26-08-2023 07:45 - « J’ai démissionné en pleine année scolaire pour aller aux USA »

« J’ai démissionné en pleine année scolaire pour aller aux USA »

Iode News - En Mauritanie, un pays de moins de cinq millions d’habitants et qui a beaucoup de ressources naturelles suffisantes pour assurer une meilleure condition de vie des populations, les jeunes désertent de plus en plus la fonction publique pour devenir des manœuvre dans les pays développés.

Depuis la découverte de la nouvelle route migratoire qui passe par le Nicaragua et le Mexique, des milliers de jeunes qui étaient au service de la fonction publique, de l’administration privée et des entrepreneurs ont mis fin à leurs carrières pour aller travailler aux Etats-Unis. Rares seront ceux qui vont poursuivre leurs professions dans ce pays de destination.

Car leurs compétences ne seront pas sitôt reconnues à cause de leur statut d’émigrants irréguliers. Mais pour gagner plus, ils préfèrent travailler dans la restauration, le gardiennage sans protection de leurs droits que d’avoir des contrats de travail à durée indéterminée dans les administrations publiques et privées de leur pays d’origine.

Ball Oumar est titulaire d’une licence en Physique fondamentale à l’Université de Nouakchott et d’un Master en génie climatique et maîtrise de l’énergie à la Faculté des Sciences de Bizerte de Tunisie, diplôme obtenu en 2019.

Après son retour en Mauritanie, Monsieur Ball a eu tous les problèmes pour obtenir son premier emploi. Trouver un stage fut, pour lui, un réel souci dans un pays où l’accès aux emplois est soumis à des pratiques discriminatoires.

Pour ne pas rester bras croisés, il a finalement décidé de prendre part au concours de recrutement des prestataires de services organisé par le ministère de l’éducation nationale en 2020. Il réussit et signe son premier contrat à durée déterminée en tant que professeur de Mathématiques et de physique chimie. En 2022, il réussi au concours d’intégration dans la fonction publique mauritanienne et constate une nette amélioration de son salaire avec le paiement de certaines indemnités.

A ces avantages, il fait un autre travail supplémentaire dans des bureaux d’étude pour accroitre ses revenus et par ricochet renforcer ses épargnes destinées aux investissements de ses projets puisque son salaire est insuffisant. « Il faut des années pour pouvoir faire quelques choses avec le salaire de l’enseignement qui ne peut couvrir que certaines dépenses », a-t-il regretté.

En Mauritanie, plusieurs professionnels sont obligés de courir derrière des politiciens durant des années pour bénéficier de certains contrats de travail, des fois fictifs. Ce que Oumar n’a pas pu faire pour garder sa dignité. C’est pourquoi, il a préfère une activité qui ne peut lui assurer son autonomie financière.

« Pour lutter contre le chômage, j’ai choisi malgré tout de chercher une petite activité pour couvrir mes besoins personnels et mettre fin à près de trois décennies de dépendance chez mes parents, qui étaient déjà épuisés, et essayer de relever le défi, a-t-il expliqué. Je n’ai jamais aimé prendre la craie pour enseigner mais je n’avais pas de choix. ».

Monsieur Ball avait des objectifs précis : fonder une famille, construire une maison et assister ses parents. Mais ces derniers ne peuvent être réalisés avec le salaire d’un professeur en Mauritanie. C’est pourquoi à côté de son activité, il faisait également d’autres prestations et chercher des pré-inscriptions pour aller en France ou au Canada afin de trouver d’autres opportunités.

Lorsqu’il a eu des nouvelles de cette nouvelle opportunité de voyager aux USA sans passer par des procédures administratives pour l’obtention de visa qui sans doute demeure presque impossible pour des jeunes mauritaniens, Ball n’a pas hésité à y investir toutes ses économies pour quitter son pays. Au début, il voulait attendre les grandes vacances pour y aller.

Malheureusement avec la pression familiale, il a finalement interrompu son activité et payé son billet d’avion pour le Nicaragua. « Quand j’ai eu des informations sur cette nouvelle route migratoire qui permet à des milliers de jeunes d’entrer aux USA, une destination dont je n’ai jamais rêvé, j’ai commencé à y réfléchir et j’ai pris la décision d’attendre les grandes vacances pour voyager. Mais ma tante n’a pas accepté cette option. Elle a même dit qu’elle était prête à vendre ses parures et bijoux pour me payer le billet d’avion.

C’est ainsi que j’ai décidé de partir en prenant une décision qui est vraiment difficile, c’est-à-dire d’aller chercher de meilleures conditions de vie et des financements pour mes projets. J’ai ainsi démissionné en pleine année scolaire pour aller aux USA ».

« J’ai bénéficié du soutien de mon père à hauteur de … »

Ouvrier depuis plus de dix ans dans le secteur du Bâtiment et travaux publics, Alassane Amadou Dia (photo) a décidé de quitter son pays natal pour une aventure aux États-Unis. Un projet qui a bénéficié de l’appui de son père et de son oncle.

