07-10-2025 20:16 - L’autorité anti-corruption, arme de dissuasion ou habillage de gouvernance?

Le Rénovateur Quotidien -
Le Président ide l’Autorité nationale de lutte contre la corruption, Jamal Ould El Yedali, a officiellement prêté serment ce lundi devant le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Cette étape marque le début officiel des activités de cette nouvelle institution, créée en mai 2025 pour répondre à un besoin urgent : enrayer la corruption sous toutes ses formes dans le pays.
Présentée comme une avancée institutionnelle, l’Autorité bénéficie de la personnalité juridique et d’une indépendance administrative et financière, censées lui garantir une marge d’action significative.
Elle est dotée de prérogatives importantes : coordination des politiques de lutte contre la corruption, réception des déclarations de patrimoine, dénonciation des cas de corruption, lutte contre l’enrichissement illicite, et protection des lanceurs d’alerte. Elle peut même saisir la justice.
Mais à l’heure où la prolifération d’institutions aux mandats théoriquement ambitieux ne cesse de s’amplifier, une question essentielle s’impose : que vaut une autorité si elle ne joue pas pleinement son rôle ?
Une institution ne suffit pas à incarner la volonté politique
La lutte contre la corruption ne dépend pas uniquement de la création d’organismes spécialisés. Elle repose avant tout sur une volonté politique réelle, traduite en actions concrètes et en résultats mesurables. Une autorité, aussi bien dotée soit-elle, n’aura de valeur que si elle agit de manière autonome, transparente et efficace. Sinon, elle risque de rejoindre la longue liste des institutions créées pour rassurer l’opinion publique et les partenaires internationaux, sans véritable impact sur le terrain.
Un président expérimenté, mais un passif politique
Le choix de Jamal Ould El Yedali, ancien président de la Haute Cour de justice et ex-chef du groupe parlementaire du parti au pouvoir, suscite des interrogations sur l’indépendance réelle de l’Autorité. Son parcours, bien que juridiquement solide, le rattache étroitement aux cercles du pouvoir, ce qui pourrait entamer la confiance du public dans sa capacité à agir en toute impartialité. L’Autorité devra donc redoubler d’efforts pour démontrer que ses actions ne seront ni orientées, ni limitées par des considérations politiques.
Un test pour la crédibilité de l’État
En fin de compte, cette nomination et l’installation de l’Autorité marquent un tournant symbolique. Mais ce symbole ne deviendra une force que s’il est suivi d’une action déterminée contre les réseaux de corruption qui gangrènent les institutions. Faute de quoi, cette structure risque de n’être qu’un instrument de plus, un maillon administratif de plus, dans une chaîne déjà longue de promesses non tenues.
La création d’instances publiques ne suffit pas. C’est leur capacité à agir, leur transparence, et surtout leurs résultats, qui détermineront si elles servent la République ou l’habillent.