23-06-2018 18:45 - Visite d’Emmanuel Macron en Mauritanie : Le président français doit obtenir des garanties sur les droits de l’Homme

Visite d’Emmanuel Macron en Mauritanie : Le président français doit obtenir des garanties sur les droits de l’Homme

AFCF - Les 2 et 3 juillet 2018, le président français se rendra en visite officielle en Mauritanie. Une première depuis 1996.

A n’en point douter, la lutte contre le terrorisme sera une question majeure des entretiens entre Ms Emmanuel Macron et Mohamed Ould Abdel Aziz. Mais elle ne doit pas occulter les gangrènes de la Mauritanie qui empêchent d’atteindre la paix sociale et de faire reculer l’obscurantisme.

En tant que membre de la société civile mauritanienne, j’espère que le président de la France, un des partenaires les plus importants de notre pays, saura obtenir des engagements forts en matière de protection des droits de l’Homme. Si la menace terroriste provient de l’extérieur de nos frontières, de nombreuses attaques contre la démocratie sont orchestrées depuis l’intérieur même de notre pays par les élites dirigeantes.

En 2017, le président Aziz a voulu modifier la Constitution pour supprimer le Sénat en soumettant le projet aux deux chambres du Parlement, comme le prévoit la procédure constitutionnelle. Face au rejet du Sénat, le président Aziz a piétiné les normes suprêmes de notre pays en faisant entériner son projet par un référendum illégal. Le Sénat a été supprimé en août 2017 et ses membres sont victimes de poursuites judiciaires.

Depuis, les femmes et les hommes qui se sont opposés à ce coup d’Etat institutionnel sont dans le viseur d’une justice instrumentalisée par le pouvoir : le sénateur Mohamed Ould Ghadda est détenu arbitrairement depuis près d’un an, une douzaine d’autres sénateurs, des journalistes, des syndicalistes sont sous contrôle judiciaire et ont l’interdiction de quitter le territoire, et deux hommes d’affaires vivant à l’étranger sont victimes d’un acharnement. Le pouvoir supprime les institutions qui s’opposent à sa toute-puissance, puis s’attaque aux individus qu’il considère comme ses opposants, sans se soucier des conventions internationales que la Mauritanie a ratifiées.

Pendant ce temps, le régime du président Aziz laisse agir en toute impunité les tenants d’un extrémisme religieux qui contribuent à saper les valeurs démocratiques du pays. Certains parmi eux prêchent pour le jihad dans les différentes mosquées de Nouakchott et s’entrainent dans le vaste territoire mauritanien.

Le 4 avril 2014, j’ai porté plainte contre Yehdhih Ould Dahi, le chef d’un courant islamiste radical mauritanien qui avait lancé une fatwa à mon égard appelant à m’assassiner ou à me crever les yeux. Mon « crime » selon lui : avoir soutenu un bloggeur, Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir, condamné à mort pour apostasie après avoir dénoncé que la religion puisse être utilisée pour justifier les discriminations basées sur les castes. L’auteur de cette fatwa n’a jamais été inquiété, les autorités fermant les yeux sur ses appels publics au meurtre.

Quand la peine de mort de Mkhaïtir a été commuée en novembre dernier par la Cour d’appel en une peine de prison et une amende, ces mêmes adeptes d’un Islam extrémiste ont exprimé leur colère. Pour les courtiser, le gouvernement a fait voter une nouvelle loi condamnant automatiquement à mort toute personne coupable d’apostasie, même en cas de repentir. En plus de fermer les yeux sur les dérives islamistes, les autorités soutiennent l’application d’une interprétation très stricte de la charia – une vision de l’Islam que la Mauritanie prétend combattre dans sa lutte contre le terrorisme.

Une loi en 2018 condamnant à mort une personne exerçant son droit à la liberté d’expression ! Quelle perte de temps alors que la Mauritanie est embourbée dans des problèmes sociétaux majeurs, comme en témoigne la situation catastrophique des droits de l’Homme des femmes et des enfants.

L’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF), que je préside, enregistre quotidiennement des cas des violences faites aux femmes et aux enfants, de la torture et des meurtres. Mais les auteurs échappent souvent aux sanctions. Cette impunité résulte de complicités en faveur des coupables, de l’absence d’une législation spécifique sur les violences faites aux femmes, et de la difficulté d’accéder à une justice non-indépendante. Le manque de moyens pour prendre en charge les enfants en situation de mobilité, migrants ou talibés, forcés de mendier pour le maître coranique chez qui leur parent les ont placés, les entraîne dans la délinquance juvénile et le crime.

La Mauritanie, c’est aussi le premier pays esclavagiste au monde, bien que le régime nie officiellement l’existence de cette pratique inhumaine et dégradante. Sur la forme, le pays a adopté la loi 031/2015 faisant de l’esclavage un crime contre l’humanité, et a créé des tribunaux spécialisés. Mais à peine cette loi adoptée, le pouvoir du général Aziz s’est rendu complice d’une vaste campagne de traite d’êtres humains en signant une convention bilatérale envoyant des centaines de jeunes femmes domestiques mauritaniennes en Arabie Saoudite, où elles sont réduites en esclavage, séquestrées, violées et battues.

