05-01-2011 11:45 - Interview avec Abdoulaye Doro Sow : ' Dans un pays où on viole les droits de l'homme...

Interview avec Abdoulaye Doro Sow : ' Dans un pays où on viole les droits de l'homme...

...il faut le courage de regarder les faits en face, pas les nier ou les banaliser”.


Enseignant et chercheur à l'Université de Nouakchott, M. Abdoulaye Sow est en même temps chargé de cours à l'Université de Genève et de Fribourg. L'universitaire partage vient de tenir une conférence de presse au CCF de Nouakchott sur le thème des droits de l'homme en Mauritanie.

L'Authentique : quelle est la raison d'être du groupe de Fribourg ?


Abdoulaye Sow : le groupe de Fribourg est un groupe qui réfléchit sur les droits culturels. Il est parvenu aujourd'hui à élaborer la déclaration mondiale sur les droits culturels. C'est un groupe qui travaille depuis quelques années déjà.

Moi, j'ai pris le train en marche, au hasard d'une rencontre à Dakar avec Patrice Meyer-Bisch - qui est le père de la déclaration des droits culturels-.

C'était à l'occasion d'un exposé que je devais présenter sur les arguments et les contraintes des droits culturels et au cours duquel j'avais dit en substance que si on veut introduire les notions des droits humains dans l'imaginaire des populations il faut utiliser les ressources culturelles que sont la langue, le patrimoine culturel. Un débat avait été mené à propos qui a scellé mes liens avec ce groupe Universitaire dont le cerveau se trouve à Fribourg.

Faut-il vous dire que ceux qui travaillent dans ce groupe le font de manière bénévole et en dehors des contraintes administratives et professionnelles.

L'Authentique : que pensez-vous de la notion de droit de l'Homme en Mauritanie ?


Abdoulaye Sow : il n'y a pas de vision spécifique de la problématique des droits de l'Homme pour la Mauritanie. Il y a des principes universels qui régissent le respect de la dignité humaine, le respect des droits humains qui n'ont rien à avoir avec les spécificités culturelles. Il y a l'homme en tant qu'être universel qui a sa dignité ; une dignité qui doit être inaliénable. Il y a certes des contours sur lesquels nous pouvons discuter pour nous entendre, mais toute pratique attentatoire à la dignité humaine doit être considérée comme une violation des droits de l'homme.

L'Authentique : convenez avec nous que le combat pour les droits de l'homme n'est pas de tout repos…

Abdoulaye Sow : effectivement. Toutefois sachez que nous, au niveau de notre groupe de travail, au niveau du centre interdisciplinaire que je dirige, nous ne sommes pas des militants. Il y a des ONG sur le terrain qui portent le discours en énonçant et en dénonçant les violations des droits de l'homme constatées en Mauritanie quelque soit leur nature, quelque soit leur degré. Nous en tant qu'intellectuels nous nous interrogeons sur les raisons de ses violations.

Nous nous intéressons sur les arguments que les gens utilisent pour se livrer à de telles violations. Est ce que cela est lié à nos cultures, à la méconnaissance des droits de l'homme, aux stratégies de conquête d'accaparement et de confiscation du pouvoir ?

C'est là où interviennent les intellectuels. Nous nous mettons à la disposition des décideurs, à la disposition des ONG, à la disposition des partenaires de la Mauritanie un ensemble de recherches qui leur permettent de percevoir une action concrète qui puisse aboutir à la protection des droits humains en Mauritanie.

L'Authentique : est ce qu'il n'y a pas une complémentarité entre le chercheur et le militant ?

Abdoulaye Sow : il y a une certaine complémentarité entre nous mais chacun doit respecter si vous voulez, l'autonomie de l'autre. Le militant, sur le terrain, constate et essaie de dénoncer cette violation en partant de la situation présente. Nous, nous considérons la situation globale. On ne lui pardonne pas à un intellectuel de commettre une erreur, pour ne pas avoir pris le temps de comprendre si l'acte cible est considéré comme néfaste, ou même comme une violation des droits de l'homme.

S'il est répréhensible au niveau des textes ou bien simplement au niveau de notre propre culture. Il est certain que si on observe les violations des droits humains, il y a celles qui sont liées aux institutions, celles dont l'origine est d'ordre culturel, ou du fait de considérations sociales. Nous au niveau des intellectuels, nous essayons de comprendre tout cela.

