13-10-2025 00:00 - Chroniques d'un officier subalterne ( 10 éme épisode) / Par Ely Krombele

Avant-propos :
S'il n' y a de science que du général, il n'existe par contre que du particulier. La semaine dernière j'ai eu à déduire sur la condition de certains patronymes bambara, implantés depuis des décennies au Guidimagha, comme étant tous esclaves des Soninké.
Ce raisonnement déductif peut induire en erreur. En partant cette fois-ci du particulier au général, nous aurons à constater que certaines familles, bien que venant du Mali, de Guinée ou d'ailleurs, sont restées autonomes et n'entrent pas dans la complexité anachronique de la stratification du monde Soninké, même si elles en ont épousé la culture et adopté l'usage de la langue.
J'espère que j'ai répondu à ceux des Soninké avec des patronymes authentiquement Bambara (Sidibé, Sangaré) qui vivent dans le Guidimagha depuis plusieurs décennies de façon autonome. Cependant il est à signaler que les généalogistes, autrement les griots du Mandé (Empire du Mali) attestent que les patronymes Diallo, Diakité, Sidibé, Sangaré, sont "les fils d'une seule et même femme Peulh", donc issus d'un métissage biologique entre manding du père et peulh de la mère.
D/ La guerre n'aura pas lieu, c'était mieux ainsi
Après le départ du Cemgaa Mohamed ould Lekhal, les unités combattantes ont commencé à se déployer tout au long du fleuve. Je ne me rappelle pas de la date exacte du discours de l'ancien président sénégalais Abdou Diouf. Ce jour, dans le mois de juin, j'ai tracté mes 6 canons, jusqu'à la position de tir. Les canons étaient déjà pointés sur la ville de Richard -Toll, bien avant la tombée de la nuit, aussi les cibles répertoriées.
Le bataillon 61 avait pris également position, prêt à ouvrir le feu. On n'attendait que le feu vert du commandant de la 6ème région militaire, le colonel Sidi Mohamed Ould Sabar. Au crépuscule, la pluie commença à tomber. L'heure fatidique est proche. A 20 h Abdou Diouf prononcera un discours radio-télévisé. Mais le discours ne viendra pas au moment où on l'attendait. Diouf a temporisé.
Sans doute à cause de ses services de renseignement, qui l'ont probablement informé du déploiement des unités combattantes mauritaniennes le long de toute la frontière. Diouf a été contraint de prendre en considération l'évolution de la situation, déjà explosive et qui pourrait dégénérer en conflit ouvert entre les deux Armées sénégalaise et mauritanienne.
Les Flam (forces africaines de libération de la Mauritanie), longtemps en action contre leur propre pays, la Mauritanie et profitant désormais d'une oreille attentive du président Abdou Diouf, poussent à l'escalade. A 22 h, Abdou Diouf n'avait pas fait encore son discours. Pour alléger le niveau d'alerte, j'ai placé les postes de garde et ordonné aux maréchaux de logis et aux canonniers de se reposer dans les véhicules tracteurs (VLRA) mais en dictant aux chefs de pièces de se tenir prêts à traiter leurs objectifs respectifs à tout moment, sans oublier de se prémunir des tirs de contre-batterie ennemis, s'ils ont lieu.
Finalement, avec plus de peur que de mal, le président sénégalais a entamé son discours tardivement, ce dernier s'est avéré, très modéré, voire même conciliant. Le lendemain, la batterie s'est retirée, pour prendre position pas loin du village de Bagdad. Enfin la sagesse l'a emporté sur le bellicisme.
Désormais le traitement du différend sénégalo-mauritanien est entre les mains des politiciens des deux pays. De juin 1989 à octobre 1990, il ne s'était pas passé grand-chose; à part quelques escarmouches sporadiques ça et là le long de la frontière entre les Flam et les militaires mauritaniens.
Je me souviens le mois de février 1990, avoir suivi la sortie de prison du charismatique et vrai militant des droits de l'homme Nelson Mandela, à la radio, sous un arbre face à Richard -Toll. Avant la saison des pluies, quand les relations se sont apaisées, les unités militaires se replièrent au PC tactique de Nkek, au nord de Rosso.
Le 1er Bataillon de commandos parachutistes (BCP) était entre Rosso et Keur Mecène avec comme chef, feu le colonel Sidi Mohamed Ould Alem. Entre-temps la 6ème région avait comme adjoint feu le colonel Tourad Ould Beibacar. Tourad yarahmou était un officier très intelligent, plus rusé qu'un fennec. Lui et le colonel Sabar yarahmou se complétaient. Si le premier est intellectuel, le second quant à lui est un ancien commando, un baroudeur, brave et courageux face aux situations difficiles.
Le colonel Tourad était tellement malin qu'il a su subtiliser à son profit tous les informateurs du réseau du colonel Ould Alem. A chaque fois que Ould Alem envoyait un BR (bulletin de renseignement) à l'Etat-Major, feu le colonel Ould Minnih, alors CEMGA lui dit: "message déjà reçu de la 6ème région"). Pour entraver Ould Sabar, il fallait le soustraire de son officier à tout faire, à savoir le colonel Tourad. Et puisque Ould Alem a les bras tellement longs qu'ils atteignent le tout puissant Directeur de la sûreté, feu le colonel Ely Ould Mohamed Vall, en passant par son parent Ould Minnih, le CEMGA, mais surtout Ould Alem a également des liens consanguins avec le président Maawiya Ould Taya.
Un cépage issu d'un lignage prompt à catapulter très loin dans le désert le colonel Tourad Ould Cheikh comme adjoint chargé des opérations à Fdérik, et à assigner au commandant de région Ould Sabar de ne plus s'éloigner de son PC tactique.
Vers la fin de l'année 1990, la 6ème région militaire aura pour adjoint feu le colonel Alioune Ould Mohamed Ould Hweichy; Ould Sabar étant en consultation sanitaire en Algérie. Venu de la 5ème région militaire de Néma où il en était le chef, le colonel Alioune est muté à la 6ème région comme officier en second, sans doute une mutation par mesure disciplinaire. Pour le moment le colonel Sabar est absent et lui Alioune est le maître absolu.
A/ Les problèmes ne font que commencer:
ELY SIDAHMED KROMBELE, FRANCE
( A suivre Inch'Allah 11 ème épisode).