20-11-2025 11:07 - Tribalisme, ethnicisme, népotisme, présidentielle 2029 : Le Président peut-il arrêter le vent ?
Le Calame -- Au cours de sa récente visite officielle et de travail au Hodh El Chargui, le président de la République Mohamed Cheikh Ghazouani a abordé d’importants thèmes pendant ses meetings populaires avec les citoyens. À Néma, Bassikounou, M’beikt Lahwach, Timbedra, Djiguenni, il s’est appesanti sur les questions du tribalisme, de l’ethnicisme, de la corruption, de l’école républicaine, etc.
Mais ce qui a le plus retenu l’attention des Mauritaniens, c’est beaucoup plus cette sorte de sommation à l’endroit des acteurs politiques locaux de la région qui ont visiblement choisi la visite du Raïs pour étaler, au grand jour, leur rivalité, leur puissance et moyens logistique et financiers.
Ce fut une véritable compétition, pour ne pas dire démonstration de force, exhibant, chacun, des centaines de voitures pour transporter les populations vers les sites d’accueil et de meeting. On y a tout vu et entendu.
Le président de la République, comme tous les mauritaniens ayant suivi le périple et écouté les interventions des locaux, ont été surpris, voire sidérés, par les discours. Il n’y était question que de défendre les postes de certains cadres et leaders politiques ou de réclamer la promotion d’autres. À les entendre, on croirait que l’État ne leur apporte rien.
Seuls les tout puissants ministres et cadres feraient donc la pluie et le beau temps ? Chacun au sein de sa tribu, de son clan et de sa cour… Inacceptable dans un État qui se veut moderne ! C’est ce qui a, semble-t-il, irrité le président de la République qui a, en conséquence, particulièrement développé, dans ses sorties, les thèmes de la citoyenneté et de la tribu.
Face à ces comportements et à la pléthore de moyens que ses ministres et cadres ont exhibés, il a sommé les uns et les autres à plus de retenue. Il n’est plus acceptable que de telles hautes responsabilités nationales assistent à des rassemblements à caractère tribal et ethnique.
La question que l’on se pose est de savoir ce qu’il pourrait faire à l’endroit de tels comportements. La tribu est au cœur du pouvoir, les ministres et les cadres sont nommés au nom de celle-ci et, à chaque remaniement ou réajustement gouvernemental, les sortants sont remplacés par leurs cousins.
Certains départements ministériels, quelques projets et commissariats sont étiquetés à cause du tribalisme et du népotisme ambiants qui y sévissent. Hé oui, elle est têtue, la tribu ! Et ce n’est pas la première fois que le président Ghazouani dénonce cette hégémonie.
Dans son discours de Ouadane en 2021, il avait appelé à se débarrasser des scories du passé, comme la tribu, les castes, le communautarisme, etc. Depuis, le vent de sable n’en a pas moins continué de souffler sur la Mauritanie, avec tant de nominations « orientées » que certains partis, surtout d’opposition antisystème, ne cessent de dénoncer.
Les Mauritaniens prendront au mot leur Raïs lors des prochaines désignations (postes civils, défense et sécurité…). Lors de la conférence de presse de la Coalition Anti-Système du jeudi 13 Novembre, le président des Forces Patriotiques pour le Changement (FPC), monsieur Samba Thiam, s’est demandé qui instrumentalise la tribu… si ce n’est le pouvoir ; et dit attendre de voir la suite.

2029 : Conquête en cours des media ?
L’autre déclaration forte du président Ghazouani est relative aux rumeurs sur les prétendants à sa succession en 2029. Là , le Raïs a d’emblée dit que ceux s’y préparent ou préparent l’opinion perdent en quelque sorte leur temps et qu’ils n’ont pas de place à ses côtés, dans la mesure où ils détournent l’opinion de l’exécution de son programme et de ses engagements envers le peuple mauritanien.
Le fait est qu’à peine quelques mois après sa réélection en Juin 2024, des rumeurs ont commencé à circuler évoquant de prétendants à sa succession. Plusieurs de ses ministres – dont les plus proches et les supposés plus loyaux – ont été cités : Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Secrétaire général à la Présidence et même le Premier d’entre eux…
Une situation qui a interrogé les observateurs car c’est bien la première fois qu’on engage une campagne électorale au lendemain même d’une réélection pour un dernier mandat. Le président du Conseil Constitutionnel, monsieur Diallo Mamadou Bathia, s’était même publiquement inquiété de ce que certains prétendants engagent le pays dans une campagne électorale avant l’heure.
Face à cette situation, on n’a pourtant entendu nul lever le petit doigt, excepté le ministre des Affaires étrangères, monsieur Mohamed Salem ould Merzoug, laissant entendre qu’il n’était pas intéressé, tout comme le ministre directeur du protocole de la Présidence, monsieur Nany ould Chrougha.
Tous deux ont mis en garde contre des postures visant à détourner les Mauritaniens de l’essentiel, c’est-à -dire l’exécution, par le gouvernement, du programme du président de la République, « Mon ambition pour la patrie ». On avait pensé, en suivant, que les velléités s’étaient estompées, jusqu’à ce que le président de la République y revienne, lors son périple au Hodh El Chargui, laissant ainsi apparaître que la question lui tenait à cœur, alors qu’il lui reste encore plus de trois ans à tenir le gouvernail de la Patrie.
Quels rapports entretiendra-t-il avec les présumés prétendants à sa succession ? Va-t-il garder dans son entourage ceux qui dont les prétentions et les agissements des cours et proches se feront de plus en plus jour ? Questions de plus en plus chaudes… prochainement brulantes ?
Depuis que les militaires ont pris et confisqué le pouvoir dans ce pays, les civils n’ont plus de place au soleil, la parenthèse de feu Sidi ould Cheikh Abdallahi n’a été que de courte durée, les acteurs politiques de l’opposition ratant l’occasion, en 2007, de les renvoyer à leurs casernes.
Dix-huit ans plus tard, quelques hauts officiers à la retraite sont dans la soft liste des éventuels prétendants à la succession de l’actuel président de la République. Et le plus en vue et le plus cité reste le général Hanana ould Sidi, actuel ministre de la Défense.
Son investissement, à l’occasion de la visite du président Ghazouani au Hodh, est-il interprétable comme un positionnement dans la perspective de la présidentielle 2029 ? Il ne manquera certainement pas de rivaux au sein du vivier d’officiers à la retraite et peut-être même des civils souvent manipulés par les kakis. En tout cas, les media sont bel et bien pris d’assaut par ces rumeurs. Au bénéfice de quel régime, au final ?
Dalay Lam
