17-12-2010 14:14 - Le Prix de la Reconnaissance : Discours de Boubacar Messaoud, Président de SOS-Esclaves

Le Prix de la Reconnaissance : Discours de Boubacar Messaoud, Président de SOS-Esclaves

Remise du Prix des Droits de l’Homme de la République Française 2010.


Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Nous venons d’un pays qui vient de fêter le cinquantenaire de son indépendance. C’est la République Islamique de Mauritanie où domine encore et depuis des siècles, l’esclavage par ascendance. La pratique relève d’une survivance de codes de préséance enracinés dans la mémoire dont s’imprègne la relation entre les hommes dans la société mauritanienne ; pour sa justification, elle se réfère à une interprétation détournée de la religion, ici l’islam ; dans cette représentation inégalitaire du monde, le Paradis pour l'esclave se trouve sous pieds de son propriétaire.

Malgré les obstacles sociaux et religieux une prise conscience s’est opérée à partir des années, 70 grâce à l’implication de l’élite alphabétisée parmi les H’ratins, c'est-à-dire les descendants d’esclaves affranchis, au sein d’un mouvement dénommé El Hor, crée clandestinement le 5 mars 1978.

L’action des fondateurs de ce mouvement d’avant -garde a abouti à la reconnaissance officielle de l’esclavage en Mauritanie, par la loi d’abolition 81-234 du 9 novembre 1981. C’est dans la continuité du combat qu’est née SOS Esclaves Mauritanie en février 1995.

L’association, plusieurs fois interdite et ses dirigeants réprimés, s’est donné, pour objectifs de souligner et faire connaître les situations d’esclavage, afin de lutter contre leur survivance et contribuer, ainsi, à casser le carcan de la domination.

L’avènement d’une société moderne, apte à dépasser toutes les pratiques de discrimination, par la collecte et la publication d’informations objectives et précises sur toutes les violations des droits élémentaires, a été l’horizon de notre organisation. Les manifestations pacifiques et les recours en justice, quoique sans effet sur les auteurs, en ont été les principaux ressorts. Hélas, comme le démontre la répression, ce lundi 13 décembre, d’un groupe de militants abolitionnistes sous la conduite de Birame Ould Abeid, la dénonciation d’un cas d’esclavage ébranle les fondements même de l’Etat, en ce sens qu’elle l’oblige à user de la force disproportionnée pour empêcher la publication de la vérité.

Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers amis

Nous en sommes encore à ce stade de notre lutte où nous devons empêcher, avec des moyens dérisoires, dans l’adversité totale et sans le secours d’un droit pourtant explicite, que des êtres humains soient contraints, par la violence physique ou morale, à renoncer à toute dignité afin de survivre sous l’autorité de leurs semblables. Qu’il nous soit permis, ici de saluer le soutien et l’assistance d’Anti-Slavery International, d’Amnesty international, de la FIDH, de la CIMADE et le CCEM, d’Agir Ensemble, durant les moments d’épreuve, lorsque nous étions l’objet d’invectives et de délation de la part de nos concitoyens.

Le combat de SOS-Esclaves s’est concrétisé par la promulgation, enfin, d’une loi criminalisant l’esclavage en 2007, presque cinquante années après l’indépendance de la Mauritanie, alors que les textes de norme, interdisaient, théoriquement, un tel crime, sans pour autant l’expliciter, le nommer, avec la volonté politique de l’éradiquer.

Certes l’adoption de la Loi 2007-048 est une reconnaissance tacite de la réalité, par le sommet de l’Etat. Cependant, l’aveu, certes éloquent en comparaison antérieure par le silence, reproduit, une hypocrisie institutionnelle, un effet de miroir à l’intention des partenaires extérieurs. Les autorités devant incarner le droit rechignent à l’appliquer, au prétexte, inavouable, d’une solidarité de corps entre descendants de maîtres, ligués, en ultime ressort, par l’esprit d’une résistance commune à l’insoutenable menace de l’égalité.

C’est ainsi que dans les zones reculées, les commissariats ou postes de gendarmerie, auprès des autorités religieuses ou administratives, l’esclave en fuite ou plaignant ne trouve pas de refuge mais, plutôt, le regard de la suspicion, facteur d’une caution à la parole des maîtres. Il est regrettable que certaines autorités administratives et judiciaires cherchent sinon à blanchir les auteurs, du moins les couvrir du bouclier de l’impunité dont le scepticisme, la complaisance et parfois la fraude et le faux témoignage renforcent l’armure.

A cause de l’intimidation des victimes par les représentants de l’autorité légitime, l’esclave, finalement, renonce, recule, se dédit et reprend sa place dans l’ordre traditionnel de la vie ; par peur d’un retour de bâton, il déserte l’antichambre du juge, de crainte de se faire accuser de vol ou de diffamation.