Bien sûr, nous ne faisons pas une hiérarchie au niveau des violations des droits de l'homme. On ne peut quantifier une souffrance humaine. Mais sachons séparer l'intellectuel du militant de droits de l'homme. En tout état de cause, quand quelqu'un est sur ce terrain de dénonciation et de dénonciation, il doit clairement dire qu'il se troue sur ce terrain. Sinon cela risque de créer amalgames et finalement le discours ne peut être un discours porteur.

L'Authentique : vous dites souvent que les droits constituent la pierre angulaire des droits de l'homme. Pourquoi ?


Abdoulaye Sow : je le dis parce que si vous prenez l'ensemble des droits humains, ils visent tous, le même objectif qui est la défense de la dignité humaine. Quand on parle de la dignité humaine, quand on parle de l'homme en général, on parle en tant qu'être humain, et un être humain à une identité culturelle. Les droits culturels sont les droits qui tournent autour de la préservation, de l'affirmation et de l'expression de l'identité culturelle.

C'est dire que si nous vivons ensemble, chacun a le droit de fonder une famille, chacun a le droit à une bonne éducation, chacun a le droit d'avoir des papiers civils, chacun a le droit d'être reconnu dans sa dignité culturelle et citoyenne. C'est ça le projet des droits culturels.

Maintenant par ramification dans l'architecture des droits culturels vous avez les communautés culturelles, les libertés culturelles et l'identité culturelle. Nous essayons à travers cette architecture théorique de faire comprendre aux gens qu'il est impossible de vivre ensemble dans la sérénité quand le respect de l'affirmation des identités culturelles n'est pas assuré.

L'Authentique : n'est-ce pas le refus de l'acceptabilité de la diversité des communautés qui est à l'origine de la problématique des droits humains ?


Abdoulaye Sow
: le fait qu'en Mauritanie, il y ait une nation plurielle, est une source de richesse. La diversité culturelle est une richesse et une chance pour la Mauritanie. La problématique se trouve au niveau de la gestion de cette diversité culturelle.

Il faut que cette diversité culturelle soit gérée de manière démocratique ; c'est-à-dire donner à toutes les communautés culturelles la possibilité d'avoir certaines actions accès (avec A majuscule), Accès à l'audiovisuel, Accès au système éducatif, Accès au boulot, Accès à l'expression de la citoyenneté, Accès à l'engagement politique. C'est comme ça qu'on construit une nation.

Je considère que là où l'individu n'est pas reconnu dans sa dignité, là où il ne peut pas affirmer sa fierté culturelle, la liberté n'est pas acquise. Par exemple, si Marie Lepen (leader extrémiste française) se permet de critiquer la prière des musulmans dans les rues, elle viole par là, le droit culturel d'immigrant.

S'il y avait en France suffisamment de mosquées je pense que les gens n'allaient pas prier dans la rue. Donc pour moi on aura beau parler des droits civils, des droits économiques, mais il faut que l'individu lui-même ait cette capacité.

Au niveau du groupe de Fribourg nous ne définissons pas la culture comme un mode de vie mais comme une capacité. Capacité de comprendre, capacité de donner, capacité de surveiller et capacité de transmettre. Pour que quelqu'un soit un agent social, un vecteur de développement il faut que cet individu ait un minimum de connaissance, un minimum de capacité qui lui permet de se connecter à l'ensemble des activités au sein de la société dés qu'il y a mutilation à ce niveau l'individu devient un handicapé.

L'Authentique : l'affaire de Biram Dah Ould Abeid ne montre-t-elle pas que les défenseurs de droit de l'homme ne sont pas protégés en Mauritanie ?


Abdoulaye Sow
: si vous prenez la question des droits de l'homme dans la plupart des pays africains, les défenseurs sont harcelés, intimidés, inquiétés de manière physique et leurs familles sont souvent inquiétées. Ça ce n'est pas seulement le propre de la Mauritanie, c'est un peu le propre de beaucoup de pays africains. Donc ces gens ont besoin d'une reconnaissance nationale et internationale pour qu'ils soient à l'abri de certaines tensions.

Maintenant en Mauritanie on n'a pas mal de déficit sur le plan de respect des droits de l'homme. L'arrestation de Biram Dah Ould Abeid est en rapport avec la pratique esclavagiste. Elle n'a pas sa raison d'être. Mais on ne peut pas ramener toutes les violations à cette question.

