17-10-2018 09:12 - L’affaire Khashoggi empoisonne les relations entre Riyad et ses alliés

L’affaire Khashoggi empoisonne les relations entre Riyad et ses alliés

RFI - L’Arabie Saoudite est-elle prête à reconnaître la mort du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul ?

C’est ce qu’affirment plusieurs médias américains selon lesquels le royaume pourrait admettre un interrogatoire ayant tourné au drame. Pour l’heure, la disparition du journaliste le 2 octobre dernier jette un froid sur la relation pourtant solide entre Riyad et ses alliés occidentaux. De la Maison Blanche à l’Elysée, le ton a changé ces dernières semaines, au rythme des révélations inquiétantes dans l’affaire Khashoggi.

Le président américain Donald Trump a agité la menace d’une « punition sévère » si la responsabilité de l’Arabie saoudite était avérée. On a aussi entendu le président français Emmanuel Macron parler de « faits très graves » et « extrêmement inquiétants », au micro de RFI et de France 24 la semaine dernière lors du Sommet de la Francophonie.

« La France, instamment, souhaite que tout soit mis en œuvre pour que nous ayons toute la vérité sur cette affaire » a dit le chef de l’Etat. Dans la foulée, Paris, Londres et Berlin demandaient « une enquête crédible » dans un communiqué conjoint.

Confiance perdue

Ce sont donc des alliés proches du royaume saoudien qui aujourd’hui demandent des comptes à ses dirigeants, au premier rang desquels le jeune prince héritier Mohammed ben Salman. La France considère l’Arabie saoudite comme une alliée stratégique et c’est aussi un marché important pour les exportations françaises. Les Etats-Unis de Donald Trump de leur côté veulent afficher un front commun avec l’Arabie saoudite contre l’Iran. « Trump lui-même a dit qu’il ne remettrait pas en cause les contrats avec l’Arabie Saoudite car ils sont très importants pour l’économie américaine », explique Stéphane Lacroix, professeur à Sciences-Po et chercheur au CERI.

Pour ce spécialiste des monarchies du Golfe, « on ne peut pas s’attendre à un changement radical » dans la relation entre Riyad et ses partenaires. Mais pour Stéphane Lacroix, l’affaire Khashoggi laissera des traces : « Mohammed ben Salman [le prince héritier] n’inspire pas la confiance, ses partenaires à l’étranger vont se méfier de lui ». Des dégâts aussi pour l’image du royaume, ce qui risque « de remettre en cause les projets économiques du prince : si vous voulez attirer des investisseurs vous avez besoin d’avoir une bonne image et d’attirer la confiance », explique le spécialiste de l’Arabie saoudite.

Précédents

Il faut dire que la disparition de Jamal Khashoggi, journaliste critique du pouvoir saoudien, est intervenue après d’autres évènement qui ont installé le doute sur les méthodes du prince Mohammed ben Salman. On se souvient de la démission du Premier ministre libanais Rafic Hariri, annoncée en novembre 2017 à Riyad, où – selon plusieurs sources - il était retenu contre son gré. A la même époque, plusieurs centaines de Saoudiens, dont des princes et des ministres, ont été enfermés au Ritz-Carlton de Riyad, lors d’une vaste purge anti-corruption. En juin 2017, l’Arabie saoudite a participé (aux côté des Emirats Arabes Unis, de Bahrein et de l’Egypte) à une opération de boycott du Qatar, son voisin, qui se poursuit. Et au printemps 2018, des militantes et militants des droits des femmes ont été arrêtés au moment où les Saoudiennes accédaient enfin au droit de conduire dans les rues du royaume.

« L’Arabie Saoudite de Mohammed ben Salman ne tolère pas la critique, ni en interne ni en externe », décrypte le chercheur Stéphane Lacroix. Le Canada en sait quelque chose, puisqu'il est brouillé depuis le mois d’août avec Riyad, suite à un tweet de la ministre canadienne des Affaires Etrangères critiquant la situation des droits de l’homme dans le royaume.

