26-07-2025 14:30 - Chourra ou suffrage universel : une réflexion sur la représentativité authentique

Chourra ou suffrage universel : une réflexion sur la représentativité authentique

"وأمرهم شورى بينهم"

صدق الله العظيم

"Et Nous avons fait que leurs affaires soient l'objet de consultation mutuelle entre eux."

L’extrême pauvreté qui accable la majorité des peuples africains, couplée à la lutte quotidienne pour la simple survie, les rend vulnérables, presque fatalement, aux mécanismes pernicieux de la corruption électorale.

Dans bien des cas, le bulletin de vote devient un simple ticket d’échange contre une aumône ou contre les illusions d’un populisme radical et extrémiste. L’acte citoyen, censé être noble et souverain, se retrouve ainsi vidé de sa substance par l’indigence matérielle et intellectuelle.

A cette misère, s’ajoute un analphabétisme massif, qui fait de l’électeur un figurant plus qu’un acteur. Comment espérer l’émergence d’une démocratie vivante quand la majorité ignore même les fondements de ses droits, et que l’isoloir devient une scène d’instrumentalisation ?. Notre pays, la Mauritanie, n'échappe pas à cette malheureuse situation.

Dès lors, une question légitime s’impose à notre conscience collective : le modèle démocratique importé, tel qu’il est appliqué dans nos sociétés, est-il adapté à nos réalités culturelles, sociales et historiques ?. L’expérience, douloureusement répétée dans nombre de pays africains, semble indiquer le contraire, à quelques rares exceptions.

Il nous faut alors envisager d’autres voies, enracinées dans nos traditions et notre propre génie politique. L’une des réponses possibles réside dans le modèle des grands électeurs, ou système de "chourra", que connaît bien la tradition musulmane. Il s’agit d’un système graduel, reposant sur la proximité, la représentativité et la responsabilité.

Ainsi, le processus électoral commencerait au niveau local, par l’élection des conseils municipaux dans chaque département. L'ensemble de ces conseillers municipaux des départements, éliraient ensuite un conseil régional.

Ce dernier, formé d’hommes et de femmes proches des réalités du terrain, serait alors chargé d’élire les députés à l’Assemblée nationale. Enfin, l’ensemble des conseillers régionaux et des députés formerait le collège électoral présidentiel.

Ce modèle, en plus de préserver une part de légitimité populaire, introduit une couche de compétence et de filtrage, évitant le chaos des suffrages manipulés. La pondération du vote selon le nombre d’électeurs inscrits dans chaque collège garantirait l’équilibre entre démographie et représentativité.

Il ne s’agit pas ici de renier la démocratie, mais d’en chercher une forme qui soit organiquement liée à nos sociétés, à leurs rythmes, à leurs besoins, à leurs traditions Entre l’uniformité des modèles importés et le chaos d’élections sans conscience, une voie médiane est possible : celle d’une démocratie enracinée, réfléchie, construite sur la sagesse des peuples, non sur leur vulnérabilité.

Ce modèle présente également des avantages économiques et pratiques non négligeables. En réduisant considérablement le nombre d’élections générales, il permettrait à l’État d’économiser des ressources financières importantes, souvent mobilisées dans des campagnes dispendieuses, des logistiques lourdes et parfois contestées. La limitation du processus électoral à des collèges restreints et responsables garantirait une organisation plus rapide, plus transparente, et moins sujette aux manipulations. De plus, il favoriserait un climat politique plus serein, loin de la surenchère populiste et des achats de conscience.

Ce système offrirait ainsi une représentativité plus authentique, réduirait les manipulations électorales, favoriserait un climat politique plus serein et renforcerait la responsabilité entre élus et électeurs, contribuant ainsi à restaurer la confiance des citoyens dans les institutions politiques et à renforcer leur sentiment d'appartenance et de participation. Il pourrait être soumis par le Président de la République au référendum, comme une voie réaliste vers une démocratie plus stable, moins coûteuse et mieux adaptée à nos réalités socio-économiques.

Le monde est aujourd'hui multipolaire et caractérisé par la diversité et l'interconnexion des civilisations et des modes de vie. Cette diversité est une richesse qui permet à chaque société de s'enrichir des autres tout en préservant ses propres traditions. Cependant, il est important de faire preuve de vigilance pour éviter d'adopter les aspects négatifs des autres cultures. En intégrant des valeurs positives telles que la solidarité, la responsabilité et la sagesse, nous pouvons construire une société équilibrée et ouverte aux autres. La clé est de maîtriser les échanges culturels pour en faire une force pour la cohésion et le progrès.

