19-06-2025 23:15 - Hommage à feu M. Barro Abdoulaye, ancien ministre de la République Islamique de Mauritanie

C’est avec une immense tristesse et une profonde émotion que j’ai appris le décès de Monsieur Barro Abdoulaye, ancien ministre sous le régime du Président Moktar Ould Daddah. Il fut une figure emblématique de la Mauritanie indépendante, un homme d’État exemplaire, un patriote sincère, mais aussi un ami fidèle et un frère de cœur.
Nos chemins se sont croisés pour la première fois en 1973. À cette époque, j’avais l’honneur d’enseigner ses enfants, Moctar et Mounina, à l’école annexe de Nouakchott. Il m’accorda alors sa confiance en me choisissant lui-même pour assurer leur suivi scolaire à domicile. C’est dans ce cadre que nos échanges ont commencé, s’étendant bien au-delà de l’enseignement pour devenir des moments de réflexion, de partage et d’amitié sincère.
Je me souviens avec émotion de ces soirées où, après nos causeries, il me disait souvent avec un sourire prémonitoire :
« M. Ba, vous ferez un bon politicien. La pédagogie a fait de vous un excellent tribun. »
À l’époque, je n’y prêtais pas vraiment attention, étant encore très loin de toute idée d’engagement politique. Et pourtant, ses paroles ont planté une graine. Vingt ans plus tard, je me lançais pleinement en politique, jusqu’à la création du Parti Mauritanien du Concret (PMC – Arc-en-ciel). Ses paroles, peut-être prophétiques, ont indéniablement marqué mon chemin.
Mais au-delà des mots, il a su m’apporter un soutien concret dans les moments les plus difficiles de ma vie.
Je n’oublierai jamais l’épisode de 1989, au tout début de la crise entre la Mauritanie et le Sénégal. Huit de mes remorques chargées de pommes de terre et d’oignons, après avoir été déchargées au port de Dakar, furent bloquées à Rosso sur ordre du ministre de l’intérieur, qui exigeait leur retour immédiat au Sénégal. À ce moment critique, je me suis précipité au bureau de Barro Abdoulaye, alors ministre. Il appela immédiatement son collègue pour plaider ma cause, soulignant l’absurdité de refouler 8 camions de denrées vitales pour les consommateurs mauritaniens, alors que le pays était en pleine pénurie – un simple oignon se vendait alors à 150 ouguiyas pièce !
Il conclut fermement : « Je vais en parler au Président de la République. »
Quelques instants plus tard, les camions furent libérés et escortés jusqu’à mes magasins MINIPRIX BALAS, au marché SOCIM.
Ce geste m’a sauvé économiquement. Il a surtout démontré son sens aigu de la justice, du pragmatisme et de la solidarité nationale.
Un autre souvenir, encore plus douloureux, me hante : celui du 24 avril 1989, lorsque mon Supermarché BALAS fut attaqué par des vandales. J’appelai à l’aide deux ministres amis, lui et feu Hamdi Samba Diop. Tous deux entendaient au téléphone les détonations des projectiles qui s’abattaient sur mes murs, brisant les vitres. Ils alertèrent immédiatement les services de sécurité. Mais hélas, la réponse fut glaçante : « Nous n’avons aucun élément disponible. »
Pourtant, des policiers en tenue se trouvaient dans la foule, spectateurs silencieux de la destruction.
Me rappelant en larmes, ils m’exprimèrent leur impuissance. Ils firent ce qu’il leur restait : ils prièrent pour moi, sincèrement, en m’abandonnant à la protection divine.
Je suis convaincu aujourd’hui que ce sont leurs prières qui m’ont sauvé ce jour-là , tout comme lors d’autres tentatives d’assassinat, ou encore lors de l’accident dramatique entre Nouakchott et Akjoujt, en provenance de Ouadane, qui a coûté la vie à mon ami, frère et compagnon, feu Kane Hamidou Baba.
Barro Abdoulaye était bien plus qu’un homme politique. Il était un homme d’honneur, de foi, d’intuition, de cœur. Sa loyauté, sa bienveillance, sa constance dans l’amitié et sa force morale font de lui l’un des grands hommes que la Mauritanie a connus.
Aujourd’hui, je rends hommage à un frère, un guide, un protecteur dans l’ombre, un sage. Que tous les Mauritaniens connaissent l’homme qu’il fut, et se souviennent avec respect de ce qu’il a incarné pour notre Nation.
Qu’Allah, dans Son infinie miséricorde, accueille Barro Abdoulaye dans Son vaste Paradis. Que son souvenir continue d’inspirer les générations présentes et futures.
Ba Alassane Hamady Soma dit Balas