01-09-2025 21:04 - Immigration irrégulière : la Mauritanie face à un défi grandissant

Un pays au cœur des routes migratoires
La Mauritanie se retrouve aujourd’hui au centre d’un enjeu majeur : l’immigration clandestine. Dans un contexte sahélien marqué par l’instabilité politique, les conflits armés et les effets du changement climatique, le pays est devenu une étape incontournable pour les migrants subsahariens en route vers l’Europe.
La route atlantique vers les îles Canaries, fréquemment empruntée depuis les côtes mauritaniennes, est désormais considérée comme l’une des plus meurtrières au monde. Entre janvier et juin 2024, plus de 5 000 personnes ont perdu la vie, dont de nombreuses femmes et enfants, constituant une véritable tragédie humaine qui illustre l’urgence de la situation.
Des risques multiples pour la Mauritanie
Avec plus de 5 000 km de frontières terrestres et une vaste façade atlantique, la Mauritanie est particulièrement exposée. La fermeture progressive des routes méditerranéennes via le Maroc ou la Libye a amplifié la pression migratoire : en 2024, les départs depuis ses côtés ont quintuplé, représentant près de 80 % des arrivées clandestines en Espagne.
Ce phénomène entraîne diverses menaces :
• Humanitaires :
les traversées en pirogues surchargées provoquent des naufrages à répétition. En avril 2024, une embarcation partie de Mauritanie a même dérivé jusqu’aux côtes brésiliennes avec neuf corps à bord.
• Sécuritaires:
La migration irrégulière alimente les réseaux de la traite humaine, la contrebande et, dans certains cas, les groupes extrémistes actifs au Sahel.
• Économiques et sociaux : la présence de plus de 160 000 réfugiés maliens, notamment dans le camp de Mbera, pèse déjà lourdement sur les ressources nationales. À Nouadhibou, deuxième ville du pays, environ 30 000 migrants vivent dans une grande précarité. La gestion de ces flux détourne des fonds publics qui pourraient être investis dans des secteurs stratégiques comme l’éducation ou l’agriculture.
La riposte de l’État
Conscient de l’ampleur du défi, le gouvernement mauritanien a déployé une stratégie combinant réformes législatives, régularisation, contrôle des frontières et partenariats internationaux.
Parmi les mesures phares :
• la révision du cadre légal et le durcissement des sanctions contre les passeurs,
• la régularisation de plus de 136 000 étrangers par la délivrance gratuite de titres de séjour sécurisés,
• l’introduction d’un système de visa électronique (eVisa) pour filtrer les entrées en amont,
• la création de 31 postes-frontières équipés de dispositifs biométriques,
• le déploiement d’équipes mobiles qui ont démantelé plus de 160 réseaux de passeurs en 2025,
• et la signature d’accords bilatéraux, notamment avec le Sénégal, pour des opérations conjointes de surveillance et de lutte contre le trafic humain.
En parallèle, la Mauritanie collabore avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) afin de mieux protéger les migrants vulnérables et d’améliorer les conditions dans les centres de rétention.
Une responsabilité partagée
Ces efforts illustrent une volonté politique claire de transformer une crise en opportunité. En renforçant la sécurité, en organisant la mobilité et en consolidant ses partenariats, la Mauritanie entend protéger ses intérêts tout en contribuant à la stabilité régionale.
Mais la solution durable ne peut être que collective. La coopération avec l’Union européenne et les pays d’origine s’avère indispensable pour s’attaquer aux causes profondes : pauvreté, instabilité et impacts climatiques. En parallèle, une sensibilisation accrue de l’opinion publique est nécessaire pour rappeler que l’immigration clandestine n’est pas seulement une tragédie pour les migrants, mais aussi un danger pour la cohésion sociale du pays.