01-04-2020 19:00 - Clarifier le cadre juridique de l’état d’exception actuel

Clarifier le cadre juridique de l’état d’exception actuel

Adrar Info - Dans quel "état" sommes-nous ? Quels sont les fondements juridiques des mesures prises jusqu’ici par les autorités? Suivant la qualification de l’ « état » ( situation juridique) en cause, les conditions et les pouvoirs mis en œuvre ne sont pas les mêmes.

Il faut clarifier les choses, il en va de la nature même de nos institutions. Les mesures édictées sont extrêmes : fermeture des établissements scolaires et universitaires, fermeture des cafés et restaurants, fermeture des aéroports et de toutes les frontières, couvre-feu, restrictions de certains trafics routiers, quarantaine d’une ville de l’intérieur etc…

D’ autres pourraient suivre. Toutes ces mesures restreignent considérablement certaines libertés fondamentales même si elles sont largement justifiées par la situation : liberté d’aller et venir, de voyager, de commerce et d’industrie etc.

Elles relèvent toutes, pour cette raison, de la compétence du Parlement ( art 57-1 notamment de la constitution). Si, compte tenu des circonstances ( crise sanitaire d’une gravité extrême ) l’ exécutif veut agir en mettant en cause ces libertés, il pourrait le faire de 2 façons ( j’ exclus l’hypothèse de l’ article 39 de la constitution qui renvoie à la situation où les pouvoirs de l’Etat sont bloqués) :

1. soit, sur la base de l’ article 60 de la constitution, le Gouvernement, agit à la place du Parlement, par ordonnances, après accord du Président de la République et, surtout, autorisation, du Parlement ( loi d’habilitation). Ces mesures sont prises pour une période de temps limitée, sont inscrites dans la loi d’habilitation et doivent être ratifiées par le parlement à la date que ce dernier a préalablement fixée, au risque d’ être caduques.

2. Soit le Président de la République décrète l’ état d’urgence dans le cadre de l’article 71 de la constitution, pour une période de 1 mois qui ne pourra être prorogée que par le parlement. Les mesures qui peuvent être prises dans ce cadre et qui remettent en cause les libertés fondamentales précitées sont définies par la loi sur les pouvoirs exceptionnels suivant le schéma tracé par la loi française n. 55-585 du 3 avril 1955 ( reprise partout, peu ou prou, par les Etats anciennement colonisés par la France). Le Pouvoir exécutif ( autorités civiles ), aussi bien à l’ échelle nationale ( President de la République, Premier Ministre et Ministres) que locale ( Walis etc…) disposent quasiment des pleins pouvoirs.

Alors dans quel cadre vivons nous notre situation de "confinement anti covid19" actuel?

Il n’ y a pas eu, autant que je le sache, formellement, déclaration d’ état d’urgence ni, bien sûr, loi d’habilitation pour des ordonnances d’urgence, le Parlement étant hors session et n’ ayant pas été convoqué en session extraordinaire.

En dehors de ces cadres prévus dans la constitution, je ne vois pas sur quel fondement juridique les mesures actuelles reposent- elles.

Le mieux, me semble- t-il est que le Parlement dont la session doit s’ouvrir incessamment soit étroitement associé et vote une loi d’habilitation qui valide les mesures déjà prises, définit les pouvoirs exceptionnels et les moyens du Gouvernement tout en imposant les mesures de sauvegarde pour les populations surtout les plus vulnérables et les limites à ne pas franchir dans l’ exercice de ces compétences exorbitantes.

Au moins, un débat s’instaurerait entre les forces politiques et un consensus entre elles servirait de fondement à l’ action de l’ exécutif qui devrait donc rendre compte de la gestion de cette situation de calamité qui affecte la vie normale des citoyens et fait peser de graves dangers pour notre avenir commun.

Dans une période comme celle là, le Parlement ne saurait se taire.

Gourmo Abdoul Lo





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Commentaires (6)

  • cheikhyouba (H) 02/04/2020 12:35 X

    La clarification du Pr LO GOURMO, loin de freiner les mesures d’urgence, nous inscrit dans la légalité qui fonde la crédibilité de tout état qui se veut crédible. Merci professeur de nous rappeler que l'on ne peut pas être démocrate un jour et passer par des voies antidémocratiques hors constitution, face à des situations particulières. Justement, comme vous l'avez si bien dit, le cadre démocratique prévoit en son sein les procédures d'exception à la règle générale, la voie par laquelle ont peut "violer" la démocratie. Il faut passer par ces dernières dans les situations d'exception. Il semble, aux dernières nouvelles, que vous ayez été entendu.

  • yawonni (H) 02/04/2020 01:09 X

    Mr Lo écrit en français de moliere et il est compris en Michel kankan

  • leguignolm (H) 01/04/2020 20:55 X

    Il y a un dicton disait : « Que ces gens prennent leurs décisions à la hâte en temps normal à plus forte raison un temps semi-chaotique». Mr Prf : dans l’urgence, on n a pas besoin des calcules.

  • medabdul (H) 01/04/2020 20:06 X

    réfère toi a l'article 60 de la constitution approuve par la gouvernement et tu seras fixe.

  • Marouane (H) 01/04/2020 19:30 X

    "...fait peser de graves dangers pour notre avenir commun.",comme si la situation actuelle n'affecte pas tous les mauritaniens. A mon avis, ce n'est pas le moment opportun pour un débat juridique sur cette période d'exception dictée par la pandémie du Covid-19.Par contre, l'Etat ne doit oublier que "ventre vide n'a pas d'oreilles".

  • Mohamedene (H) 01/04/2020 19:17 X

    Franchement en ces temps de désastre planétaire nous avons plus besoin de techniciens opérationnels que de pédants professeurs en droit et en "ce qu'on devrait faire selon la loi". Maintenant la seule loi est de se protéger contre le COVID19, pour le reste on verra. Je sais que vous n'avez pas d'argent, mais contribuez plutôt à la cagnotte nationale de lutte contre le coronavirus, selon vos moyens matériels, la philosophie on verra après.