19-12-2018 20:16 - D’une plainte individuelle à une affaire d’Etat, ou comment liquider Birame Dah Abeid politiquement

D’une plainte individuelle à une affaire d’Etat, ou comment liquider Birame Dah Abeid politiquement

L'Authentique - L’affaire du député et non moins leader antiesclavagiste Birame Dah Abeid, est devenue l’affaire d’un système politique dictatorial, qui au détour d’une plainte savamment orchestrée déposée par un pseudo-journaliste, en a fait une véritable chasse à l’homme.

L’objectif, au-delà d’une volonté d’empêcher un représentant du peuple de se faire entendre dans l’hémicycle d’un Parlement où il a réussi à se faire élire à partir de sa cellule de prison, est tout simplement de lui barrer la route pour les élections présidentielles prévues en 2019.

Ce plan machiavélique est servi par un appareil judiciaire caporalisé qui vient de décider, en violation de l’article 138 du Code Pénal, de déplacer le dossier pour en faire une affaire criminelle, donc une condamnation plus sévère qui pourrait lui faire perdre son statut de député et le mettre hors course pour la présidentielle, alors qu’elle relevait de la correctionnelle.

Cette inimitié contre un des adversaires les plus intransigeants du système esclavagiste et raciste qui dirige la Mauritanie depuis près d’une décennie, s’est manifestée dans toute sa fragrance, lors du transfert du leader de sa cellule de prison vers l’hôpital cardiologique suite à un malaise. L’image de l’homme, menottes aux poignets, descendant d’une ambulance, bien que destinée à satisfaire une clientèle esclavagiste, a heurté non seulement l’opinion publique nationale, mais le monde entier, qui s’est indigné de cette mise en scène inhumaine et dégradante.

C’est ainsi, la frustration refoulée contre une dizaine d’années de luttes acharnées contre un fléau qui continue de ternir l’image de la Mauritanie, ajoutée à une popularité grandissante d’un homme et d’un groupe, l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), qui est en train d’être soldée par les voies politiques et judiciaires.

Le système est en train de venger des dizaines d’esclavagistes, la plupart membres influents de la nomenklatura, qui ont été poursuivis et certains mis en prison, grâce au mouvement abolitionniste déclenché depuis l’émergence de l’IRA sur la scène publique.

Le tort qui est surtout reproché aujourd’hui à IRA et à son président, c’est d’avoir porté la lutte contre l’esclavage, le racisme et la discrimination en Mauritanie, sur le plan international.

Cette démarche fait suite à la mauvaise volonté des pouvoirs publics mauritaniens et de leur justice, qui au-delà d’un arsenal juridique séduisant contre l’esclavage, élevé au rang de crime contre l’humanité dans la Constitution, ont montré leur volonté délibérée de protéger les auteurs, car tous les verdicts prononcés dans les cas présentés devant les juridictions sont allés en deçà des peines minimums requis par les textes. Ces peines vont de 6 mois à 2 ans, avec des cas de prescription.

Pourtant, la Loi 031-2015 incriminant l’esclavage prévoit des peines minima de 20 ans de réclusion ferme et exclut toute prescription. Reste que les textes de loi et les juridictions spéciales chargées de juger les affaires d’esclavage en Mauritanie ont été conçues seulement pour la consommation extérieure et non pour leur application.

Dans ce pays, il y a plus d’activistes antiesclavagistes emprisonnés que d’esclavagistes avérés. Plus d’une centaine de dossiers traînent encore dans les tiroirs des tribunaux sans jugement. Les rares auteurs d’actes esclavagistes interpellés sont ainsi traités avec respectabilité, alors que les activistes des droits de l’homme, sont méprisés et violentés lorsqu’ils s’élèvent pour réclamer l’application de la loi.

Dans l’impossibilité d’avoir justice chez soi, des plaintes ont ainsi été déposées dans les pays dont les juridictions ont une compétence universelle, ou auprès d’autres instances comme la Cour Africaine des Droits de l’Homme. Celle-ci a été saisie par SOS Esclaves et IRA dans l’affaire des deux jeunes frères Said et Yarg.

A la suite de cette plainte, l’Etat mauritanien a été condamné par décision n°03/2017 du 15 décembre 2018, mettant en cause l’incapacité des juridictions mauritaniennes à faire preuve de partialité dans la poursuite des auteurs, couverts par l’impunité, et d’incapacité à protéger les victimes d’esclavage.

