07-05-2025 23:34 - Nouakchott face au scandale : une affaire de drogue qui révèle les failles d’un système en crise

Mohamed Sidatt -- Depuis quelques jours, la capitale mauritanienne, Nouakchott, est secouée par la découverte d’un réseau de trafic de drogue impliquant des membres de familles influentes, souvent perçues comme « respectables ».
Si le scandale provoque une légitime indignation, il expose surtout une réalité bien plus sombre : celle d’un système socio-politique en déliquescence, où la criminalité et l’impunité se nourrissent de la dérive morale des élites.
Un scandale symptomatique d’un système malade
Cette affaire n’est pas un simple fait divers. Elle illustre un phénomène profondément ancré : dans une Mauritanie où l’enrichissement rapide et ostentatoire est devenu une norme, les valeurs de mérite et d’éthique s’effacent au profit de la ruse, du clientélisme et parfois du crime. Le trafic de drogue, comme d’autres activités illicites, prospère sur un terreau où la corruption et les passe-droits sont érigés en mode de gouvernance.
Comment en est-on arrivé là ? La réponse réside en partie dans l’effondrement des repères institutionnels. Lorsqu’un président accède au pouvoir par la force, en violation des lois, ou qu’un ministre de l’Intérieur est nommé pour sa loyauté plutôt que pour ses compétences, le message envoyé est clair : l’État de droit n’est qu’une façade. Les postes stratégiques sont attribués non pas à des experts, mais à des proches du pouvoir, fragilisant ainsi l’appareil étatique et ouvrant la voie à tous les abus.
Quand l’État priorise les intérêts privés
Plus grave encore, l’État semble mobiliser ses ressources non pour lutter contre les urgences nationales — pauvreté endémique, crises sanitaires, éducation défaillante —, mais pour servir des ambitions personnelles.
La récente campagne pour placer un candidat mauritanien à la tête de la Banque africaine de développement (BAD) en est un exemple flagrant : une récompense politique pour services rendus, notamment le soutien au coup d’État contre le premier président démocratiquement élu du pays, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en 2008.
Dans ce climat, toute critique est étouffée. Un citoyen osant interroger l’origine suspecte de la fortune d’une figure influente se retrouve en prison, sans procès. L’opacité règne, l’impunité devient la règle, et les détenteurs de richesses inexpliquées prospèrent en toute tranquillité.
Trafic de drogue, pouvoir et terrorisme : des liaisons dangereuses
Les ramifications de ce scandaleux réseau de drogue dépassent les frontières du crime organisé. Des sources crédibles, y compris l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, ont évoqué des alertes de gouvernements étrangers sur des activités suspectes liant des proches du pouvoir actuel à des trafics.
Pire, ces pratiques s’inscrivent dans un contexte régional où les liens entre enrichissement illicite, corruption politique et financement du terrorisme sont régulièrement dénoncés.
Le trafic de stupéfiants ne se contente pas de corrompre des individus : il sape les institutions, alimente l’instabilité et menace la sécurité nationale. Un État affaibli par le clientélisme et le mépris du droit ne peut pas combattre efficacement ce fléau.
L’urgence d’un sursaut collectif
Ce scandale doit servir de signal d’alarme. La Mauritanie ne pourra pas relever ses défis — développement, stabilité, justice sociale — tant que l’enrichissement illicite sera valorisé, tant que la compétence sera ignorée au profit des loyautés claniques, et tant que l’oppression remplacera le débat démocratique.
Il ne s’agit pas seulement de moralité, mais de survie. Les conséquences de cette dérive sont déjà visibles : une jeunesse désillusionnée, une économie paralysée par les inégalités, et une défiance généralisée envers les dirigeants.
L’appel lancé ici est celui d’une prise de conscience collective. Les Mauritaniens doivent exiger des comptes, restaurer la primauté du mérite et de l’intérêt général, et refuser que leur pays ne sombre dans le chaos. Car derrière les « affaires » comme celle de Nouakchott, c’est l’avenir même de la nation qui se joue.