03-03-2019 12:33 - D’Aziz à Ghazouani : la Troisième République "en marche"

D’Aziz à Ghazouani : la Troisième République

Elhourriya - Au stade Cheikha Ould Boïdya, l’ambiance de campagne présidentielle, avant l’heure, n’était vraiment pas le fait notoire de la déclaration de candidature de Mohamed Ould Ghazouani, actuel ministre de la Défense, et ancien chef d’état-major général des armées.

L’homme que bon nombre d’observateurs voient déjà comme le futur président de la République a frappé un grand coup par un discours qui rompt avec la langue de bois ambiante mais aussi par l’esquisse d’un programme qui répondrait, s’il est exécuté à la lettre, à - presque - toutes les attentes des mauritaniens.

Il faut dire d’abord que le « décalage » entre le discours du candidat Ghazouani et celui qu’on entendait jusqu’ici dans la bouche des ténors de la majorité, particulièrement, ceux de l’Union pour la République (UPR), constitue une énorme surprise. On ne cherche plus à opposer mais à concilier.

Pour la première fois, on reconnaît un certain mérite aux « anciens » régimes, on leur cherche des circonstances atténuantes, avec la mise en contexte de leurs échecs, réels, mais aussi la reconnaissance que le pouvoir actuel n’est pas parti de rien. Car, « rien ne se perd, rien ne se crée (ex nihilo), tout se transforme ».

Certes, Ould Ghazouani, « engagé » par le président Aziz dans la course à la présidence, et non « embarqué », comme le pensent certains, dans un processus de refondation d’une « République » qui a plus de cinquante ans d’âge, qui commence par la préservation des acquis, a reconnu les réalisations manifestes d’un pouvoir dont il était le second pilier de par sa position de chef des armées. Mais il n’a pas fait porter nos échecs, en tant que mauritaniens, à des « accumulations » ou à des «roumouz el veçad » (symboles de la gabegie) qui font leurs va-et-vient, aujourd’hui, entre la majorité et l’opposition.

Il y a là une volonté manifeste de réconcilier les mauritaniens avec eux-mêmes. Et cela rappelle le « avaa Allahou an’ maa sele’v » (il faut enterrer le passé, passer l’éponge) que mettait en exergue feu Ely Ould Mohamed Vall.

Et, pour dire vrai, Ould Ghazouani a raison d’appeler à cette pax fortes (paix des braves), puisqu’on arrive à la fin d’un cycle politique (les deux quinquennats d’Aziz) et qu’on se prépare à entrer dans un autre. A quoi remuer la plaie quand on sait que les mauritaniens ont toujours servi un pouvoir et non un homme. Dans ce registre, chacun a sa part de responsabilité dans les défaillances de tout le système, de notre démocratie.

Il se confirme aussi, par ce discours de déclaration de candidature, que même le président Aziz a envie de finir « en beauté » son dernier mandat. On ne peut imaginer que Ghazouani, dont il a parrainé la candidature, et auquel il est lié par une communauté de destin, qui a résisté à toutes les secousses et tentations (Tweïla et appel à un troisième mandat lui barrant la route), n’ait pas discuté longuement avec lui des grandes lignes du discours « soigné » qu’il a prononcé ce 01 mars 2019.

Les priorités sont, dans l’ordre, la sécurité, chère aux anciens généraux Aziz et Ghazouani, l’attention à porter sur certaines composantes sociales, avec cette allusion à un plan de « réparation » (discrimination positive) qui tarde à montrer son efficacité, une meilleure redistribution des richesses (qui doit être plus prégnante avec les retombées attendues de l’exploitation du gaz), et la poursuite des programmes en faveur des femmes et des jeunes. Un bon programme donc qui peut être un « bon risque » avec un Ghazouani dont on loue les qualités de patience et de prédispositions à l’écoute et au dialogue nécessaires pour espérer un apaisement d’une scène politique nationale presque toujours « en surchauffe ».

Dernière remarque et non des moindres : Ghazouani a dit solliciter le suffrage de tous les mauritaniens. Tous les candidats le disent, mais, à aucun moment, il n’a prononcé les mots « UPR », « majorité », même si l’on sait que ce sont ces deux forces qui vont porter, en premier, sa candidature et son programme. C’est donc une porte largement ouverte, par laquelle vont s’engouffrer, sans aucune gêne, tous ceux qui n’attendaient qu’un « prétexte » pour abandonner le navire « opposition ».

Cette déclaration de candidature rassure donc. Elle nous change un peu de discours « classiques » qui, de part et d’autre, agissent comme au bon vieux temps de la Bipolarité (l’avènement de la démocratie, en 1991, et la « Rectification » d’Aziz, en 2008) comme pour entretenir une crise nécessaire à tous ceux qui ont fait de la politique un métier. Mais attendons les autres candidats, dans les prochaines semaines, pour savoir si le discours fondateur de ce qui se profile comme la « Troisième République » a déjà balisé le chemin de la Présidence pour un Ghazouani qui vient de troquer sa tenue de général de division pour un costume de futur président de la République.

Sneiba Mohamed, Journaliste freelance





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