30-06-2025 21:45 - Financement du développement : à Seville, le chef de l'ONU appelle à « changer de cap »

Financement du développement : à Seville, le chef de l'ONU appelle à « changer de cap »

ONU INFO - Face à un déficit de 4.000 milliards de dollars pour atteindre les objectifs de développement durable, António Guterres appelle les dirigeants mondiaux à rétablir une solidarité internationale en panne.

« Nous sommes ici à Séville pour changer de cap », a déclaré lundi le Secrétaire général de l’ONU, à l’ouverture de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FFD4).

Devant environ 15.000 participants venus de plus de 150 pays – dont plus de 50 chefs d’État ou de gouvernement –, M. Guterres a exhorté la communauté internationale à combler un déficit de financement colossal, condition sine qua non pour remettre les objectifs de développement durable sur les rails et bâtir un avenir plus juste.

Le multilatéralisme, a-t-il averti, est lui aussi mis à rude épreuve. « Le développement durable, alimenté par la coopération internationale, est aujourd’hui confronté à des vents contraires massifs », a-t-il déclaré, en pointant l’érosion de la confiance entre les nations et les institutions. Le monde, a-t-il insisté, vacille sous le poids des inégalités, du chaos climatique et des conflits : « Le financement est le moteur du développement et, à l’heure actuelle, ce moteur s’essouffle ».

Un agenda mondial en péril

Convoqué sous une chaleur record dans la ville andalouse, le sommet de Séville intervient à un moment critique. L’Agenda 2030 – cette promesse collective d’un monde plus équitable, adoptée en 2015 – est en « grand danger », a alerté M. Guterres. Près des deux tiers des cibles fixées par les objectifs de développement durable accusent aujourd’hui un retard inquiétant.

Pour le Secrétaire général, il est urgent de « réparer et relancer le moteur du développement » en mobilisant des investissements à l’échelle et à la vitesse exigées par l’époque. Le document adopté lundi, intitulé Engagement de Séville, doit permettre d’orienter les flux financiers vers les pays les plus vulnérables.

Mais ce compromis ambitieux s’est conclu sans les États-Unis, qui se sont retirés des négociations début juin et n’ont pas fait le déplacement dans la ville espagnole.

António Guterres a lancé cet appel en soulignant que le développement durable, alimenté par la coopération internationale, est aujourd’hui confronté à des « vents contraires massifs ».

Trois priorités pour un sursaut collectif

Le texte adopté à Séville trace trois axes d’action prioritaires.

Le premier consiste à faire en sorte que les ressources circulent efficacement au niveau national pour stimuler la croissance. António Guterres a exhorté les pays riches à doubler leur aide publique au développement, et à tripler les capacités de prêt des banques multilatérales. Il a également plaidé pour des « solutions innovantes » afin de mobiliser les financements privés.

Deuxième priorité : un changement de paradigme en matière de dette. Le système actuel, qualifié d’« insoutenable, injuste et inabordable », oblige les pays les plus pauvres à consacrer chaque année 1 400 milliards de dollars au seul service de leur dette. Un nouveau Forum des emprunteurs souverains doit être mis en place pour encourager une gestion plus équitable des restructurations.

Troisième axe : une réforme de l’architecture financière mondiale. « Nous avons besoin d’un système fiscal plus juste, conçu par tous et non par quelques-uns », a déclaré M. Guterres, dénonçant un ordre économique dominé par une poignée d’acteurs.

Une crise humaine, pas seulement budgétaire

Au-delà des chiffres, le chef de l'ONU a rappelé que cette crise est avant tout celle « des familles affamées, des enfants non vaccinés et des filles exclues de l’école ».

« Cette conférence n’est pas une affaire de charité », a-t-il martelé. « Il s’agit de rétablir la justice et de garantir à chacun la possibilité de vivre dans la dignité. Ce n’est pas une question d’argent, mais un investissement dans l’avenir que nous souhaitons construire ensemble ».

Une mobilisation portée par l’Espagne

Hôte de la conférence, le roi Felipe VI a salué un moment décisif, appelant à faire émerger une feuille de route fondée sur des « mesures concrètes, tangibles et réalisables ».

Le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a enchaîné : « Notre temps est venu et notre place est ici », a-t-il affirmé, soulignant que des millions de vies dépendront des décisions prises à Séville.

Il a appelé à « choisir l’ambition plutôt que la paralysie, la solidarité plutôt que l’indifférence, le courage plutôt que la facilité ». Et d’évoquer, avec fierté, l’histoire de Séville, jadis « New York du XVIe siècle », au cœur des échanges mondiaux.

Un point de départ, pas un aboutissement

Pour Li Junhua, Secrétaire général de la conférence et haut responsable onusien chargé des affaires économiques et sociales, la semaine de Séville doit être perçue comme une rampe de lancement vers une nouvelle ère d’actions concrètes.

« Séville n’est pas un point final », a-t-il déclaré, mais l’occasion de remettre « les personnes au centre » de l’architecture financière internationale.

Même message du côté de Philémon Yang, président de l’Assemblée générale des Nations unies, qui a appelé à un leadership renouvelé et à une coalition mondiale capable de surmonter les fractures et de restaurer la confiance.

« L’absence de confiance entre les pays engendre le chaos », a renchéri Bob Rae, président du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC), saluant les avancées concrètes dans le dialogue entre les institutions financières internationales.

Le commerce et le secteur privé en renfort

Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a mis en garde contre les nouvelles barrières tarifaires, notamment aux États-Unis, qui risquent d’aggraver la contraction du commerce mondial. Elle a plaidé pour que les pays les moins avancés soient exemptés des droits de douane punitifs, afin qu’ils puissent « être intégrés au système commercial mondial, et non en exclus ».

Le président du groupe de la Banque mondiale, Ajay Banga, a quant à lui souligné l’importance d’un partenariat renouvelé avec le secteur privé : « Personne ne croit que les gouvernements ou les institutions peuvent tout faire seuls. » Il a rappelé que la mission de la Banque restait l’éradication de la pauvreté, mais que cela nécessitait aujourd’hui des financements à une échelle « sans précédent ».

Le FMI prône une réforme fiscale élargie

Enfin, Nigel Clarke, directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), a appelé à une réforme des systèmes fiscaux et à un traitement plus équitable de la dette. Il a souligné que de nombreux pays faisaient face à des taux d’intérêt prohibitifs, qui limitent lourdement leur marge de manœuvre.

Selon lui, le renforcement des capacités nationales reste l’un des moyens les plus durables pour permettre aux pays de tracer leur propre voie.

Par Par Matt Wells, notre envoyé spécial à Séville





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Source : ONU INFO
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