Sur le fond, aucune avancée contre ces pratiques d’un autre âge n’a été observée. Ces lois n’ont pas été adoptées pour être appliquées, mais pour leurrer la communauté internationale. Les militants anti-esclavagistes sont toujours persécutés par les autorités, arrêtés, détenus et parfois torturés, et les rares condamnations se terminent en queue de poisson.

Le pouvoir privilégie une politique ségrégationniste à l’égard des communautés afro-mauritaniennes. En leur empêchant l’accès à l’état civil, les autorités les rendent apatrides dans leurs propres pays, et n’hésitent pas à rétrocéder les terres de paysans à des multinationales de pays du Golf. En mai 2016 par exemple, lors d’un discours public, le président Aziz s’en est pris aux Harratines, un des groupes ethniques les plus importants en Mauritanie et qui souffre particulièrement de l’esclavage : « Les Harratines sont nombreux et font trop d’enfants et rien ne peut être fait pour eux dans ces conditions ».

Par Aminétou Mint Moctar

Aminetou Mint Moctar, est présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille qui lutte en Mauritanie contre le sexisme, le racisme et l’extrémisme violent



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Source : AFCF
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Commentaires (6)

  • pyranha (H) 24/06/2018 11:01 X

    @ Bertrand le sinistre hypocrite, Et pourtant Aziz que tu soutiens des pieds et des mains ne respire que pour ce Macron ,tu dois savoir qu'il suffit que Macron le lâche pour qu'il s’écroule à jamais ;et tu sais que la motivation de Macron à s’intéresser à ces genres de dictateurs c'est pour exécuter son programme sécuritaire rien de plus. Moor à toi de parler de colonialisme ,toi même tu symbolises tout ce qui est colon et tout ce qui rétrograde ,tu t'appelles BERTRAND non ? tffffffffooouu !!!!!!!

  • Bertrand (H) 23/06/2018 22:51 X

    De vrais petits colonisés. Macron que vous invoquez comme les possédés invoquent le diable est lhomle dont le pays à par le passé commis des génocides et des crimes contre l'humanité en Algérie et dans une grande partie de l'Afrique noire. Dans son pays il y a le délit de faciès et le délit d'appartenance religieuse. Les bi-rames les meinetou les derwich les mkhatyr et son a-vocation. Voilà à quoi ressemble vos prières : Macron nous avons vendu notre âme au diable sachant que tu commerce avec lui nous renions tout ce qui nous lie à ce pauvre peuple que t'es grands peres ont asservis et que tu essayé de garder dans la dépendance l'ignorance et la perversité. Nous nous sommes damnés pour avoir un peu de considération de ta part. Vas tu accepter de faire valoir tes intérêts et ceux de ton pays en profitant du gaz du oetrô des mines et de la lutte contre ceux que tu as poussé vers le radicalisme et nous laisser comme il est écrit dans le Saint Quran que satan reniera ceux qui l'ont suivi. Quelle honte que de pauvre petit monde qui pour avoir un peu desoace dans les médias s'avilit. Quels aveugles vous êtes? Quels lâches? et quels traîtres?

  • Visage Mauritanie (H) 23/06/2018 21:37 X

    Elles sont deux femmes les plus braves de ce pays, Aminétou Mint Moctar coté beïdane et Madame Fatimata Mbaye coté négros mauritaniens, ces femmes sont les seules parmi des milliers à se battre pour l’égalité et la justice dans ce pays ou les hommes ne portent plus de culotte sauf deux seulement Biram Dah ABeïd et Ould Ghadda en prison, face à une dictature militaire, les autres qui se disent hommes et parlent beaucoup n’osent pas aborder la vérité comme le font ces deux femmes, donc Aminétou Mint Moctar et Fatimata M’baye font la fierté du peuple mauritanien, pourtant en cas de victoire sur la dictature d’Aziz, des hommes qui étaient à l’ombre prendront le devant avec des Sourwals remplit de pète pour élever la voix sans aucune action, les hommes en Mauritanie sont de vrais marionnette du pouvoir, donc vive les deux femmes et respect.

  • pyranha (H) 23/06/2018 19:29 X

    MILLE FOIS HONNEUR A CETTE GRANDE DAME QUE MACRON DEVRAIT DÉCORER DE TOUTES LES MÉDAILLES QUI ONT FAIT LA GRANDEUR DE CETTE FRANCE DE NAPOLÉON DE JEANNE D'ARC DE PASCAL ET DE ROBERT BADINTER GLOIRE A TOI OHHH MARIEM MINT EL MOCTAR CELLE DONT L’ÉPÉE ET L’ÉTENDARD CRÉENT CONFUSION ET PANIQUE DANS LE CAMP DE L'ENNEMI.

  • moukhabarat (F) 23/06/2018 19:11 X

    la société civile est tombée tellement bas qu'elle cherche les solutions pour la Mauritanie à Paris. France: O secours! reviens nous coloniser! Honte à toi Aminétou Mint Moctar!!!!

  • mdmdlemine (H) 23/06/2018 18:52 X

    Rien à ajouter : UNE FEMME COURAGE QUI MERITE LE PRIX AMERICAIN Toutes nos félicitations