19-10-2020 00:45 - Kaédi : Bonne pluviometrie, menaces et faible production en perspective

Kaédi : Bonne pluviometrie, menaces et faible production en perspective

Le Calame - Cette année, la campagne agricole est partie sur une pluviométrie satisfaisante : le fleuve, les marigots et autres lacs ont trouvé leur lie d’antan. Une abondance qui augure certainement d’une bonne récolte pour les paysans et de paturages luxuriants donnant sourire aux éleveurs un tant soit peu soustraits des éternelles files d’attente au CSA, en quête d’aliments de bétail.

La régénération de la flore, dans le Diéri comme dans la Chemama et les basses plaines totalement immergées du Sud-est de la ville montrent combien le ciel a été généreux. S’il est clair que la Nature offre aux éleveurs et aux agriculteurs une occasion inattendue de se refaire une santé, après des années chiches en pluie, il n’est cependant pas évident que la réponse des seconds soit à la hauteur du don.

Situé à 430 kilomètres de Nouakchott, Kaédi, chef-lieu de la wilaya et moughataa centrale, reste le lieu privilégié d’une migration qui lui confère le statut de ville des plus cosmopolites de la Mauritanie.

Une osmose entre toutes les composantes ethniques qui place la commune en exemple de cohabitation à préserver. Terre d’accueil des migrants venus de l’intérieur de la wilaya, la cité en recoit aussi des régions frontalières (Brakna ,Guidimakha). Mais elle souffre de l’expansion d’habitations « informelles », conséquence classique de l’exode rural vers les centres urbains.

La partie Nord-est de la ville, longtemps zone de culture pour les populations autochtones, subit, depuis moins de dix ans, une ruée d’occupations anarchiques, après l’échec du projet « ceinture verte » (par ailleurs non encore soldé).

La course à l’habitat a pris le dessus sur les activités agricoles qui rythmaient jadis la vie de la cité avec d’importantes productions céréalières précieuses à l’autoconsommation et au troc. L’ampleur de cette tendance contraire aux enjeux d’autonomie stoppe net toutes les ambitions que pouvait offir l’agriculture sous pluie.

Le Diéri est ainsi devenu, par la force des choses, le nid d’une population moins encline à l’agriculture, hors quelques passionnés obligés de partir loin, très loin parfois, des habitations, pour accomplir leur métier.

Ayant connu, par le passé, le rôle capital de la culture sous pluie dans le rythme ininterrompu des activités paysannes qui couvraient le Diéri, le Walo et les cultures de bas-fonds, Mohamed, un septuagénaire somnolent sur son âne, regrette cette situation qui l’oblige à parcourir plus de dix kilomètres pour rejoindre son lopin de terre.

« Et l’inertie des autorités qui ne nous assistent plus », déplore-t-il avec amertume, « ni en semences ni en poudres, encore moins en grillage de protection, n’arrange rien… ».

Même si d’autres facteurs, multiples, ont concouru à cette espèce de relâchement des activités agricoles, il n’en demeure pas moins que l’État, en sa fonction régalienne d’administrateur territorial, n’a pas montré des signaux forts pour trouver la meilleure formule d’équilibre entre le désird’expansion des populations dans l’occupation de l’espace et l’exigence de survie basée sur la culture pluviale.

Comme banalement ailleurs, la moughataa centrale de Kaédi s’est transformée en espace de consommation, avec peu d’offres en termes de productions vivrières, tandis que les services de commerce en tout genre poussent à tous les coins de rue.

55 % des habitants de la commune sont âgés de moins de 20 ans (RGPH 2013) et cette jeunesse se désintéresse nettement de l’agriculture, s’orientant en majorité plutôt vers le petit commerce d’articles de luxe, quand ils ne se lancent pas à fond vers des activités autour des nouvelles technologies, en général et, en particulier, celles de la téléphonie mobile (vente et réparation de portables, tranferts de sons, etc.).

Cette attitude de dédain à s’inscrire dans la production locale est renforcée par l’absence de politique de développement du potentiel agricole, accompagnée de mesures incitatrices de nature à y intéresser davantage de gens.

Vers d’autres menaces

Si la culture sous pluie connaît une forte régression, en termes de surface et de producteurs, au point de ne plus compter dans la chaîne de production communale, la culture irriguée connaît, encore récente, un développement régulier, en dépit des problèmes liés à l’atomisation des services qui relevaient tous de la SONADER (Société Nationale pour le Développemnt Rural).

En effet cette société dont l’ancrage et l’expertise ont permis d’encadrer de grands périmètres, des années durant, par une assistance de proximité est aujourd’hui dépourvue de ses principaux services qui s’articulaient autour des aménagements, désormais confiés à la SNATT, et de la fourniture d’intrants relevant de la CDD, après l’enterrement du Crédit agricole, grande boîte à Pandore.

Cette parcellisation des activités-phares pose un réel probleme de coordination et de responsabilité, quand elle ne compromet pas les investissements des agriculteurs dans la filière rizicole.

Avec l’abondance des eaux traduite par une forte crue, souligne le directeur régional de la SONADER, Djibril Ousmane Kane, « les relevés du 5 Octobre 2020 s’élèvent respectivement à 11,85 m sur le Gorgol et 11,55 sur le fleuve, alors que la côte d’alerte est de 12 m ».

Une situation qui fait planer une certaine psychose autour de la résistance de la digue de protection du PPGII-dont les semis ont pris un sacré coup de retard avec la fréquence des intempéries. L’inquiétude est d’autant plus perceptible que la météo annonce d’autres précipitations dans les jours à venir.

Quant au PPGI et malgré une certaine longueur d’avance sur le calendrier cultural, l’enthousiasme des paysans en début de campagne risque de tourner en cauchemar après deux mois d’exercice, tant les mauvaises herbes ont envahi les cultures, poussant certains paysans à l’abandon, faute de livraison à temps des intrants (engrais et herbicides)...

Seybane Diagana

CP Gorgol



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