13-10-2025 00:13 - La comédie du pouvoir face aux vérités de la Cour des comptes / Par Mohamed Fall Sidatt

Alors que la Cour des comptes publie un rapport d'une sévérité rare sur la gestion des finances publiques, le gouvernement répond par une mise en scène politique indigne des attentes des citoyens. Entre silences complices et apparitions médiatiques, le pouvoir semble préférer l'esquive à la responsabilité.
Le rapport, qui met en lumière des détournements et des irrégularités à grande échelle, aurait dû marquer un tournant. Il aurait pu incarner le point de départ d'un sursaut moral et institutionnel. Il n'a pourtant suscité qu'un silence embarrassé, vite couvert par le ballet habituel des visites officielles et des annonces creuses.
Le Premier ministre Moctar Ould N'Diay s'affiche ainsi sur le terrain, non pour contrôler ou réformer comme il le prétend, mais pour être vu.
Ses « inspections » du programme d'urgence s'apparentent davantage à des opérations de séduction médiatique qu'à de véritables missions de suivi. Tout est réglé comme au théâtre : cadrages, discours, gestes maîtrisés - jusqu'à ce dernier bouton de chemise, fermé comme pour contenir les failles d'un système à la dérive.
Pendant ce temps, les Mauritaniens attendent des comptes, non des postures. La population exige des actions concrètes pour traduire en justice les responsables des malversations qui appauvrissent la nation. Les questions fusent : comment en est-on arrivé à une telle déliquescence ? Quelles mesures seront prises pour sanctionner les véritables auteurs de ces détournements ? La colère sourde gagne : le peuple n'accepte plus que la communication tienne lieu d'action, ni que le spectacle remplace la gouvernance.
D'un côté, un rapport officiel qui décrit, sans fard, une administration rongée par la gabegie, la corruption et l'amateurisme. De l'autre, un pouvoir qui campe dans le déni, préférant camoufler la crise plutôt que de la résoudre. Même conçu sous supervision étatique, ce document reste un aveu précieux : celui d'un État fragilisé de l'intérieur.
Depuis sa transmission au président de la République, beaucoup espéraient des décisions courageuses : enquêtes indépendantes, sanctions significatives, départs assumés. Rien n'est venu. Seul un silence pesant s'est installé, à peine troublé par des apparitions soigneusement chorégraphiées et des déclarations sans lendemain.
Jusqu'Ã quand le peuple mauritanien assistera-t-il, impuissant, Ã sa propre spoliation ? Jusqu'Ã quand l'illusion tiendra-t-elle lieu de politique ?
La mauvaise foi des dirigeants est désormais manifeste. Espérer un sursaut moral de leur part relève de l'illusion. Dans tout État de droit, ceux qui échouent partent. Ici, ils s'accrochent. C'est donc d'en bas que viendra le changement - de la société civile, de la jeunesse, de tous ceux qui refusent la résignation, y compris des hommes de nos forces armées soucieux de l'intérêt national.
Il est temps que les Mauritaniens s'inspirent des mouvements citoyens qui, ailleurs sur le continent, ont su dire non à l'injustice. Car la dignité d'un peuple ne se négocie pas.
Les partenaires techniques et financiers portent, eux aussi, une part de responsabilité. En maintenant leur soutien à un régime qui dilapide les ressources nationales, ils deviennent complices d'un système prédateur. Aucune aide au développement ne saurait être moralement défendable si elle alimente la corruption et méprise les droits des citoyens. Tout appui futur doit être conditionné à des preuves de transparence, de redevabilité et de résultats tangibles.
La Mauritanie ne manque ni de richesses ni de compétences. Elle est en revanche privée d'une direction digne de confiance et de vision. Le temps de l'impunité, de la manipulation et du gaspillage est révolu.
L'histoire jugera ceux qui, aujourd'hui, ferment les yeux. Mais elle honorera aussi celles et ceux qui, demain, auront eu le courage de dire non.
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