14-06-2020 16:24 - Portrait. Mauritanie : Qui est Meguett, le nouveau Chef des armées ?

De l’extérieur, c’est un militaire peu bavard, dont on entend la voix que lors des cérémonies officielles.
Pourtant, c’est un homme clé du sérail qui a joué de grands rôles au sein de l’armée mauritanienne et dans la marche politique du pays. Il s’appelle Mohamed Ould Bamba Ould Meguett, général et chef d’Etat-major des armées. Le 8 Juin 2020, le président Ghazouani l’a catapulté à ce poste, devenant ainsi le visage du haut commandement militaire. PORTRAIT.
Entre Ghazouani et Meguett, que de similitude dans les parcours. A eux deux, ils ont participé à deux coups d’Etat.
Comme l’actuel Chef de l’Etat, il faisait partie des 17 officiers qui ont composé le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie +CMJD+ dirigé par feu Ely Ould Mohamed Vall et installé au lendemain du coup d’Etat contre le président Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya, après 21 ans de pouvoir sans partage.
Comme l’actuel Chef de l’Etat, il était également membre du Haut Conseil d’Etat +HCE+ présidé par Mohamed Ould Abdel Aziz. Comme Ghazouani, il devient le patron des armées. Et qui sait, peut-être, que le destin lui a taillé un costume de président de la République…comme l’actuel président de la République de Mauritanie.
|||Un pilier de tous les régimes
De Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya à Mohamed Ould Abdel Aziz, le général Meguett a toujours été un pilier de ces régimes.
« Meguett est un homme très sage, jamais, il ne fera de mal à quelqu’un et il a toujours été un officier républicain qui travaille, c’est tout. Il ne travaille pas pour une personne. Il travaille pour l’Etat. Quand tu travailles pour l’Etat, tu es toujours sur les rangs. Meguett est d’abord bien apprécié de la population, bien apprécié chez lui et que son ambition, ce n’est pas de détruire», explique à CRIDEM le capitaine Ely Krombelé, auteur de nombreux articles sur l’armée mauritanienne et qui connait le général Meguett depuis les années 90.
« Avec l'arrivée de Meguett, officier le plus ancien dans le grade le plus élevé actuellement et son adjoint le général Moktar ould Bolle à l’Etat-major général des armées, on peut espérer. D'abord, les deux ne sont pas portés sur l'argent. Meguett est sage, inspire la confiance. Moktar est compétent dans le domaine militaire surtout au plan opérationnel autrement dit la gestion des unités sur le terrain. C’est un mouvement qui est apprécié de la majorité des militaires », poursuit Ely Krombelé.
Avant de devenir le super puissant directeur général de la sûreté nationale, ce militaire haut comme trois pommes s’est illustré d’abord à la Direction des Transmissions au sein de l’armée mauritanienne…Parmi les postes qu’il a occupés, on peut citer : celui de commandant de la 2e région militaire, d’inspecteur des forces armées et de sécurité, de directeur général de la sureté d’Etat.
L’actuel patron de l’armée mauritanienne est issu de la première promotion de l’EMIA (1975-1976). Il sera nommé sous-lieutenant d’active en 1979. Depuis, son nom brille de mille feux et sera largement distingué parmi les illustres militaires mauritaniens.
|||Mateur de militants
Derrière l’image d’Epinal de sage que lui témoignent ceux qui le connaissent, celle de mateur de manifestants par contre revient sans cesse dans la bouche de militants des droits de l’Homme. Militaire de carrière, Meguett a été pendant 6 ans, de 2014 à 2020, chef redoutable de la police mauritanienne.
De son passage à la tête de la police, des militants des droits de l’Homme nous racontent ne retenir que violence, répression et torture systématique…
D’ailleurs, dans de nombreux rapports établis par des organisations internationales comme Human Rights Watch (HRW), la police mauritanienne à l’époque, est indexée pour ses nombreuses atteintes graves aux droits de l’Homme.
«C’est sous son règne que les manifestations de IRA ont été réprimées dans le sang. C’est lui qui a inventé qu’il faut même battre publiquement les militantes des droits de l’Homme pour servir d’exemple, notamment mes proches. C’est lui qui a utilisé systématiquement la torture contre les militants d’IRA pour extorquer des aveux. Beaucoup d’entre eux portent toujours les séquelles de ces tortures. C’est lui qui a géré la répression contre IRA, créé les dissidences au sein de l’IRA. Tous ceux qui ont quitté IRA et commencé à me dénigrer, ils étaient sous sa direction», explique à CRIDEM le président de l’organisation abolitionniste, IRA-Mauritanie, Biram DAH ABEID, par ailleurs, député à l’Assemblée nationale mauritanienne.
Sous sa direction, la police mauritanienne fera beaucoup parler d’elle : refoulement d’une mission d’Amnesty international à l’aéroport international Oum Tounsi de Nouakchott, journalistes et opposants arrêtés, expulsion de militants anti-esclavagistes américains et de journalistes français. A ce tableau, il faut ajouter le bruyant et mémorable refoulement du célèbre islamologue suisse Tariq Ramadan.
Autre affaire qui a défrayé la chronique sous son magistère : les interpellations de journalistes, de syndicalistes et d’hommes politiques soupçonnés d’entretenir des relations avec l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou.
Meguett a bien marqué aux fers rouges son passage à la tête de la police, tout en échouant de défaire cette image de « police politique » qu’on colle à la peau la police mauritanienne, autant décriée pour ses pratiques répressives. Sur ce point, Ould Meguett n’a pas été un grand réformateur, même si on lui prête un bilan positif notamment en ce qui concerne la sécurisation des frontières et la professionnalisation des effectifs.
Juste avant son départ, il a arraché haut la main l’alignement de l'âge de la retraite des membres de la police sur celui des autres corps militaire et de sécurité (armée, gendarmerie, garde nationale) dont les membres ont bénéficié d’une augmentation de deux ans de service.
Aujourd’hui, le général Meguett rebondit à l’Etat-major des armées pour continuer à écrire son énorme et impressionnant parcours, néanmoins entaché de graves accusations d’implication dans des exécutions extrajudiciaires de plus de 500 militaires négro-mauritaniens dans les années 90….
Par Babacar BAYE NDIAYE, pour Cridem
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