04-05-2021 13:51 - Israël : fin de règne pour Benyamin Netanyahu
Les Echos - Le Premier ministre israélien a échoué à former un gouvernement dans le délai qui lui était imparti après les législatives.
Ce mardi soir, il devrait devenir chef de l'opposition, pour la première fois depuis douze ans, après un règne record à la tête du gouvernement.
Une page politique se tourne. Selon toute vraisemblance, Benyamin Netanyahu, Premier ministre sans interruption depuis 2009, devrait se retrouver chef de l'opposition, ce mardi à minuit.
Il disposait d'un délai maximal de 28 jours pour former un gouvernement, après les législatives qui avaient placé son parti, le Likoud, en tête. Il n'y est pas parvenu.
Mission impossible
Il aura pourtant tout essayé, y compris l'impossible. Il a tenté de convaincre l'extrême droite raciste de se joindre à un gouvernement soutenu par un parti arabe. Puis il a proposé une coalition avec rotation au poste de Premier ministre, où lui-même aurait été en seconde position, contrairement aux règles instaurées en mai 2020. Il en a fait la proposition à plusieurs leaders politiques : tous ont refusé.
Naftali Bennett, chef du parti de droite Yamina, était pourtant très tenté. « Mais Netanyahu a commis des erreurs majeures. Elles ont permis à Bennett de comprendre qu'aucun accord ne serait respecté, que même s'il était Premier ministre, Bibi ferait ce qu'il voulait car son parti, le Likoud, qui a trente députés, aurait plus de ministres que celui de Yamina qui n'en a que 7. Autrement dit, Bennett aurait eu le titre mais pas le pouvoir », remarque Denis Charbit, professeur de Sciences Politiques à l'Open University d'Israël et auteur d'« Israël et ses paradoxes ».
En fait, Netanyahou a fini par brûler toutes ces cartouches en ne respectant pas sa parole. Nombre de ses partenaires politiques ont fini par le quitter, mis à part les partis ultraorthodoxes. Même chez eux, ce soutien s'effiloche depuis peu. Un député du Shas, soucieux de son anonymat, confie aux « Echos » : « Cette fois, c'est fini, il doit partir. » Cela fait écho aux milliers d'Israéliens qui, depuis neuf mois, réclament le départ du Premier ministre, inculpé pour corruption, fraudes et abus de biens sociaux en manifestant tous les samedis soir devant sa résidence. Samedi dernier, l'un d'eux, David Ben Ichou, soulignait sur les réseaux sociaux : « C'est peut-être le dernier soir de protestation. Le prochain, il faut l'espérer, sera celui de la victoire quand enfin Netanyahou ne sera plus là . »
Une alternative bancale
La partie n'est pas finie pour autant. Benyamin Netanyahu est combatif et s'imposera sans doute comme un chef d'opposition coriace. « Il ne se retirera pas, il attendra que le nouveau gouvernement s'effondre pour se présenter en sauveur », explique Denis Charbit. La nouvelle coalition pressentie sera par ailleurs difficile à instaurer : elle doit réunir des partis de gauche, du centre et de la droite, dont le seul point commun est d'être tous « anti-Bibi », le surnom du leader du Likoud.
Cette coalition, sans socle idéologique commun, sera très certainement paralysée pour instaurer les grandes réformes souhaitées par les uns ou les autres - telles les relations entre la religion et l'Etat. La politique du statu quo menée par Netanyahu, sur de nombreux sujets, risque ainsi de lui survivre. Si la nouvelle coalition assure une transition politique, il n'est pas certain qu'elle ouvre un nouveau chapitre de l'histoire du pays.
Catherine Dupeyron (Correspondante à Jérusalem)