22-11-2025 21:36 - Ghazouani confronté à la résistance de sa propre majorité
SHEMS MAARIF - Les décisions annoncées récemment par le président Mohamed Ould Ghazouani à Nbeiket Lahwach, Djiguenni et Timbédra rencontrent une résistance inattendue : celle d’une partie de sa propre majorité. C’est ce qu’affirme le journaliste Haiba Cheikh Sidaty, qui décrit une contestation interne organisée en trois groupes bien distincts.
Le premier est constitué de notables tribaux dont l’ascension politique s’est appuyée sur des nominations obtenues en valorisant des « gloires » supposées de leurs tribus. Ceux-ci rejettent le discours de Nbeiket Lahwach, qu’ils estiment menaçant pour leur influence traditionnelle.
Le deuxième groupe s’oppose au discours de Timbédra, qu’il considère comme un frein évident à ses ambitions personnelles et en décalage avec les récits mobilisés auprès de sa base électorale.
Quant au troisième groupe, il se sent directement visé par les propos tenus à Djiguenni au sujet de la corruption.
Selon Haiba Cheikh Sidaty, ces trois factions travaillent, consciemment ou non, à affaiblir les messages présidentiels : chacune s’emploie à vider de sa substance le discours qui la concerne, tout en déformant les autres pour en réduire l’impact.
Les figures soupçonnées de corruption critiquent ainsi le discours sur le tribalisme, qualifié d’irréaliste. Les ambitieux tournés vers l’élection de 2029 redoutent, eux, la portée d’une lutte sérieuse contre la corruption, consciente que l’achat de loyautés électorales devient impossible sans l’appui des réseaux d’affaires et des acteurs incriminés.
Cette attitude, souligne le journaliste, transparaît dans les déclarations publiques comme dans les sous-entendus relevés lors des interventions médiatiques. Elle ne peut être masquée ni par des circulaires, ni par des mesures conjoncturelles.
Les messages de Ghazouani se retrouvent ainsi pris entre deux fronts :
• une opposition qui conteste systématiquement tout ce qui émane du pouvoir, bien qu’elle reconnaisse la pertinence de certains discours proches de ses revendications anciennes ;
• et une majorité réticente au changement, mobilisant tous les leviers pour préserver ses intérêts.
Pour Haiba Cheikh Sidaty, cette résistance transpartisane révèle les tensions profondes autour de trois enjeux majeurs : l’extension de la corruption, la montée du tribalisme et les ambitions précoces des clans du système.
Il estime que les décisions présidentielles nécessitent un véritable soutien politique afin d’éviter leur récupération par les acteurs corrompus, comme ce fut souvent le cas par le passé.
Reste une question centrale :
Le discours de Ghazouani et les directives du gouvernement parviendront-ils à contenir l’influence des corrompus dans le camp présidentiel et à convaincre une opposition qui réclame une lutte réelle contre ces pratiques ?
Pour le journaliste, la réponse se situe au-delà des communiqués : seule une série de décisions impopulaires permettra de mener à bien cette réforme, qui pourrait devenir l’héritage le plus significatif du mandat de Ghazouani. Une réforme, insiste-t-il, devenue urgente face aux risques que la corruption fait peser sur l’État de droit et sur la citoyenneté.