La proposition de la "chourra" est une tentative de repenser la démocratie dans des contextes spécifiques, en cherchant à pallier des faiblesses criantes du suffrage universel direct. Elle met en lumière l'importance de l'adaptation des modèles politiques aux réalités locales. Cependant, comme toute méthode électorale, elle n'est pas exempte de compromis.

Le défi majeur résiderait dans la capacité du système à garantir une légitimité populaire suffisante et à éviter que les collèges intermédiaires ne deviennent des points de blocage ou de nouvelles sources de manipulation, potentiellement plus difficiles à identifier et à contester.

Jemal Moctar Ellahi

Ancien député de Dakhlet-Nouadhibou





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Commentaires (1)

  • ouldsidialy (H) 27/07/2025 06:50 X

    1) On remarque que ce qui est proposé affaiblit l'exécutif au profit du législatif et des pouvoirs locaux. Il incarne en Mauritanie des préoccupations diverses.

    a) Des Solutions grégaires de la part de gens qui souhaitent se réserver préférentiellement les ressources économiques de leur région ( populations de la zone de Nouadhibou, et des régions minières du nord) -

    b) Des préoccupations plus authentiquement fondées, pour trouver davantage de place dans la construction étatique. La Mauritanie a une réalité multiethnique où les bidhanes tiennent des primautés -

    c) Ce genre de sujet peut aussi intéresser transversalement; car il évoque les équilibres entre les pouvoirs institutionnels et/ou informels ; c'est mon cas ; bien qu'il se voit que ce n'est pas celui de l'auteur.

    2) On remarque que la proposition institutionnelle de l'auteur ne prend pas en charge ses motifs invoqués . Lesquels seraient la corruption de l'électeur et la faiblesse supposée de sa capacité de jugement. Lorsqu' un propos ne traite pas de son motif cela indique souvent la fausseté de son intention déclarée. C'est assez fréquent en Afrique, où l'on croit souvent inavouable ce qui est tout à fait dicible. Subséquemment, l'auteur ne prend pas en charge la corruption des élus et leurs sous-qualifications. Laquelle est manifeste dans leurs productions législatives actuelles. Ils sont nombreux à être quasi analphabètes et leur déficit d'expertises dans les matières qu'ils ont à traiter est remarquable. L'auteur n'y pense pas, puisque le problème de la matrice des déterminants humains n'est pas son sujet. Que cela soit pour le peuple ou pour ceux qui le gouvernent

    3) Le texte n'envisage pas la place des 3 autres pouvoirs réels. Une réforme constitutionnelle qui ne les prend pas en compte est sans efficacité. Les voici

    1) Le pouvoir A-légal mais légitime de l'argent. Le pouvoir des gens d'argent pèse lourd sur la représentation actuelle. Le propos est vaste, mais on peut remarquer pour ici, que c'est sa prise sur les choses qui permet les électeurs corrompus et les élus corrompus , corrupteurs et parfois déficients.

    2) Le pouvoir légal mais délégitimé du religieux dans une république musulmane. Pour l'essentiel, la Mauritanie confine au seul statut personnel le droit musulman, tout en laissant le pouvoir religieux vivre dans l'informel. La démocratie ne réussissant pas à s'assumer comme musulmane ou laïc; le pouvoir religieux voit ses productions détournées de leurs vocations et efficacités. Les religieux peuvent être de puissants acteurs de pouvoir mais en dehors du cadre institutionnel et démocratique. L'exercice du pouvoir religieux dans les conditions mauritaniennes conduit à des compromissions obligatoires qui lui font perdre du crédit populaire et encourage des courants politiques musulmans antidémocratiques.

    On remarque avec sourire, que notre auteur évoque " La Choura" qui est une référence précise exigeante. Elle est ici citée de façon opportuniste. La disqualification et la délégitimation de l'Islam, c'est aussi ce genre de prédispositions: Islamiser les apparences tout en déracinant l'islamité des choses. On joue dangereusement avec les religions quand on se se laisse aller à ce genre d'exercice.

    3) Le pouvoir Légitime mais I-llégal des forces armées et de sécurité. C'est la traduction de la quadrature du cercle de devoir tenir une organisation étatique non native et sans socle national mature.