D’erreurs politiques en maladresses diplomatiques, le régime mauritanien salit de jour en jour sa réputation au regard de la communauté internationale, faisant de ce pays, l’un des plus grands prédateurs des droits de l’homme. Résultat, la Mauritanie perd des opportunités de financement, car après l’exclusion prévue en janvier 2019 des facilités de commerce avec les Etats-Unis (AGOA), l’USAID ferme l’un après l’autre, ses robinets dans des secteurs clés comme la santé.

Cheikh Aïdara



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Commentaires (5)

  • mohamed w.l (H) 20/12/2018 10:19 X

    Parler de Noir et Blanc en Mauritanie, est un signe d'ignorance poussée ou, tout au moins, de daltonisme aiguë. Il est temps de prendre rendez-vous avec un ophtalmologue. Quand, en 711 Tarikh ibn Ziad envahissait l'Espagne, il était à la tête d'une armée de 7000 hommes dont 300 arabes aussi noirs que les 6700 autres qui, eux, venaient du Ghana. Lorsque, en 1758 le naturaliste Carl Von Linné proposa de classifier les humains en quatre groupes qui finiront par devenir les races, nous étions déjà métissés depuis plus de 10 siècles, entre berbères noirs et arabes, sans tenir compte de nos cultures, encore moins de nos langues. Même la religion que nous brandissons aujourd'hui n'a été qu'un complement à ce brassage naturel des peuples. Ceux qui donc nous classent en maures et noirs ou pire, en blancs et noirs ne sont que de vulgaires vendeurs de haine qui renient leur sang et défient leur religion. Alors, ils sont comme les idolatres et les associateurs.

  • mohamed w.l (H) 20/12/2018 09:22 X

    l'État Français, membre de l'Union Européenne, déclare que le cas du Député Biram Dah Abeid relève du droit commun.

  • hamadel (H) 20/12/2018 09:17 X

    Son excellence le deputé Biramdahabeid n'a rien fait de méchant il est maintenu en prison par la milice politique pour des calcules électorales

  • Anti-esclavage (H) 19/12/2018 22:03 X

    Cette image d’un homme député du peuple les menottes à la main était ce qu’il ne fallait pas faire, en plus qu’il est défenseur des droits de l’homme et prix de Nations Unies, l’autre mauvaise gestion de la situation est la plainte, qui devait être une simple affaire de police et qui finit au criminel, comme si la plainte du journaliste était plus important que le Coran qu’avait brulé Biram devant des témoins. Aujourd’hui Biram est député, alors qu’Aziz avait dit lors des votes que les extrémistes ne rentreront pas au parlement, il parlait de Biram et de TAWASSOUL qui est rentré avec 14 députés et Biram avec deux députés, lui et une autre, Aziz veut tenir sa parole pour les esclavagistes sur Biram qui publie les esclavagistes dans le monde et il gagne des prix et une reconnaissance internationale, Aziz et son gouvernement s’enfonce, la Mauritanie perd de son autorités et de son économie, l’homme ou les hommes qui n’acceptent pas l’esclavage et le dénoncent doivent mourir en prison. Ce qui extraordinaire dans cette affaire, ce qu’Aziz les esclavagistes veulent est de ternir l’image de Biram et son mouvement, ce vouloir n’est pas ce que le peuple veut, chaque fois qu’Aziz décide de mettre en mal Biram avec les populations, cette même population porte Biram plus haut et le rend plus populaire avec beaucoup plus chance à l’élection présidentielle, ce qui fait peur au système.

  • hayerim (H) 19/12/2018 21:54 X

    "la Mauritanie perd des opportunités de financement, car après l’exclusion prévue en janvier 2019 des facilités de commerce avec les Etats-Unis (AGOA), l’USAID ferme l’un après l’autre, ses robinets dans des secteurs clés comme la santé." Sachez que ce n'est que de la poudre aux yeux: il n'y a d'abord pas d'enjeu tant ces petits pécules e représentent pas grand chose et leur suspension ne touche que l'USAID (ses employés américains en RIM) et l'AGOA e couvre n'apporte rien tant le commerce avec les USA est ul pour les PME de la RIM. De là à penser que le cowboy Sam Donald Trump, se soucie des droits, il y a un pas que personne de conscient ne peut franchir. Kashoggi assassiné défendu par ses pairs prouve que cet homme est sans âme (donald trump) et s'en fout eperduement qui est tué et par qui, sauf si cela lui rapporte des dollars! Alors ne venez pas ici nous chanter des bobards à propos de l'ampleur d'un problème qui est simple. On n'insulte pas les gens et Birame doit le comprendre une bonne fois pour toute!, journaliste de malheur!