Il paraît que nous sommes, avec le Liban, champions de la liberté d'expression dans le monde arabe. C'est dit par le Réseau Arabe des informations sur les Droits de l'Homme, rapport pour l'année 2012. Nouakchott / Beyrouth, même combat...

Ok, ce classement ne concerne que les pays arabes. Mais en ces temps de crise et de vaches maigres, de guéguerre entre majorité et opposition, nous sommes preneurs, nous les Nous Z'Autres, de tout ce qui pourrait nous remonter le moral.

Je peux donc désormais lever mon menton très très haut dès lors que je passe un contrôle de police dans un aéroport quelconque : « Hey, M'sieur, je suis citoyenne d'un pays champion de la liberté d'expression, Moi! ».

Ok, je ne suis pas sûre de recevoir une compréhension bienveillante au Maroc, à l'aéroport de Casablanca où je change de coucou et direction Nouakchott Plage.Le policier marocain étant tout sauf hautement sympathique et affable, je pense que je m'abstiendrais de dire quoi que ce soit..... Idem pour les autres pays arabes où je serais tentée d'aller promener mes rondeurs.... Et là, ça ne devient plus rigolo du tout de se vanter!

Si je ne peux pas, par exemple, me mettre sur l'avenue Bourguiba à Tunis et me mettre à brailler « je suis mauritanienne, nous sommes champions de la liberté d'expression! Et vous? » Ça ne vaut pas le coup de tomber dans la vantardise. Je ne pense pas que certains barbus tunisiens apprécient..... Eux, il ne faut pas leur parler de la liberté d'expression. La seule liberté qu'ils connaissent s'appelle « intolérance, radicalité, fascisme vert ».

Pareil pour Alger la Blanche et son président qui, comme toute espèce animale, est en voie de disparition. Je ne pense pas que mon accès de « je nous aime nous les Nous Z'Autres! » soit apprécié à sa juste valeur. Je ne vous parle pas de la Syrie....Là je vais zapper.

L'Egypte? Z'êtes fous ou quoi? Et puis quoi encore? On a beau être une digne et extraordinaire descendante de grands guerriers, cela ne veut pas dire que le courage légendaire de mes illustres ancêtres se doit d'être encore en moi. Regardez où ça les a menés, mes ancêtres, de « casser la gueule » à tout le monde, de faire trembler tout ce qui était vivant, mouches compris, de se prendre pour les rois du monde! Font moins les fiers maintenant.....Moi je réclame mon droit imprescriptible et garanti par ma Constitution personnelle, à savoir : « sois trouillarde ma fille, tu sauveras ta peau ».

Laissons Morsi et les Frères Musulmans en paix et loin de ma jolie personne. La Libye? Houla! Faut pas pousser mémé dans les orties, les Z'Enfants! Z'avez vu ce qui se passe là bas depuis que le Roi de France a zigouillé le Roi des Rois africain? Vous pensez qu'il est absolument indispensable que j'aille à Benghazi, par exemple, afin de youyouter ma fierté riemienne? Là aussi il y a tant de barbus que je me dis qu'ils n'ont absolument pas besoin de moi pour leur rappeler que leur liberté d'expression ressemble au zéro et à l'infini.... Laissons aussi l'Irak. Très peu pour moi.... Je ne vous parle pas des pays du Golfe....

En Arabie Saoudite vu que, en plus de toutes les tares, je suis aussi une femme, je pense être chassée manu militari du royaume wahhabite, champion des droits de l'Homme ( dans son acceptation littérale) c'est à dire, des mâles.... Le Qatar? Ok, ils ont Al Jazeera....Mais Al Jazeera n'étant plus ce qu'elle était, je ne suis pas sûre que liberté d'expression ils connaissent. Le Yémen? A part, enfin, goûter au qat, qu'y faire d'autre?

Bref, le seul endroit au monde où je peux faire la maligne c'est chez nous. Et reconnaître que nous venons de loin, de très loin. D'une époque où les mots clés étaient censure, parole officielle, pesanteurs, arrestations, interdictions, journaux officiels, intimidations, saisies, brimades,... De ce temps de la peur, de la clandestinité, des mouchards de la Sûreté, de ce temps où les murs avaient des oreilles (nos murs « écoutent » toujours autant mais, pour le moment, ils nous foutent la paix)

De ces temps où l'esprit et l'intelligence n'avaient pas droit de cité. Je suis de cette génération là. Rien ne va chez nous. Mais nous avons, au moins, la parole pour le dire, sans avoir peur. Cette libération de la parole est quelque chose d'immense. Pour la première fois de notre jeune vie, nos dirigeants ont décidé de laisser les gens s'exprimer, écrire. Tout se dit dans la presse, sur les réseaux sociaux. Tout. Dans les cafés, les restaurants, les rues, les marchés.

Tout. Et, n'importe quoi. Notre liberté d'expression rime souvent avec diffamation, approximation, mensonges, manipulations, intox, commérages, cancans, insultes..... Jusqu'à vider cette liberté neuve de tout son sens, de tout son poids... Mais ça c'est un autre combat de la ….liberté d'expression.

Salut

Mariem mint Derwich