27-04-2021 01:47 - Pêche: un peiage pour mettre fin au pillage des ressources hamieutiques nationales

Pêche: un peiage pour mettre fin au pillage des ressources hamieutiques nationales

Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME - Le bilan de la mise en œuvre de la précédente stratégie de pêche pour la période 2015-2019, avait fait ressortir un ensemble de réalisations dont les plus importantes étaient, pour l’année 2018, une production totale de 1.500.000 tonnes et près de 9 milliards MRU de redevances.

Ces deux chiffres, jamais atteints, n’auraient pas été soupçonnés de pouvoir cacher une surexploitation des ressources n’eût été la lettre du Waly de Nouadhibou, tombée par hasard dans les mains de pêcheurs dans les eaux troubles et parvenue aux réseaux sociaux, faisant généralement feu de tout bois.

La polémique suscitée par cette lettre, la réaction du Ministère des pêches et les autres débats officiels et paraofficiels, avaient imposé une sorte de jugement moral des responsables des politiques à l’origine de la dégradation progressive et continue du patrimoine halieutique national jusqu’à arriver au stade où nous en sommes aujourd’hui.

Il n’est secret pour personne que les rescapés du poulpe fuient les habitats habituels pour chercher refuges à des profondeurs inhabituelles, les armateurs endettés dénoncent un repos biologique de trois mois consécutifs et les petits pêcheurs qui, eux sans éconnomie et vivent au jour le jour de l’activité de pêche, crient secours.

Le brainstorming que cette nouvelle situation de nos ressources halieutiques a imposé à tous, semble pousser tous les concernés par cette crise du secteur de pêche à jeter un regard retrospectif sur le parcours du secteur et vite ils se sont appesantis sur deux étapes ou sur les politiques les ayant fait remarquer.

La première étape a eu lieu vers les années 90 et concerne les contrats-acquisition, pratiqués dans le cadre d’une politique de renouvellement de la flotte nationale. C’était au moment du gel de l’effort de pêche sur le poulpe qui avait présenté, vers 1993, des signes clairs de surexploitation, la disparition de plusieurs navires pour différentes raisons (vétustée, incendie, échouage, etc.) et enfin, l’absence alors d’une politique, en perspective, de renouvellement d’une flottille en déclin fatal.

Dans ce cadre, des étrangers avaient, petit à petit, accédé à des ressources de fond et environ 2/3 des navires céphalopodiers nationaux sont aujourd’hui détenus par ces étrangers couverts encore par des partenaires mauritaniens dont le seul capital mis en contribution semble être leur capacité de faire perdurer, depuis les années 90 à nos jours, ce couplage compromettant et dénoncé par tous.

La deuxième étape, avait commencé avec l’introduction du système de gestion par quotas pour apparemment (I) tuer l’espoir d’une flotte nationale avec l’abandon de tout souci de renouveler cette flotte et de tout encouragement pour la sauvegarde de la partie qui en reste, (ii) faire sortir quelques indésirables qui détenaient plusieurs navires acquis souvent de manière sélective déguisée (iii) faire entrer de nouveaux clients de l’entourage de l’ancien Président, ou soutenus par des hommes forts du pouvoir ou faisant valoir le pouvoir de l’argent.

Ce sont là deux exemples qui suffisent pour comprendre les problèmes dans lesquels se débat aujourd’hui le secteur de la pêche et avoir aussi une idée de la difficulté de s’en sortir. Une petite balade d’un sondeur d’opinions sur la plage de Nouadhibou durant le présent repos biologique, confirmera les quelques exemples suivants, choisis parmi un éventail de problèmes qui est certainement beaucoup plus large :

- La course aux profits dans le court terme au détriment de la protection de la ressource reflétée dans le nombre des entrants dans le secteur à partir de 2014, des usines de farines installées et de navires de pêche autorisés et dans le phénomène des intermédiaires et facilitateurs internes et externes au secteur ;

