16-10-2025 23:15 - « Mauvaise gestion… le terme du gouvernement pour blanchir la corruption en Mauritanie »

Future Afrique -- Dans un pays où 600 milliards d’ouguiyas de fonds publics sont détournés, puis présentés à l’opinion sous le doux euphémisme de « mauvaise gestion », une question s’impose :
La corruption en Mauritanie n’est-elle plus qu’une simple erreur comptable, ou vivons-nous une ère de normalisation officielle du pillage organisé?
L’ironie ne réside pas seulement dans les montants colossaux détournés, mais surtout dans la manière dont les autorités traitent le crime.
Au lieu de traduire les suspects en justice, on les invite dans leurs bureaux pour leur demander de proposer eux-mêmes les sanctions qui leur « conviennent » !
Comme si le ministre corrompu était à la fois juge, bourreau et victime.
Le président de la Cour des comptes – censé être le gardien du trésor public – est apparu pour minimiser la gravité du scandale, parlant simplement « d’irrégularités de gestion ».
Ses propos ne sont pas une déclaration administrative anodine, mais un message politique clair :
personne ne sera inquiété tant que la corruption se gère, du sommet à la base, dans une ambiance de famille bienveillante.
Quant au Premier ministre, il s’est limité à minimiser le dossier, comme si l’affaire ne concernait pas la justice, mais plutôt un échange de politesses entre partenaires du même système.
Dans tout cela, une question, amère et sarcastique, s’impose :
Pourquoi cette banalisation, au point qu’ils semblent croire que le peuple a perdu la mémoire ?
Et quelle sorte de cuir politique les rend incapables de rougir face à un tel scandale ?
Le concept de « mauvaise gestion » est ainsi devenu dans le discours officiel un outil de blanchiment de la corruption, tout comme les commissions d’enquête sont devenues des certificats d’innocence pour les prédateurs de l’État.
Même le président, en commentant le rapport 2023 de la Cour des comptes, a repris ce terme adouci, par égard – semble-t-il – pour les sensibilités de ceux qui pillent sans vergogne.
C’est une nouvelle étape du mensonge politique et moral, où le détournement devient « erreur administrative », le vol « mauvaise estimation », et le silence « sagesse nationale ».
Et à la fin, personne n’est puni, puisque tout le monde, d’une manière ou d’une autre, est impliqué.
Le peuple, censé être le premier à s’indigner, a été épuisé au point que certains confondent le silence avec la résignation, et la corruption avec le destin.
Mais la vérité, c’est que le silence est aujourd’hui une complicité, et que la « mauvaise gestion » n’est qu’un nom de code pour la corruption systémique qui dévore le pays de l’intérieur.
● Réactions populaires et médiatiques : colère contenue, silence officiel
Dès la publication du dernier rapport de la Cour des comptes, les réseaux sociaux mauritaniens se sont enflammés de colère et d’ironie.
Les internautes se sont moqués du terme magique « mauvaise gestion », le qualifiant de formule la plus douce pour désigner un vol qualifié.
Ils ont relayé les noms de ministres et de responsables cités dans les rapports, s’interrogeant sur l’absence totale d’enquêtes judiciaires ou de démissions politiques, comme cela se fait dans les pays qui respectent leurs citoyens.
Les médias officiels, eux, ont gardé un silence absolu, comme si rien ne s’était passé, tandis que certains sites privés se sont limités à des titres discrets, par crainte de censure ou de représailles.
En revanche, quelques journalistes indépendants et blogueurs ont appelé à l’ouverture d’une enquête pénale transparente et à la convocation des responsables devant le Parlement.
Mais ces voix se sont rapidement tues, étouffées par les pressions et les menaces voilées.
Ainsi, en Mauritanie, la corruption reste un crime sans coupables, une faute sans punition, tant que le système en place a réussi à transformer le langage de la reddition de comptes en un vocabulaire de complaisance.
Mohamed Abdarahmane Ould Abdallah
Journaliste – Nouakchott