25-06-2019 07:45 - Mauritanie, les premiers faux pas du président Ghazouani

Mauritanie, les premiers faux pas du président Ghazouani

Mondafrique - Elu président mauritanien, le samedi 22 juin, avec officiellement 52% des suffrages, le général Ghazouani devra, s’il veut réussir, se libérer de la tutelle de son prédécesseur, le président Mohamed Ould Abdel Aziz,

Le général Ghazouani, un soutien constant du président mauritanien sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, depuis son accession au pouvoir en 2008, devait en principe prendre sa retraite de chef d’état-major à l’automne 2018.

Or la désignation de ce gradé, fort bien vu par les Français, les Marocains et les Américains, comme ministre de la Défense par le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, fut le premier signe que l’heure de la retraite n’était pas venue.

Plus encore, les cartes de la situation politique mauritanienne ont été redistribuées en sa faveur par le choix du président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui ne se représentait pas pour un 3eme mandat, d’en faire son héritier.

La transmission de pouvoir entre les deux hommes est désormaisleffective depuis le scrutin présidentiel du samedi 22 juin où le général Ghazouani a été élu, du moins officiellement, avec 52% des vois dès le premier tour.

Ce score n’est impressionnant qu’en apparence. En Mauritanie en effet, un pays où l’armée reste maitre du pouvoir, les listes électorales sont habituellement trafiquées et les résultat toujours fraudés. Ce que l’opposition appelle « un hold up électoral » programmé.

Premiers faux pas

Avec cette élection fraudée et instrumentalisée par le général Aziz, son « frère d’armes », voici le général Ghazouani confronté à un choix cornélien. Ce militaire légitimiste saura-t-il se démarquer de son mentor pour réaliser une véritable alternance dans un pays qui ,depuis l’indépendance, est miné par une culture du coup d’état et de la suprématie du militaire sur le civil? Ou sera-t-il seulement la pale copie de son prédécesseur qui saura, lui, tirer les ficelles et distribuer les prébendes d’un pouvoir devenu fantoche?

Les premières déclarations du président élu, quelques heures après la fin du scrutin et en présence de son prédécesseur, le président Aziz, pour auto proclamer son élection, alors que l’ensemble des bulletins n’était pas dépouillé, n’annoncent guère un changement radical de la gouvernance.

Pire encore, son silence, depuis la proclamation officielle des résultats et alors que de graves accusations de fraude sont lancées par l’opposition, ne plaident pas d’avantaage en faveur d’un nouveau cap.

Pas plus que la répression brutale par les forces de police, le lendemain du scrutin contre les manifestants descendus des quartiers périphériques vers le centre de Nouakchott pour protester contre la fraude.

Aziz poussé vers la sortie

Si le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a renoncé à un troisième mandat, c’est qu’il n’avait guère le choix. Sa candidature était tout d’abord contraire à la constitution mauritanienne. Ses partenaires occidentaux, français et américains en tète, lui avaientnt fait savoir qu’ils n’étaient pas hostiles à ce qu’il envisage une sortie par le haut.

Au sein même de son propre parti, l’UPR, ainsi qu’au sein de l’armée mauritanienne, beaucoup en privé devenaient fort critiques sur le bilan calamiteux du rêgne et sur la place grandissante prise par la famille du Président, notamment sa fille, dans les affaires du pays.

A la façon dont à la fin du règne du président Ben Ali en Tunisie en 2011, le mouvement présidentiel, le RCD, et une partie des militaires tunisiens ont pris leurs distances.

D’où le plan à peine secret du président Aziz de placer le général Ghazouani en orbite pour assumer provisoirement au lieu et avec son onction, la fonction de président. A la façon dont Poutine avait pu placer en 2008 Dmitri Medvedev, son Premier ministre, à la tète de la Fédération de Russie.

