22-03-2018 12:09 - Vidéo. Persécutés pour avoir dénoncé l’esclavage

Vidéo. Persécutés pour avoir dénoncé l’esclavage

Amnesty International - En Mauritanie, les défenseurs des droits humains qui dénoncent la pratique de l’esclavage et de la discrimination sont arrêtés et torturés. Reportage.

Les autorités mauritaniennes ont aboli l’esclavage il y a près de 40 ans. Pourtant elles continuent de tolérer cette pratique, pire, elles répriment les personnes qui la dénoncent.

43 000 esclaves en 2016

D'après les estimations d’organisations internationales antiesclavagistes, jusqu’à 43 000 personnes étaient réduites en esclavage en Mauritanie en 2016, soit environ 1 % de la population totale.

La police, les procureurs et l’appareil judiciaire ne répondent pas de façon appropriée aux cas d’exploitation signalés, qu’il s’agisse d’identifier les victimes ou de punir les responsables présumés.

En 2016, seulement deux personnes ont été condamnées par les tribunaux du pays compétents pour connaître des affaires d’esclavage, alors que ces juridictions avaient été saisies de 47 dossiers, dans lesquels 53 suspects étaient impliqués.

Les pratiques discriminatoires touchent particulièrement les membres des communautés haratine et afro-mauritanienne.

Ceux-ci sont absents de pratiquement toutes les positions de pouvoir et rencontrent des difficultés pour se faire enregistrer sur les registres de l’état civil, ce qui limite notamment leur accès à des services essentiels, comme la santé ou l’éducation. Les militants anti-esclavagistes persécutés.



Plutôt que de lutter contre l’esclavage, le gouvernement préfère s’attaquer à ceux qui se mobilisent contre l’esclavage.

Depuis 2014, Nous avons recueilli des informations sur 168 cas de défenseurs des droits humains arrêtés arbitrairement, dont 17 au moins ont été torturés et soumis à d’autres mauvais traitements.

Au cours de cette période, les autorités ont arrêté 23 membres du Mouvement du 25 Février, qui regroupe des jeunes en faveur de la démocratie, et 63 membres de l’IRA.

Parmi ces derniers, au moins 15 ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès iniques ; certains ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements visant à leur soutirer des « aveux ».

Ils m’ont attaché les mains et bandé les yeux. Je ne voyais pas où ils m’emmenaient. Quand nous sommes arrivés, un officier a dit : “Bienvenue à Guantánamo.’’ […] Avant l’interrogatoire, un garde m’a dit : “Dis-leur ce qu’ils veulent entendre. Tu sais que nous avons les moyens de te faire parler.’’ »

Amadou Tijane Diop, militant antiesclavagiste arrêté en 2016

Le droit de manifester est également visé par la répression en Mauritanie, où 20 groupes de défense des droits humains nous ont informé que les autorités avaient interdit ou dispersé leurs rassemblements pacifiques ces dernières années.

Les associations rencontrent aussi de graves difficultés pour être enregistrées officiellement.

Ne pas être une association autorisée, c’est avoir une menace qui plane au-dessus de nos têtes en permanence. Nous continuons les activités, mais nous savons qu’à tout moment les autorités peuvent venir suspendre nos associations et nous jeter en prison.

Yacoub Ahmed Lemrabet, président de l’association de « jeunes pour la démocratie Kavana »

Et même lorsque les associations sont officiellement reconnues, elles font l’objet d’une surveillance constante. Ainsi, les associations doivent notifier toute réunion, y compris privée, et un délégué des autorités peut imposer sa présence,

En Chiffres

17 : le nombre de défenseurs des droits humains torturés ou maltraités depuis 2014

20 : le nombre d’associations dont les rassemblements pacifiques ont été interdits puis dispersés par la force

43 : le nombre d’associations de droits humains qui n’ont jamais été autorisées par l’État à exercer leurs activités

63 : le nombre d’arrestations des militants antiesclavagistes membres de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA)

Des campagnes de dénigrement généralisées contre les défenseurs

Des campagnes de dénigrement, des agressions et des menaces de mort sont perpétrées en toute impunité contre les défenseurs des droits humains, qui sont souvent qualifiés de traîtres, de criminels, d’agents de l’étranger ou de racistes, voire accusés d’apostasie ou de manœuvres politiciennes.

Il arrive que ces actes d’intimidation soient commis aux plus hauts niveaux de l’État et par des groupes religieux, parfois même lors de rencontres internationales en Europe.

Par exemple, la défenseure des droits humains Mekfoula Brahim est visée par une intense campagne coordonnée de dénigrement sur les réseaux sociaux et reçoit des menaces de mort depuis qu’elle a réclamé l’annulation de la condamnation à mort du blogueur Mohamed Mkhaïtir pour apostasie.

Si vous exprimez votre soutien à Mkhaïtir, les gens commencent à vous traiter d’apostat et vous accusent de promouvoir des valeurs occidentales. S’en suivent des menaces de mort. Vous avez l’impression que n’importe qui pourrait vous tuer dans la rue et que tout le monde s’en moquerait ».

Mekfoula Brahim, défenseure des droits humains

La Mauritanie, à l’heure des élections

Les autorités mauritaniennes doivent montrer que toutes les voix dissidentes sont respectées, en libérant toutes les personnes arrêtées uniquement pour avoir dénoncé la discrimination, et en reconnaissant le travail des défenseurs des droits humains.

À l’approche de l’élection présidentielle de 2019, le risque de troubles sociaux est élevé si toutes les voix – même les plus critiques – ne sont pas respectées. Les autorités doivent cesser cette attaque contre les défenseurs des droits humains et prendre des mesures concrètes et efficaces pour mettre fin à l’esclavage et à la discrimination.



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 3
Lus : 3265

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • KANTAKI (H) 22/03/2018 20:59 X

    Eh bien, 43000 esclaves , c'est de la folie pure et simple, comment peut -t-on écrire cela et en plus c'est Amnesty International qui le dit !

  • pyranha (H) 22/03/2018 13:31 X

    Quelle honte !!!Quelle honte !!!Quelle honte pour ce pays !!! Mais aussi, pour moi, à partir de cet instant je modère désormais ma vision sur cette affaire d’esclavage. Je ne peux plus concevoir que des êtres humains en ce XXI eme siècle, continuent à se considérer comme esclave et qu’il faille que d’autres personnes constituent une alternative pour se mobiliser à libérer ces soit disant esclaves. Si un être humain peut être aussi bête et animalisé jusqu’à se confondre à du néant, eh bien les esclavagistes n’ont qu’à les tuer, même un animal (une hyène) se révolte pour défendre son territoire, son droit sur une portion de la brousse qu’elle occupe et du gibier qu’elle a chassé et obtenu avec effort et abnégation. Ici les esclaves sont au dessous de la conscience de l’animal et je pense sincèrement que lutter pour soit disant les libérer (***) n’est d’aucune nécessité. Ils ne seront jamais libres….c'est mon avis que j'ai le droit d'exprimer.

  • salloumar (H) 22/03/2018 13:25 X

    Lire et à mediter de ce proverbe oriental:"La vérité n'est pas bonne à dire à tout le monde : il y a des êtres faibles qui ne peuvent soutenir l'éclat de sa lumière". Vivement 2019! Salam. Oumar Débé