Afrique Midi - Le candidat de la république islamique de Mauritanie, Sidi Ould Tah a pris une sérieuse option pour la succession de Akinwumi Adesina à la présidence du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad). Le candidat de la Mauritanie bénéficie de l’offensive diplomatique de son pays. Tout le contraire du candidat Amadou Hott qui n’a pas eu un soutien vigoureux du Sénégal.

Le gouvernement mauritanien a déployé une véritable offensive diplomatique pour l’élection de son candidat Sidi Ould Tah à la présidence du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad) prévue le 29 mai prochain. La Mauritanie a déposé sa candidature le 30 janvier.

Le même jour au soir, le dossier a été soumis à Abidjan par le ministre de l’Economie et des Finances, Sidi Ahmed Ould Abah. Une «diplomatie active», directement supervisée par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le chef de l’Etat de la Mauritanie pour maximiser les chances de succès de Sidi Ould Tah.

Ainsi, cette diplomatie «active» a permis au candidat de décrocher les soutiens des pays «frères» du Sénégal comme le Mali et surtout la Côte d’ivoire, le poids lourd de l’Uemoa qui a toujours eu une convergence de vue avec le Sénégal sur les questions sous-régionales et régionales. Après la Côte d’ivoire, le gouvernement mauritanien a noué une «entente stratégique» autour de la candidature de Tah ould Sidi avec le Bénin dont le candidat s’est désisté. Le président, Assimi Goïta, a reçu ce lundi dernier une délégation mauritanienne conduite par la ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement venue solliciter le soutien du Mali. Soutien mou du Sénégal à son candidat.

Auparavant, le vendredi 9 mai, le Président béninois Patrice Talon a reçu une délégation mauritanienne conduite par le ministre de l’Economie Sid’Ahmed Ould Bouh, porteur d’un message officiel du Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Au total, Sidi Ould Tah a décroché les soutiens de la Côte d’Ivoire, du Bénin, de la République du Congo, de Djibouti et du Mali.

A contrario, le soutien du Sénégal semble mou comparé à la grande offensive de la Mauritanie. Certes, Amadou Hott a été reçu successivement par Bassirou Diomaye et Ousmane Sonko. Le ministère des Affaires étrangères a organisé une cérémonie de soutien à sa candidature. Rien de plus, du moins officiellement.

En tout cas, on n’a ni vu le président de la République ni le Premier ministre et lors de leurs multiples voyages à l’étranger faire campagne pour Hott. On n’a pas non plus vu le ministre des Affaires étrangères envoyer à l’étranger des délégations pour plaider la cause de Hott. Enseignant-chercheur en science politique et relations internationales à l’Ucad, Jean Charles Biagui affirme que le soutien de la Côte d’Ivoire à Sidi Ould Tah, n’a pas la même portée que celui du Mali.

Selon lui, le soutien ivoirien est beaucoup plus significatif dans la mesure où la Côte d’Ivoire fait partie des onze porteurs de voix. «Cela dit, même s’il est important, il n’est pas forcément décisif», dit-il. Nigeria, Egypte et Algérie, les trois plus grands actionnaires africains de la Bad Il y a 81 pays membres de la Bad dont 54 africains.

La voix de chaque pays est proportionnelle à sa contribution financière. Celui qui l’emportera aura forcément le soutien de la plupart des onze pays porteurs de voix, selon Jean-Charles Biagui. Il rappelle aussi que, historiquement, aucun candidat n’a été élu sans le soutien des porteurs de voix parmi lesquels des pays africains comme le Nigeria, le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Algérie,la Côte d’Ivoire. D’après lui, officiellement, aucun de ces Etats ne soutient la candidature de Amadou Hott.

«C’est là que se situe surtout le problème», se désole l’enseignant à l’Ucad ajoutant qu’au lieu de se concentrer sur la Côte d’Ivoire, le Sénégal aurait dû se focaliser sur les trois plus grands actionnaires africains de la Bad: le Nigeria, l’Egypte et l’Algérie.

«Il était opportun aussi de démarcher les pays de l’Afrique australe afin de proposer Hott comme un compromis d’autant plus que le Zambien Munzele et la Sud Africaine Tshabalala sont des candidats de la même zone géographique. Mais à vrai dire, la candidature de Hott est inopportune pour les raison précédemment évoquées mais aussi du fait de la candidature de Ould Tah et du faible poids du Sénégal dans l’institution», souligne cet enseignant-chercheur en science politique et relations internationales à l’Ucad.

Par ailleurs, Jean Charles Biagui affirme que les raisons qui justifient la défaite de Abdoulaye Bathily à l’Union africaine et celle de Augustin Senghor à la Caf sont les mêmes qui risquent de faire perdre Hott à moins d’une très grande surprise. Malheureusement, dit-il, le Sénégal a une vision administrative et non stratégique de la politique étrangère. Malgré les discours, explique l’enseignant, celle-ci n’est pas tournée résolument vers les pays africains en particulier vers l’Afrique de l’est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe.

Le Sénégal est aujourd’hui moins proche de la Côte d’Ivoire et du Mali que la Mauritanie. Les cinq candidats en lice sont: Bajabulile Tshabalala de l’Afrique du Sud, Samuel Maimbo de la Zambie, notre compatriote Amadou Hott, Mahamat Abbas Tolli du Tchad et Sidi Ould Tah de la Mauritanie.

Walfadji (Charles Gaïky DIENE&Salif KA)