12-10-2025 17:23 - Edito: Rapport de la Cour des comptes; le président va-t-il sévir?

La Dépêche -
Le mot n’est pas trop fort : accablant. Le dernier rapport 2022-2023 de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques est un véritable réquisitoire. Aucun secteur n’échappe à la gabegie, même si certains se distinguent par l’ampleur de la prévarication, pratiquée souvent à visage découvert. Les exemples sont nombreux, et nous y reviendrons en détail, un à un.
Mercredi, le président de la République a officiellement reçu le rapport des mains du président de la Cour, M. Hamid Ould Ahmed Taleb. Ce document marque une avancée notable : pour la première fois, la Cour publie son rapport dans les délais. Il reflète aussi, sur le papier du moins, une volonté affichée de transparence, de bonne gouvernance et de reddition des comptes.
Le rapport dresse un constat sévère : une gestion personnalisée des ressources publiques, des irrégularités massives, et des dysfonctionnements systémiques. Il compile les observations issues des missions de contrôle, les réponses des ministres concernés, ainsi qu’une évaluation des politiques publiques menées.
Il faut saluer ici un geste politique fort : le rapport a été publié sans censure, alors même que l’exécutif aurait pu en masquer les révélations les plus explosives. Le président, qui en a eu la primeur, a choisi la transparence. Une transparence à double tranchant, car ce document expose également les faiblesses de l’appareil d’État — y compris celles de la Cour elle-même.
Mais cette volonté d’ouverture suffira-t-elle ? C’est toute la question. Car au-delà du constat, l’opinion attend désormais des actes.
Le timing, lui, n’a rien d’anodin. Le président s’envolait le lendemain pour participer à la deuxième édition du Sommet du Forum Global Gateway. Il y plaidait pour un développement équitable, pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Mais comment défendre ces nobles causes à l’international quand, chez soi, les deniers publics sont dilapidés ? Comment convaincre les partenaires étrangers de la sincérité des réformes quand l’administration nationale ruine, par sa corruption, les efforts engagés ?
Ce rapport révèle une chose essentielle : les pratiques de malversation, loin d’être résiduelles, sont structurelles. Les fonds d’investissement et de fonctionnement sont dépecés méthodiquement, parfois avec une telle opacité que des financements entiers — y compris extérieurs — disparaissent sans la moindre trace.
Le chef de l’État, qui avait misé sur certains hauts fonctionnaires réputés pour leur probité, découvre peut-être aujourd’hui l’ampleur du désastre. La moralisation de la vie publique – se heurte à la réalité brute d’un système rongé par les intérêts privés. Tant que l’impunité prévaut.
Désormais, une seule question brûle toutes les lèvres : le président va-t-il sévir contre les gabégistes? Certains des responsables épinglés sont encore en poste, au cœur même de la machine gouvernementale.
L’heure de vérité approche. L’opinion publique, elle, n’attendra pas “ad aeternam”. Alors Wait and see.
Jedna DEIDA