22-12-2010 01:26 - Mauritanie : Ould Aziz ramène les mauritaniens à la case de départ.
Lutte contre la gabegie , la corruption et le terrorisme, chantiers en perspective, la moralisation de la vie publique…Ce sont les principaux faits marquants le début du quinquennat du président mauritanien Ould Aziz , élu en juillet 2009.
Malgré ce bilan positif, 2011 pourrait être l’année de tous les dangers. Pour les observateurs, ces dangers résulteraient de l’irrédentisme des Halpulaaren sous la forme aujourd’hui du règlement du passif humanitaire, de la réapparition de l’esclavage et enfin de la possibilité de renforcer l’arabisation dans l’administration. Dangers qui risquent de menacer la cohésion sociale et la paix civile en Mauritanie.
C’est un secret de polichinelle. Le seul mérite de Ould Aziz depuis son élection en juillet 2009 est d’avoir au moins remis en ordre les affaires de l’Etat.
Cité en exemple comme le « président des pauvres » dès les premières heures de son quinquennat, le chef de l’Etat mauritanien a su transformé ce capital de confiance en actes en luttant farouchement contre tous les délinquants financiers mauritaniens à commencer par les hommes d’affaires et chefs d’entreprise les plus puissants du pays avant de s’attaquer aux membres du gouvernement et les hauts cadres de l’administration et établissements publics.
Incontestablement cette politique a porté des fruits puisqu’elle a permis d’engranger des milliards d’ouguiya au bénéfice du trésor public et dont le pays a besoin pour lutter contre la pauvreté. Ce choix politique a été dicté par une conjoncture économique et sociale difficile avec le renchérissement des prix des denrées de première nécessité aggravée par la crise mondiale financière.
Pour consolider cet acquis, le nouveau locataire du palais de Nouakchott a accompagné ce mouvement par la moralisation de la vie publique en commençant par lui-même à déclarer son patrimoine. Une façon de montrer l’exemple pour mieux prévenir l’enrichissement illicite par le haut.
A un an et demi de son mandat, ce climat favorable a été perturbé par la menace salafiste depuis que la branche d’Al Qaïda, l’Aqmi a choisi comme terrain de prédilection et de combat le Sahara pour mener ses visées terroristes en s’attaquant aux occidentaux notamment les amis de la Mauritanie, la France et l’Espagne par des attentats et prises d’otages dont les dommages collatéraux ont secoué les autorités de Nouakchott.
Vive réaction cependant par la réorganisation de l’armée mauritanienne et de son surarmement. Au plan politique, le forum de Nouakchott en 2010 sur le terrorisme à l’initiative du président mauritanien a plutôt servi à attirer l’opposition, la société civile et acteurs religieux sur le terrain sécuritaire plutôt que d’écarter la solution militaire.
C’est plus peut-être la baraka qui va aider le numéro un mauritanien en cette fin d’année à poursuivre ses réformes en profondeur puisque le pays vient d’enregistrer pour la première fois une augmentation substantielle de son budget 1,78 milliard de dollars pour 2011 soit un bond de 70 pour cent par rapport à 2010, une hausse des produits pétroliers qui passe de 8 milliards à 12, 6 milliards d’ouguiya cette année soit une progression de 63 pour cent par rapport à 2009 et celle du fer qui passera à 12 millions de tonnes en 2011.
Le dernier feu vert c’est la commercialisation du poisson désormais contrôlée par l’Etat et qui représente 10 pour cent du PIB soit une production équivalente à 1 million de tonnes par an et surtout fait travailler près de 36 000 mauritaniens. Sans oublier que la Mauritanie a réussi en 2010 à avoir des bailleurs de fonds à Bruxelles près de 3, 2 milliards de dollars pour son programme de lutte contre la pauvreté 2011-2013 dont la moitié est déjà acquise.
C’est fort de cette moisson que le gouvernement de Ould Laghdaf pourra électrifier davantage la capitale, sécuriser les populations en eau potable grâce au grand projet de l’Aftout-es-Sahel par le fleuve Sénégal qui touche 17 autres agglomérations.
Ce sera l’occasion aussi de moderniser Nouakchott qui abrite aujourd’hui près des 2 tiers de la population mauritanienne qui attendent avec impatience que la capitale soit enfin pourvue de canaux d’évacuation d’ eaux usées et d’espaces verts.
Dans cette perspective, le président des pauvres ne devra pas oublier aussi de donner du travail à ces milliers de chômeurs des quartiers périphériques et reloger toutes les familles des « gazras » en construisant suffisamment de logements sociaux pour elles et pour les classes modestes.
A 5 ans de la date butoir fixée à 2015 par les Nations Unies, c’est une seconde chance pour le numéro un mauritanien d’atteindre au moins un objectif du Millénaire pour le Développement, celui de la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim. Autre remise en ordre en cours, la modernisation de l’Etat civil.
Après la carte d’identité infalsifiable, les mauritaniens sont confrontés depuis le 28 novembre 2010 à une opération de recensement de la population qui vise entre autre à instaurer un système de registre national des populations et des titres sécurisés pour identifier tous les citoyens mauritaniens et les résidents étrangers.
Faute de pédagogie cette réforme risque de tourner au vinaigre si les contours de ce nouveau système ne sont pas transparents aux yeux même du citoyen. Cependant les observateurs s’accordent à dire que c’est un bilan mitigé à cause des obstacles internes qui s’y ajoutent avec la présence de l’irrédentisme des Halpulaaren, les négro-mauritaniens victimes des évènements de 89 sous la forme gouvernementale, le règlement du passif humanitaire.
Ils sont aujourd’hui des milliers de réfugiés rentrés au bercail et répartis dans le Sud, sans toit ni terres dans des conditions de santé précaire et de malnutrition pour enfants et femmes. Parmi eux des fonctionnaires qui attendent depuis plus d’une année leur réintégration dans la fonction publique. Les dossiers sont bloqués faute de suivi ou de manque de volonté politique.
Cette attitude laxiste et irresponsable de certains décideurs est de nature à compromettre la réconciliation nationale dans un pays qui a tant souffert des dictatures militaires qui l’ont basculé contre vents et marées dans l’oppression des cultures dites minoritaires par l’élite dirigeante Beydane grâce à une arabisation à outrance imposée dans tous les rouages de l’Etat dont l’objectif principal est d’occulter l’enseignement des langues nationales( pulaar, sooninke et ouolof) et au-delà l’émancipation des minorités culturelles .
Cette problématique culturelle et politique est à l’origine des assassinats de militaires halpulaaren en 90 et la déportation de plus de 200 000 noirs mauritaniens au Sénégal et au Mali en 89.
En définitive le « mea culpa » de Ould Aziz à Kaédi en 2008 contre les crimes commis par le régime de Ould Taya n’aura servi en fait à rien sauf pour berner l’électorat noir y compris les haratins confrontés aujourd’hui à une véritable chasse à leurs militants anti-esclavagistes dont certains croupissent actuellement dans les geôles de la capitale pour avoir dénoncé récemment deux cas présumés d’esclavage de filles mineure au cœur même de Nouakchott.
Réfugiés et haratins même combat c’est à dire contre l’exclusion, le racisme et les inégalités. 2011 pourrait devenir un cauchemar si Ould Aziz continue de fermer les jeux sur l’unité nationale. En tournant le dos à la réconciliation nationale, le président mauritanien ramène le pays à la case de départ comme ses prédécesseurs.
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