Rapport de force

L’Arabie saoudite ne manque pas de leviers pour installer un rapport de force avec ses alliés occidentaux. En septembre, l’Espagne a annulé un contrat de vente d’armes à l’Arabie saoudite, des bombes à guidage susceptibles d’être utilisées pour la guerre au Yémen. Mais l’annulation a rapidement été… annulée car Madrid n’a pas voulu perdre un autre contrat de défense (1,8 milliards d’euros pour cinq navires de guerre).

Récemment l’Allemagne a dû aussi faire marche arrière, après avoir pourtant annoncé qu’elle ne vendrait pas d’armes à l’Arabie saoudite pour la guerre au Yémen. « La stratégie de Mohammed ben Salman c’est de dire ‘vous avez besoin de nous, vous devez faire avec nous’. Ce n’est plus l’Arabie Saoudite d’avant qui faisait bonne figure quand on la critiquait », explique Stéphane Lacroix. « Mohammed ben Salman est dans le rapport de force, poursuit le chercheur qui pointe la limite de la capacité de pression des Occidentaux, dès lors qu’eux-mêmes sont gouvernés par des considérations économiques et préfèrent se taire sur les droits de l’homme ».

Par Nicolas Falez





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Source : RFI
Commentaires : 2
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Commentaires (2)

  • synthetiseur (H) 17/10/2018 11:42 X

    L'hypocrisie des pays occidentaux revient au galop. Mis en mal dans leurs petites certitudes démocratiques et libertaires les voilà pris au piège de leurs propres contradictions; Que faire devant un acte ignominieux et criminel de ce petit prince démoniaque qui les tient à la gorge par sa bourse pleine qu'il est pret à vider quitte à appauvrir son pays , l'essentiel c'est qu'ils couvrent sa forfaiture. Trump l'illuminé est au moins clair; "Rien ne nous poussera à perdre les milliards de dollards de contrats avec l'Arabie saoudite qui fournissent du travail à 500 000 américains"...pas saoudiens, arabes ou africains, mais bien américains ..ça donne le tournis. Sous entendu "Ce n'est pas ce Khachogji sorti d'on ne sait où et sans aucune valeur ajoutée qui va y changer quoi que ce soit mort ou vivant". Cela rappelle les couvertures offertes par l'Occident à tous les assassinats, tous les massacres, tous les passe droits, toutes les violations du droit international de dirigeants givrés comme Natanyahu qui massacre les palestiniens, l'Emir du Bahrein qui massacre la moitié de son peuple, la dictature Birmane qui massacre des milliers de royingas, Les salman qui entreprennent leur premier génocide au Yémen, etc.... Aux yeux répus des officines concoctant ce drame, c'est de la légitme défense... Pendant ce temps les pays qui résistent à l'hégémonisme occidentale sont taxés de terroristes et sanctionnés sans merci illégalement au mépris du droit international; Soit leurs dirigeants sont supprimés, soit leurs économies sont asphyxiées, soit leur éxistence est remise en cause par de guerres civiles provoquées. Y passent le Venezuela, l'Iran, la Syrie, le Liban, la Bolivie, l'Algérie,l'Irak et bientot le Ghana seul pays africain qui a décidé de prendre ses distances des grandes magouilles financières occidentales à travers le FMI et la BM. Les dernières salaves humiliantes de Trump contre ses pourvoyeurs en fonds les Salman doivent etre révélatrices du degré d'ignominie et de manque de civilités de ce monde occidental qui sous la houlette des USA, des lobbys sionistes et des extrémistes évangélistes nous dirige tout droit vers une troisième guerre mondiale.

  • Emirbarak (H) 17/10/2018 10:10 X

    Ben Salman a bien appris chez les maîtres: l'Art de vaincre sans avoir raison.