20-09-2025 09:12 - Remaniement ministériel : entre équilibre politique, signal social et perpétuation des logiques anciennes

SHEMS MAARIF - Un an jour pour jour après la mise en place de son gouvernement de second mandat, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a procédé à un remaniement partiel touchant environ un tiers de son équipe. Si les changements semblent modérés dans la forme, ils sont lourds de significations politiques, sociales et symboliques.
Le remaniement marque avant tout une politisation assumée de l’exécutif. L’entrée de deux présidents de partis politiques — Sidi Ahmed Ould Mohamed (El Insaf) et Naha Mint Meknass (UDP) — porte à trois le nombre de chefs de partis présents au sein du gouvernement, avec Yaghoub Ould Moine, leader du parti Alliance nationale démocratique (AND).
C’est une première sous la présidence Ghazouani, jusqu’ici plus tournée vers les profils technocratiques. Ce choix traduit un virage stratégique : après avoir favorisé des profils discrets et techniques, le président semble vouloir consolider ses alliances politiques en intégrant davantage les figures majeures de la majorité.
Sur le plan de la représentativité, le remaniement introduit deux nouvelles femmes au gouvernement, sans qu’aucune ministre sortante ne soit remerciée. Cette démarche contribue à renforcer la parité, même si elle ne constitue pas un changement radical.
Par ailleurs, la part des Haratines et des communautés négro-mauritaniennes est légèrement accrue, traduisant une volonté d’inclusion sociale, même si certains acteurs sociaux jugent que cela reste insuffisant.
Un autre aspect marquant est l’émergence d’une « seconde génération politique » avec l’arrivée de trois ministres issus de familles ministérielles, portant à six le nombre de ministres enfants d’anciens ministres. Ce phénomène souligne le poids des réseaux familiaux dans la politique mauritanienne.
La nomination de Mariem Beigil Hamid, fille de l’ancien président de l’Assemblée nationale Boidiel Ould Houmeid, illustre parfaitement cette dynamique. Sa désignation, intervenue peu après une publication publique de son père, est perçue comme un signe de l’influence politique et de la réactivité du président pour maintenir la cohésion au sein de sa majorité.
L’équilibre régional et tribal demeure une constante du jeu politique. Le gouvernement maintient sa tradition d’un partage rigoureux des portefeuilles selon des critères géographiques et sociaux, un mécanisme qui limite souvent la capacité à nommer exclusivement en fonction des compétences, mais qui contribue à préserver la stabilité.
Enfin, la répartition des portefeuilles soulève toujours des questions. Le passage d’un ministre de la Pêche aux Affaires islamiques, ou celui d’un ministre de la Fonction publique à la Justice, pose la question de la cohérence entre les profils des ministres et leurs fonctions. Ce manque de transparence alimente un sentiment d’arbitraire et interroge sur l’efficacité réelle de certaines nominations dans un contexte où les défis économiques et sociaux sont importants.
Conclusion : Ce remaniement est un exercice d’équilibre visant à consolider les soutiens politiques et à élargir légèrement la base sociale du pouvoir, tout en évitant les secousses internes majeures. Il révèle un président attentif aux dynamiques de sa majorité, mais encore prisonnier des logiques tribales, familiales et d’un système de nomination peu transparent.
À moins de deux ans de la présidentielle, la stratégie mise en œuvre vise avant tout à préserver la stabilité politique, dans un contexte où la population attend de plus en plus d’efficacité et de résultats.
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