Les atouts du nouveau Président

Pourtant le général Ghazouani bénéficie de nombreux atouts qui pourraient rendre caducs les stratagèmes du président Aziz pour quitter la Présidence tout en conservant le vrai pouvoir.Première qualité, ce haut gradé a toujours entretenu d’excellentes relations avec la France, les Etats Unis et le Maroc- Ce qui permet d’équilibrer les préférences algérienne, émiratie et séoudienne de l’actuel chef de l’Etat.

Ensuite, Ghazouani bénéficie d’un large consensus au sein de l’armée mauritanienne, la colonne vertébrale du pouvoir depuis l’indépendance. Ce qui n’était plus le cas d’Aziz condamné à nommer à la tète du Basep, la garde prétorienne du pouvoir, son propre garde du corps, en suscitant la réprobation de nombreux hauts cadres militaires de l’armée

Enfin les origines et le parcours du général Ghazouani en font une personnalité respectée bien au delà du cercle clanique et affairiste qui entoure aujourd’hui la présidence. En privé, des personnalités de l’opposition espèrent que la présidence du général Ghazouani. marquera une rupture avec le passé.

« Fils d’un chef spirituel de la tribu maraboutique Ideiboussat, des Berbères à qui l’on prête des pouvoirs mystiques, écrit le site du « Point Afrique », il est réputé (…) pour bénéficier de l’influence également discrète mais grande de sa propre tribu très active dans les questions religieuses, le soufisme notamment, mais aussi dans le commerce de véhicules, de thé, de tissus et de céréales ».

Pour le président Aziz qui se méfie de tout et de tous, le défaut de Ghazouani pourrait bien être l’aura dont il bénéficie et qui ne manquera pas de ternir, par comparaison, son propre bilan. A condition que le nouveau président élu occupe le terrain et se désolidarise d’un bilan jugé unanimement désastreux.

By Nicolas Beau





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Source : Mondafrique
Commentaires : 4
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Commentaires (4)

  • Marrakech (F) 25/06/2019 12:47 X

    Ghazwani peut remercier la France qui l'a laissé prendre le pouvoir en fermant les yeux sur les fraudes et autres manœuvres malsaines détectées lors de ces élections.

  • mystere1 (F) 25/06/2019 11:29 X

    Très pertinente article, en tout cas ce Nico, a bien analysé la situation présente comme future par rapport au récent règne passé du prési sortant ! oui la seule solution ici, est que ce fils des marabouts se désolidarise de son compère, en suivant les bonnes traces de ses ancêtres pieux, donc être juste avec tous en instaurant égalité et justice, sans être influencé par son ami frère, mais ici le seul souci c'est ce dernier bien sûr qui d'autre à part son prédécesseur arrogant, qui fait fi des autres ! quant à ghazwani, vu ce succès electoral indigne de lui qu'l a remporté, alors il devra vraiement assurer totalement son nouveau règne, en faisant face à tous les problèmes confrontés à son peuple, afin qu'il prenne la relève ! sinon une chose est certaine, Biram ne lâchera pas son combat, car sa lutte continue, ainsi, à Ghazwani de prendre ses responsabilités à deux mains et attacher son ceinture, mais aussi en étant plus ferme et strictes comme un vrai dirigeant, car un vrai dirigeant ne doit pas être faible, c'est dangereux pour une nation, nous avons vu le cas du président IBK face aux "djihadistes" impitoyable, bien vrai que notre pays est dirigé par des militaires puissants, certe MOAZ est puissant, mais injuste, donc Ghazwani aussi doit être plus fort, en même temps juste ! c'est la seule solution pour que les nerfs se calment, non il n'a pas droit à l'erreur.

  • lass77 (H) 25/06/2019 10:03 X

    Nicolas Beau nous soule.

  • unitéRIM (H) 25/06/2019 09:18 X

    Vous avez utilisé des fausses informations dans cet article : d'abord, les élections étaient transparentes; deuxièmement, la tribu de Ghazoini n'est pas Berbère (ce sont des Ansares).