Au niveau des pratiques esclavagistes, que fait notre groupe, nous réfléchissons pour savoir quelles sont les raisons de la persistance des pratiques esclavagistes. Nous cherchons à comprendre dans l'imaginaire de la population mauritanienne quels sont les arguments qu'on met en avant pour justifier et légitimer de telles pratiques.

Lors de ma récente conférence au ccf, j'ai dit aux gens de laisser aux intellectuelles du temps de manière apaisée, de manière calme de faire leurs recherches pour comprendre ce phénomène, même au sein de chaque communauté. Parce que les pratiques esclavagistes sont transversales à toutes les communautés culturelles mauritaniennes.

Nous voulons savoir pourquoi les gens le font, nous écoutons tout le monde. Quand nous aurons toutes ces moissons d'informations, nous dirons aux mauritaniens : " écouter si vous voulez que les pratiques esclavagistes disparaissent, si vous voulez qu'on les enlève d'une manière progressive voilà ce qu'on doit faire au sein des écoles, de l'Université, au sein des familles.

Voilà ce que doit faire le pouvoir, voilà ce que doivent faire les intellectuels, voilà ce que doivent faire les militants des droits de l'homme pour qu'on puisse régler ce problème.

Si on vit dans un pays où il y a des violations de droit de l'homme, il faut avoir le courage de les regarder en face, ce n'est pas en les niant ou en les banalisant qu'on va les changer. Si les mauritaniens acceptent de se parler entre eux dans un débat franc, dans un débat constructif sans complaisance, sans esprit de vengeance, sans haine on arrivera je suis convaincu à des solutions propres au génie du peuple mauritanien ".

Propos recueillis par Cheikh Oumar N'Diaye

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Commentaires (5)

  • BLAKGEND (H) 05/01/2011 20:51 X

    Monsieur Echewena, pour vous un africain est incapable de penser, d'avoir des opinions, de critiquer son pays sans etre embrigadé par l'occident.

    ADO gagne les élections en d'ivoire, c'est l'occident

    Aziz fait un coup d'état en Mauritanie, c'est l'occident

    et toi quand tu critiques Mr Sow, qui est derrière toi?


  • sankariste (H) 05/01/2011 19:51 X

    vous avez tout pour être un grand Mr mais tu n'es qu'un escroc!!!

    alors arrête tes blabala!!!


  • Ibadou (H) 05/01/2011 17:39 X

    Echeiwena, tu dis ceci « Tu es de ces "chiens aboyeurs" que les occidents……… » Quelle violence et en même temps de vacuité dans ces propos qui caractérisent tous les blasés ignorants mauritaniens, experts de diatribes insensées.

    Te voilà en entier dans ton ignorance complètement assumée et croyant comprendre ne serait de la broutille à ce débat !

    Tu fais pitié comme cette Mauritanie qui, hélas, ne renferme que des médiocres comme toi. Si tu pouvais seulement la ferm…..


  • maestro (H) 05/01/2011 16:46 X

    en reponse a mr echwein quand un sac d'oignon sent mauvais il se peut qu'il en reste certains qui ont garde toute la saveur.

    ce MR sow dont parle fait parti des hommes dignes que le pays n a pas voulu reconnaitre la vraie valeur au lieu de vociferer sur lui mieux aurait ete de demander la ripture totale des relations avec la suisse apres leur aberations contre notre bien aime psl .un homme digne de louange d'un comportement vraiment ouvert et a toutes les couches de la communautes un vrai mauritanien .

    il parle toute les langues du pays en voila un mauritanien...


  • echweina (F) 05/01/2011 11:55 X

    Le groupe de Fribourd doit d'abord nettoyer chez lui avant de venir faire la lecon chez nous. Les droits de l'homme, l'intolérance tout le monde connait leur situation en Suisse alors, Abdoulaye Daro c'est pas ce qui va te rendre crédible au contraire.

    Tu es de ces "chiens aboyeurs" que les occidents utilisent pour détourner le regard de leurs caravanes où l'africain que tu es, que je suis, est moins que rien...

    Usons du dialogue, de la tolérance, de l'éducation, information, vulgarisation et laissons les discours à deux sous qu'on vous fait répéter là-bas pour venir cracher sur nous avec toutes la haine et la violence d'un loup.