Le Calame -- Alors que les examens du baccalauréat se profilent du 7 au 10 juillet, le ministre de l’Intérieur mauritanien a réuni en urgence les chefs de centre pour un discours solennel contre la fraude. Une mesure révélatrice d’un mal profond qui gangrène le système éducatif et, plus largement, l’administration mauritanienne, la normalisation de la triche, de l’incompétence et de la corruption.

Depuis plus de vingt ans, la fraude semble devenue une composante quasi institutionnelle des concours et examens en Mauritanie. Le baccalauréat, censé être une étape décisive vers l’enseignement supérieur, est aujourd’hui largement discrédité.

Les fuites de sujets, les complicités internes, l’assistance parentale ou communautaire, et les moyens technologiques de triche sont devenus monnaie courante. Malgré les alertes répétées, peu de mesures concrètes ont permis d’enrayer le phénomène.

Ce fléau ne se limite pas aux examens. Il s’inscrit dans un système éducatif à bout de souffle. Le niveau général des élèves et des étudiants est en chute libre. On observe de plus en plus de cadres de l’administration publique dans l’incapacité de rédiger un rapport ou même un simple courriel sans fautes. La maîtrise des compétences de base est déficiente, y compris chez les personnels de secrétariat, qui devraient pourtant assurer un socle technique fondamental.

La crise éducative s’étend à la sphère administrative. Faux diplômes, CV embellis, carrières bâties sur des passe-droits… Dans de nombreux cas, il suffit d’un appel d’un notable ou d’un soutien d’influence pour qu’un dossier soit accepté, au mépris des règles de recrutement. Les concours sont parfois vidés de leur sens, et la méritocratie reléguée au second plan.

Cette réalité contribue à l’affaiblissement progressif des institutions. Dans un État où les compétences ne sont plus la condition d’accès aux postes de responsabilité, l’efficacité des services publics s’effondre. Résultat : lenteurs administratives, décisions incohérentes, corruption banalisée, services essentiels défaillants.

Mérite individuel relégué

Au-delà de l’incompétence, c’est aussi la logique de l’appartenance tribale ou ethnique qui régit bien souvent les nominations dans la haute administration. Le mérite individuel est relégué derrière des considérations identitaires, renforçant le clientélisme et alimentant le ressentiment au sein de la population. Le choix des cadres repose davantage sur l’origine que sur la compétence, minant la confiance dans les institutions de l’État.

Avec l’arrivée imminente des examens du baccalauréat, les tensions montent. Des attroupements sont attendus devant les établissements scolaires, comme chaque année, dans l’espoir d’“aider” les candidats peu préparés. Dans cette ambiance de laxisme généralisé, des élèves recevront l’assistance inconditionnelle et active de parents, surveillants, voire de responsables d’établissement. Sans triche, la majorité des candidats ne passeront jamais.

La situation n’épargne aucune catégorie sociale. Le fléau de la fraude et du favoritisme est désormais transversal, touchant aussi bien les élites que les classes populaires. C’est toute une génération qui se construit sur des bases malsaines.

La Mauritanie est aujourd’hui confrontée à une crise de gouvernance, nourrie par la complaisance, l’impunité et le rejet du mérite. Le combat contre la triche au baccalauréat n’est qu’un aspect d’un problème plus vaste : la nécessité d’une refondation du système éducatif et administratif sur les principes de compétence, d’intégrité et d’égalité des chances.

Sans un sursaut collectif, les conséquences à long terme pourraient être désastreuses. Ce ne sont plus seulement des diplômes qui sont dévalorisés, mais l’avenir même du pays qui est mis en péril. Abandonner l’enseignement à l’abîme, c’est abandonner les pays aux mains des incompétents.

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