12-09-2025 19:30 - Mauritanie : capitalisme excessif, justice absente

Bien que le produit intérieur brut (PIB) de la Mauritanie avoisine 11 milliards de dollars par an, un chiffre modeste à l’échelle mondiale, les recettes qui entrent réellement dans le trésor public ne dépassent pas 2 milliards de dollars.
Et cette somme limitée est absorbée principalement par les salaires et les dépenses courantes laissant très peu pour investir dans les infrastructures, l’éducation ou l’agriculture. L’État se retrouve ainsi piégé dans un cercle d’inefficacité et de dépenses non productives faute de compétence et de vision de croissance durable.
Les compagnies aurifères n’accordent à l’État que 4 à 6 % des revenus, conservant plus de 90 % des bénéfices. Dans le projet gazier géant avec le Sénégal; la part de la Mauritanie ne dépasse pas 7 à 10 % tandis que les grandes entreprises internationales en tirent la plus grande part.
Même le fer, pourtant géré par une société nationale (SNIM) continue d’être exporté à l’état brut privant le pays de revenus supplémentaires considérables qui auraient pu être générés par des usines de transformation locale.
À l’intérieur du pays, de nombreux hommes d’affaires échappent à l’impôt grâce à la corruption et aux réseaux tandis que les citoyens ordinaires subissent la hausse des prix et la faiblesse des services.
Le système fiscal reste fragile, incapable d’intégrer le secteur informel et dépourvu de mécanismes modernes comme une carte de sécurité sociale qui garantirait une collecte plus juste des impôts et une redistribution directe des aides. Résultat, l’État perçoit peu, dépense mal et la pauvreté s’aggrave.
Pourtant, une autre voie était possible. Si la Mauritanie avait négocié des contrats plus équitables dans l’or et le gaz assurant 50 % des revenus comme c’est le cas en Algérie ou au Nigeria, plus d’un milliard de dollars supplémentaires aurait pu être ajouté au budget de l’État. Si le fer avait été transformé localement, les recettes auraient augmenté de plusieurs centaines de millions de dollars. Et si le système fiscal avait été réformé pour réduire la fraude et élargir l’assiette, 300 à 400 millions de dollars de plus auraient pu être collectés.
Ces réformes auraient permis de faire passer les recettes de l’État de 2 milliards à 4–5 milliards de dollars par an en peu de temps. Et avec des investissements bien ciblés dans l’éducation, la santé et l’agriculture, l’économie nationale aurait pu doubler en une décennie pour atteindre 50 à 60 milliards de dollars.
En réalité, la Mauritanie n’est pas pauvre en ressources, elle est appauvrie par le capitalisme excessif, la corruption et la mauvaise gestion. La justice sociale n’est pas un slogan, c’est la seule garantie de survie de l’État. Tant que la richesse nationale servira les entreprises et une minorité privilégiée plutôt que la population, les ressources du pays resteront une malédiction au lieu d’une bénédiction.
Nebil Soumare
Militant civique et démocrate socialiste
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