26-07-2025 20:36 - Visite présidentielle à Nouadhibou : l’attente d’un souffle nouveau dans une ville désabusée

La Dépêche -
À la veille de la visite officielle du président de la République à Nouadhibou, capitale économique du pays, l’ambiance oscille entre résignation et espoir timide. Si la venue du chef de l’État est censée raviver l’élan politique et économique local, elle intervient dans une ville meurtrie par des décennies de promesses non tenues et une réalité quotidienne de plus en plus difficile.
Derrière les préparatifs officiels pour accueillir le président, la population exprime un profond malaise. Pénuries d’eau, délestages récurrents, chômage massif, infrastructures en ruine : la ville semble engluée dans un immobilisme préoccupant.
« Nous n’avons pas eu d’eau pendant quinze jours », confie M.D, résidente de longue date, qui s’est levée aux aurores samedi pour profiter d’un rare moment où les robinets ont coulé. Une scène banale, mais révélatrice de la précarité des services de base en 2025 dans l’une des villes stratégiques du pays.
Des solutions seraient toujours envisagées par le gouvernement avec de nouveaux projets d’infrastructures, notamment la construction de nouvelles stations de dessalement d’eau de mer et l’amélioration du réseau de distribution, pour résoudre les problèmes de pénurie et d’interruption de service.
Il y a également un projet, financé par l’Etat mauritanien et le Fonds arabe de développement économique (FADES) pour un montant de 32 milliards d’ouguiya MRO, censé approvisionner les villes de Nouadhibou et Boulenouar en eau potable jusqu’à 2037. Mais tout cela prend du temps face à l’urgence.
Une crise aiguë de l’eau
La question de l’accès à l’eau potable empoisonne donc la ville et ce depuis les années 1990, sans solution durable. Les habitants dénoncent une gestion déconnectée de la crise et une absence criante de volonté de changement. « Rien ne change vraiment ici, sauf les discours », déplore un cadre local.
Les maux sont nombreux : pénuries d’eau et d’électricité, dégradation des routes – notamment l’axe Nouadhibou-Chami, théâtre d’accidents mortels –, hôpitaux sans moyens… La jeunesse fuit la ville, attirée par les mirages de l’étranger, notamment l’Espagne et les États-Unis à la recherche d’un avenir meilleur. Seule la Snim semble être une exception dans ce décor kafkaien.
Malgré l’érection de la zone franche, censée dynamiser l’économie locale, les retombées concrètes tardent à se faire sentir. Les habitants pointent du doigt une politique foncière opaque, des recrutements clientélistes dans les administrations, et des prix alimentaires souvent plus élevés qu’à Nouakchott, malgré les avantages fiscaux supposés.
« On nous a promis les aides de Taazour, mais rien n’est jamais venu », raconte un père de famille, gérant d’une modeste échoppe d’habits réutilisés. Ici tout le monde rechigne…sans doute à juste titre.
Des attentes fortes, mais peu d’illusions
Même la pêche artisanale, pilier historique de l’économie locale, subit de plein fouet la désorganisation. Des pêcheurs dénoncent les pratiques de l’EPBR (Établissement Portuaire de la Baie du Repos) et les interventions jugées abusives des gardes-côtes. La présence controversée de navires étrangers – turcs et russes – dans des zones interdites alimente la colère. À cela s’ajoute une préférence persistante pour la pêche industrielle, notamment au chalut en bœuf, au détriment des acteurs locaux du fait du clientélisme.
Le secteur cache aussi une bouillante activité de pêche «aux migrants clandestins ». Mais là au moins les efforts de l’Etat -et ceux de « La Guardia Civil » espagnole, sont plus persuasifs. L’étau se desserre petit à petit contre la ville devenue un moment terre d’asile pour migrants voulant braver l’océan en direction des Iles Canaries.
Le président est attendu pour inaugurer plusieurs projets, dont l’extension du réseau d’adduction d’eau. Une initiative saluée, mais jugée insuffisante pour répondre à l’ampleur des attentes. « Il connaît la réalité ici, il est déjà venu. Il n’a donc plus d’excuses », martèle un responsable local. La visite, fortement encadrée, se veut sobre, sans bain de foule, pour éviter les interpellations gênantes.
Nouadhibou, jadis pôle d’attractivité nationale, semble aujourd’hui en voie de marginalisation. « On ne compte plus. On n’intéresse personne, sauf en période électorale », résume un habitant.
Entre frustration et lassitude, les regards se tournent vers la présidence, dans l’espoir – peut-être le dernier – d’un réel sursaut pour une ville qui se sent abandonnée. C’est à l’orée de l’arrivée du président, un sentiment bien partagé dans cette ville poumon économique du pays.