- la disparition progressive de la flotte nationale, une situation illustrée par le fait qu’environ 2/3 de la flotte hauturière appartient à des étrangers et l’industrie minotière envahissante est presque totalement approvisionnée par des navires turcs et des embarcations généralement sénégalaises. Ceci est l’effet cumulé de l’autorisation des affrètements (surtout l’affrètement coque-nue), de la mauvaise application de la loi ou d’une forme confuse du statut de société de droit mauritanien et de conventions dont les bénéficiaires cumulent les avantages accordés aux Mauritaniens et d’autres avantages particuliers (des opportunités qui ne sont pas à la portée de n’importe quel citoyen) ;

- les dépassements récurrents des quotas attribués : une situation qui affecte les statistiques de pêche sur lesquelles se basent les évaluations des stocks et conduit à la surexploitation et à la prise de mesures sévères telles que les fermetures prolongées de la pêche et les marathons ;

- l’augmentation exagérée de l’effort de pêche suite à la négligence de son suivi par l’Administration: une conséquence prévisible sachant que l’application du système de quotas a été généralisée sans que les conditions préalablement requises soient en place (ports en nombre suffisant pour maîtriser les opérations de débarquement sur une côte d’environ 720 km, un système de surveillance pêche performant, des acteurs conscients du lien entre la disponibilité de la ressource et la pérennité de leurs activités, etc.),

- l’introduction du système d’autorisation du travail des étrangers en contrepartie du payement d’un montant forfaitaire par marin autorisé :une pratique contraire à la politique nationale de création d’opportunités d’emploi et de mauritanisation des emplois maritimes sur la base de la promotion d’une main d’œuvre nationale suffisamment qualifiée ;

- l’absence totale d’une industrie de transformation des produits autre que celle de la farine et huile de poisson, connue pour son faible potentiel de valeur ajoutée et ses impacts négatifs sur l’environnement et la santé des populations :

- Un système d’allocation de la ressource et d’accès à d’autres sources de profits, caractérisé par l’absence de transparence et d‘équité, et leurs corollaires ;

- les insuffisances de la formation maritime, de la surveillance des pêches, des définitions données actuellement aux pêches artisanale et côtière et enfin, de la politique d’emploi, l’absence totale de mécanismes appropriés de financement des activités du secteur, etc.

Ceux qui connaissent les contours de ce système de gestion des ressources halieutiques par quotas, savent que ces problèmes sont prévisibles étant donné que ledit système a été appliqué et généralisé chez nous sans que les conditions préalablement requises soient en place (voir Horizons n°7061 du Jeudi 13 Juillet 2017).

Pour Monsieur le Ministre des pêches, tout tourne autour d’abord, du non respect de la réglementation transposant chaque fois les objectifs prioritaires du secteur et ensuite, de l’absence d’une gestion transporente et équitable de la ressource et activités connexes.

C’est pourquoi Son Excellence essaye déjà,depuis des mois, de mettre en place des réformes dont le retard ne peut provenir que de l’absence de consensus entre ses proches collaborateurs à ce sujet. Certainement, les ambitieux voudraient s’inspirer du modèle des 4 dragons d’Asie ou de l’une des générations des nouveaux tigres asiatiques, les modérés, panafricains, proposeraient celui du Rouwanda alors que les pragmatiques,limiteraient leur avis à rappeler que toute réforme signifie des mesures impopulaires et un motif d’instabilité surtout que nôtre pays vit un contexte où l’initiative semble être entre les mains de l’ancien Président de la République Mohamed Ould Abde Aziz.

Quel que soit le scénaio qui aura été retenu, Monsieur le Ministre des pêches, inspiré de sa spécialité d’informaticien, est désormais décidé à mettre en place un système de peiage sur les autoroutes d’Alvessade qui relayent les centres névralgiques de ce fléau au niveau central à des termineaux publics et privés dissimulés partout dans le secteur.

Pour Son Excellence, le système de suivi et évaluation qui l’occupe dans le cadre de ses réformes intentionnées, est une pièce maîtresse du système de péage en perspective ; la sauvegarde de nos ressources halieutiques du pillage auquel elles font face et la promotion de la transparence et l’équité étant les principales visées d’un tel système. Qu’Allah le protège contre une Mafia déjà fortement irritée !

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme




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