Alassane Dia a découvert cette nouvelle, il y a de cela plusieurs mois par l’intermédiaire d’un ami qui l’avait demandé de faire le voyage ensemble s’il était convaincu sinon d’attendre son arrivée pour le rejoindre. « Mon ami, qui me demandait de faire le voyage ensemble, est parti et il a réussi à entrer aux États-Unis. Il m’a contacté pour me donner toutes les informations sur le trajet. Rassuré, j’ai informé mes parents de cette nouvelle opportunité qui ont accepté de m’accompagner. »

Alassane Dia avait déjà réussi à épargner 160 000 MRU (plus de 2,5 millions de FCFA). Mais cette somme était insuffisante pour réussir ce projet. Il a fallu le soutien de son père et de son oncle pour acheter le billet d’avion Nouakchott-Managua.

« Toute ma reconnaissance à mon père qui n’a ménagé aucun effort pour atteindre mon objectif. Il a mis à ma disposition 130 000 MRU (Plus de deux millions de FCFA) et mon oncle qui a également mis sa main dans sa poche pour soutenir l’idée », a-t-il soutenu.

La nouvelle route migratoire ne présente pas trop de risques à l’instar de la voie maritime, celle de la mer méditerranéenne qui est devenue aujourd’hui la route la plus meurtrière empruntée par les africains au sud du Sahara.

« C’est une route qui n’est pas trop risquée mais présente un peu de dangers au niveau d’une mer mexicaine où les trafiquants utilisent des pirogues qui ne répondent pas aux normes et qui naviguent avec deux moteurs de 60 cv qui renforcent la vitesse des pirogues. Au cours de la route, nous avons rencontré des hommes armés en tenue qui volaient de l’argent aux passagers », a-t-il raconté.

Alassane Dia, à travers ce voyage, veut découvrir les autres civilisations, faire d’autres formations et développer des relations avec des personnes de nationalités diverses. « Ce n’est pas parce qu’on n’a pas du travail dans notre pays mais c’est parce que les conditions de travail sont différentes entre les États-Unis et la Mauritanie. Les revenus ne permettent pas aux jeunes de vivre et les droits des travailleurs sont bafoués, a-t-il précisé. On a que ce qu’on mange et pas ce qui nous permet d’investir ».

Ces mauritaniens, qui ont défié la peur et les lois restrictives sur l’émigration, ont vécu dans leur pays de douloureux souvenirs. La discrimination dans l’accès aux emplois, des salaires dérisoires, des conditions de travail difficiles, l’injustice et l’inflation sont des facteurs qui les ont poussés à aller loin pour renforcer leurs résiliences économiques afin d’engager dans les années à venir un combat contre cette situation qui prévaut dans leur pays.

En deux semaines, ces migrants considérés comme irréguliers ont réussi à traverser les capitales de la Turquie (Istanbul), de la Colombie (Bogota), du Salvador (San Salvador), du Nicaragua (Managua) et du Mexique.

Quelques mois après leur arrivée, ces africains ont déjà réussi à trouver du travail et à entrer en contact avec les services de l’émigration en vue de l’obtention des titres de séjour en bonne et due forme. C’est cette activité à la hauteur de leurs attentes qui va les permettre de prendre en charge leurs besoins, assister leurs parents restés au village et de mobiliser des épargnes pour le financement de leurs projets d’intégration ou de retour au pays.

Ces jeunes sont partis et ils ont promis de revenir avec de nouvelles idées, de l’argent, des relations et des connaissances. Ces ressources seront investies dans leur pays et permettront de lutter contre le chômage et la pauvreté.

Par Oumar BA (weerbijournal@gmail.com)



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Source : Iode News
Commentaires : 2
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Commentaires (2)

  • ouldsidialy (H) 27/08/2023 06:42 X

    Un article bien fait! qui peut ouvrir à réflexion .... Mais heureusement que @ bertrand nous ramène aux considérations "sans dangers" qui concentrent et retournent les frustrations et violences des africains contre eux-mêmes. Mais cela aussi n'a qu'un temps.... AU SECOURS LYAUTEY; ils ont transformés les ambitions accomplies en prétentions sans supports.Ils croient que l'on peut servir sa patrie la tête occupée à sa retraite !!!!! Au secours LYAUTEY !!!

  • Bertrand (H) 26/08/2023 14:58 X

    Quand on vous dit que votre pays regorge de richesse qu'il va pomper sous peu de centaines de millions de M3 de gaz et que vous immigrez clandestinent par milliers de jeunes gens, vers d'autres pays au risque de votre vie, cela signifie que même l'espoir est mort, que la corruption, la gabegie, le faux, l'immoralité, la cupidité et l'inconséquence des dirigeants et des élites du pays ont atteint des proportions jamais égales. Le pays est en état de mort clinique et nos dirigeants si viles et pourtant militaire se nourrissent sur son corps putréfié comme la vermine.