Par ailleurs, devant la corruption qui alimente le manque de volonté de la part des autorités administratives et judiciaires, le texte de 2007 ne prévoit pas de mesure d’accompagnement pour mettre fin à la dépendance économique de l’esclave au maître.

Face à ces limites, SOS - Esclaves tente de porter assistance aux victimes, par la création de projet d’insertion et d’activités génératrices de revenus.

Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers amis

Aujourd’hui, la France, berceau des Droits de l’Homme, nous honore par une distinction. Le symbole intervient comme une reconnaissance du combat de SOS Esclaves Mauritanie dont l’action incarne une représentation universaliste, laïque et tolérante de la vie, exactement sur la voie de la tradition humaniste qui féconde votre pays, pour l’accomplissement de la liberté dans le monde.

Nous vous remercions de votre précieuse solidarité ; le combat se poursuit.

Paris le 15 Décembre 2010



Source : Raki Ba
Commentaires : 3
Lus : 1658

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • gazzar (H) 17/12/2010 21:59 X

    l'ambiguité de l'ambassade française , ses services culturels soutiennent la lutte haratine, et ses services secrets soutiennent la répression par aziz de ses opposants.


  • ssalekfal (H) 17/12/2010 16:07 X

    la France le pays des droits de l'homme??? Ce n'est en réalité aujourd'hui qu'un titre qui n'a plus aucun sens dans les faits. Lorsque l'on sait qu'elle expulse des personnes en danger de mort dans leurs pays (certains ont d'ailleurs été assassinés en afghanistan,en turquie et j'en passe), on ne peut qu'exploser de rire en entendant cela.

    Quand on sait qu'elle dissout la tribu k (groupuscule néo-nazi noir) sur son territoire pour soutenir l'ira qui mène le même combat raciste basé sur la haine de l'autre, son hypocrisie devient plus que flagrante.

    D'un coté la tribu k est un mouvement raciste parcequ'elle parle des inégalités sociales entre francais noirs et francais blancs et de l'autre l'ira est un mouvement defenseur des droits de l'hommes alors qu'ils sont largement plus extremistes.

    Ce fascho de Biram merite bien une lourde peine d'emprisonnement et la France devrait d'abord balayer devant sa porte (surtout réduire ses inégalités sociales manifestes entre francais de souches et les autres) avant de venir semer la zizanie entre nous en remettant en cause la souveraineté de notre justice.

    La Mauritanie est un pays libre et la colonisation c'est fini à tout jamais,mettez vous ca dans la tête. Rien que pour avoir traduit ces faschos devant la justice: VIVE LA JUSTICE MAURITANIENNE !!!


  • tiris1 (H) 17/12/2010 15:30 X

    Détrompes toi, la france n'est le berceau que pour le mepris et la haine et la langue française comme sa culture NE vehicule QUE le mepris et les lectures racistes étrangeres à note saine religion qui stipule que pour Allah seul la pieté et les actes differencie les humaines jugés individuelles.

    REGARDE LES MEDIAS FRANCAIS? DEMANDE AUX ANTILLAIS? AUX MUSULMANS ET surtout CHERCHE UN LOGEMENT ET TU VERRAS QUE LA MAURITANIE EST LE PARADIS SUR TERRE;

    En europe est-il possible de tenir le discours que certains tiennent publiquement en mauritanie. L'apologie du racisme et la haine est-elle permise ? Est-il possible de creer un organisation busness de droit de l'homme selon une thematique communautaire villageoise et personnelle pour deverser sa haine ?

    Depuis quand l'etat mauritanien engage la responsabilité de quelqu'un de ses actes, le graragiste pollue la rue d'en face, l'automobiliste barre la route, le pere de famille abandonne ses enfants, le militant de droit de l'homme incite publiquement à la haine raciale, le fonctionaire exerce le neopotisme et la corruption, l'intelectuel adopte une vision villageoise et importe les lectures et clichés racistes de certains pays qu'il prend comme modele, l'homme politique complote avec les puissances etrangeres et mette en cause les fondements de l'etat etc.

    Tant qu'on s'arrete seulement sur des concepts devenus totalement dogmatiques comme le droit de l'homme et democratie en restant deonnecter de notre religion, de notre culture et de notre environnement, nous resterons dans ce piteux etat.

    Tant que chacun ne s'assume pas integrellement et depasse la vision des autres pour avoir l'esprit tranquille, l'initiative libre et vivre en harmonie avec lui meme pour croire en soi et pour se passer de cette tutelle devenu inffligeante.

    nos caracteristiques physiques comme la couleur pourtant banale et neutre est devenu problematique à cause d'une culutre raciste importé qui charge negativement certaines couleurs, la forme du systeme politique est devenu sujet à caution et toalement importé pour nous imposé des modeles et nous deconcté de notre realité et soumise à l'appreciation d'autrui.