12-03-2010 15:12 - Bâtir une alliance entre le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal

Bâtir une alliance entre le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal

Le Sénégal, du fait de sa taille géographique et des nouvelles exigences de la mondialisation, ne pourra réussir son développement qu’en s’ouvrant sur le monde, en commençant par son voisinage immédiat. Son appartenance à l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) lui permet d’affirmer son ancrage dans l’Ouest africain, jalon indispensable pour évoluer demain vers l’intégration dans la grande Union africaine.

Tout en consolidant son statut de membre actif de la communauté ouest-africaine, le Sénégal doit, hic et nunc, ouvrir un autre front dans sa bataille pour l’intégration, en établissant un partenariat fort avec ses voisins du Nord que sont la Mauritanie et le Maroc.

Deux raisons donnent du sens à une telle option d’intégration verticale qui viendrait s’ajouter à l’option d’intégration horizontale que magnifie l’adhésion à la Cedeao et à l’Uemoa. D’abord, il faut prendre en considération les puissants liens culturels qui nous lient à ces deux pays et qui créent entre nos peuples une amitié et une fraternité naturelles.

Sur la scène mondiale, j’ai toujours été surpris et épaté par le réflexe automatique des Marocains et des Sénégalais à faire cause commune dès qu’ils se retrouvent dans une réunion internationale. Et il y a comme un pacte implicite qui les lie et que tout un chacun doit éviter de briser.

Les deux pays démarrent même très souvent et finissent ensemble le jeûne du ramadan, sans se consulter au préalable. Et, le fait qu’une large partie des Sénégalais se réclament du tidjanisme n’y joue pas toujours un rôle fondamental. Comme si les deux peuples vivaient au même rythme.

Le deuxième facteur qui milite en faveur d’un rapprochement de notre pays avec le Maroc et la Mauritanie est d’ordre économique. A travers ces deux nations, le Sénégal peut assurer une meilleure connexion avec le monde arabe et l’Europe, et raffermir ainsi son destin historique méditerranéen qu’il ne doit jamais perdre. Il en tirera des investissements supplémentaires et un meilleur accès aux marchés et aux opportunités économiques.

Aujourd’hui, le Maroc est en train de construire plusieurs infrastructures (zone franche de Tanger-Méditerranée, ports de troisième génération, autoroutes, etc.) qui vont le relier plus aisément avec l’ensemble européen. Le Sénégal pourra bénéficier des externalités positives de ces efforts marocains, s’il réussit à construire fermement le chaînon Dakar-Rabat, qui passe forcément par Nouakchott.

La mise à niveau des infrastructures routières en est un préalable. La réalisation d’une vraie autoroute sur l’axe Dakar-Tanger (un des projets phares du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique ou Nepad) en constitue l’œuvre majeure. Elle deviendra une réalité lorsque chaque pays concerné aura fait la part qui lui revient.

Pour le Sénégal, les chantiers les plus pressants consistent à mettre aux normes la route Saint-Louis - Rosso (de piètre qualité aujourd’hui) et à réaliser, en collaboration avec la Mauritanie, le pont sur le fleuve Sénégal. D’autres chantiers devraient suivre, dont le développement de liaisons maritimes, ferroviaires et aériennes entre les trois pays, la construction de ports francs de zones économiques spéciales dans les points frontaliers, l’amélioration de la fluidité et de la sécurité des corridors, etc.

Tout ceci aura pour effets de faciliter les transactions entre les milieux d’affaires des trois pays et de promouvoir le développement de stratégies communes d’attraction des investissements. Le Maroc pourra utiliser le Sénégal comme porte d’entrée dans l’Uemoa et dans la Cedeao, tout en se créant de nouvelles opportunités pour résoudre l’épineux dossier du Sahara occidental qui prendra une nouvelle dimension lorsque le Maroc aura construit un solide trait d’union avec ses voisins méridionaux.

La Mauritanie, qui vit une pleine transformation ces dernières années, en étant plus ouverte au monde, va tirer du partenariat avec le Maroc et le Sénégal d’énormes atouts pour moderniser son tissu productif et accélérer la diversification de son économie encore trop dépendante du fer et de la pêche.

En définitive, le Sénégal, le Maroc et la Mauritanie ont tout à gagner à conclure une nouvelle alliance qui ne serait en rien incompatible avec l’appartenance respective des trois pays dans d’autres ensembles sous-régionaux et régionaux. Un premier pas serait l’érection immédiate d’une Agence de coopération et de développement de l’Afrique du nord-ouest (Acdano) qui aiderait à faire avancer très vite des chantiers concrets d’intérêt commun (1).

Moubarack LO

Président de l’Institut Emergence
BP 5730 Dakar-Fann Dakar, Sénégal
Email : moubaracklo@gmail.com

Note: L’Union africaine a décidé de geler la reconnaissance de nouvelles communautés régionales en dehors de celles qui existent actuellement dans les cinq régions du continent et qui doivent être rationalisées en vue de mieux baliser le chemin vers l’intégration continentale. En revanche, la création d’institutions spécialisées, comme des agences de coopération sous-régionale et régionale, dotées de missions spécifiques d’initiation et de gestion de projets communs, est fortement encouragée. C’est un moyen précieux pour réussir l’intégration africaine par le bas.

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Commentaires (1)

  • cccom (H) 12/03/2010 17:11 X

    S\'il y avait un éveil réel du Sénégal et de la Mauritanie l\'alliance aurait été faite en priorité et depuis longtemps avec l\'Algérie aussi pour développer une agriculture mécanisée sur le fleuve avec le machinisme agricole algérien ( GMP, tracteurs, moissonneuses batteuse, Bull, pelles ....) de brevet Deutz uniformisé au niveau des cylindres . Car ces facteurs de production entrent dans 80% du coût de production du kg du riz qu\'une inflation mondiale a multiplié par 10 pour le rendre non compétitif par rapport au riz importé.
    Mais le blocage à cette alliance a été et demeurera longtemps encore le manque d\'éveil de nos dirigeants des opportunités d\'intégration économiques, pourtant incontournables pour contourner le defi de la mondialisation.
    ChOS