur donner un cadre de reconnaissance. Il ne s’agit pas de distribuer des places, mais de redéfinir les règles du vivre ensemble.
Nous n’avons pas d’autre pays. Il n’existe aucun plan B. Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas seulement la réussite d’un mandat. C’est la crédibilité d’un modèle national dans un environnement international de plus en plus indifférent aux fragilités africaines. Par conséquent, nous devons passer du constat à l’action, de la critique à la construction, de la suspicion à la contribution. Et comprendre que dans les moments d’incertitude, la seule ligne durable est celle de la responsabilité partagée.