13-07-2025 21:45 - Les hommes du 8 juin 2003 : les putschistes et les loyalistes

Les hommes du 8 juin 2003 : les putschistes et les loyalistes

 L'histoire est le plus souvent écrite par les vainqueurs. Mais ce 8 juin 2003, suite à une tentative de renversement du pouvoir de Maawiya Ould Sid Ahmed Taya, par de jeunes officiers appelés cavaliers du changement, il n'y avait aucune possibilité de triomphalisme pour les deux forces qui s’affrontent.

Au-delà du manichéisme affichant deux entités, l'une voulant le bien pour la Mauritanie et l'autre synonyme du mal pour l'autre, le 8 juin 2003 n’a été en définitive qu'un salmigondis militaro-politique expressif d'une société malade dans tous les domaines.

En effet le scénario du 8 juin 2003 est digne d'un film western de série B. Et pourtant de ce micmac abracadabrantesque, certains esprits fangeux, manipulateurs de l'histoire essayent de l'interpréter à leur guise. Certes l'opinion pense mal et elle a même tendance à prendre ses désirs le plus souvent pour une vérité scientifique.

Nous allons essayer d'éplucher les faits historiques du 8 juin 2003, à partir de témoignages dignes de foi, suite à des recoupements venant des protagonistes eux-mêmes, à l'exception de l'ancien président Maawiya que je n'ai pas eu l'opportunité de rencontrer.

Personnellement, j'ai quitté Nouakchott le 4 juin 2003 pour une consultation sanitaire à Madrid. Je n'étais pas du tout au courant de ce que préparaient ces fameux cavaliers du changement, puisque je n’ai pas l'esprit comploteur. Mais je peux comprendre ces jeunes officiers rebelles ne pouvant plus supporter une précarité à laquelle il n'y avait aucune solution à court terme.

A/ Les héros du 8 juin côté pouvoir.

Après avoir été informé que des chars sortis du bataillon blindé se dirigent vers le palais présidentiel, Maawiya se mit en tenue universelle et téléphona à son aide de camp le colonel Mohamed Ould Abdi Ould Vleivoul yarahmou. Ce dernier s'habilla rapidement, rejoignit le palais en quelques minutes.

Il faut saluer le sang-froid de Maawiya, qui a pris soin de mettre sa petite famille à l'abri en l’envoyant hors du palais. Les deux hommes dans une Mercedes conduite par un chauffeur prirent la direction de l'Etat-Major National. Voilà deux hommes devant leur destin, l’un voulant sauver son pouvoir, l'autre, sans trompette et comme à son habitude calme et posé, voulant jouer la fidélité à un homme puisque sa fonction l'exige devant l'histoire.

Arrivés devant l'Etat-Major National, Maawiya dit : "j'espère que N’diayane est là car c'est calme". Mohamed Abdi de répondre "cela n'inspire pas confiance". Maawiya : "allons à la Gendarmerie". Ould Abdi : " monsieur le président, celui qui occupe l'Etat-Major contrôle aussi la gendarmerie, puisqu'il n'y a qu'un mur qui sépare les deux enceintes. Je vous propose d'aller à la Garde Nationale".

C'est ainsi que Maawiya et son aide de camp Ould Vleivoul se rendirent à la Garde dont le chef feu Welad est un intime du colonel Mohamed. Je tiens tous ces propos de feu Mohamed Ould Abdi, un grand frère, un cousin véridique et en plus de bonne moralité. Dans la nuit du 8 juin 2003, un dimanche, le colonel Mesgharou ould Sidi est réveillé par un garde.

En roulant sur la route de Nouadhibou, il téléphone à Mohamed Ould Abdi pour savoir de quoi s'agit-il. Mohamed lui dira qu'il est au GCAS, l'unité commandée par Mesgharou lui-même, dans un bureau avec Maawiya. Arrivé sur place, Mesgharou va réorganiser le dispositif de sécurité.

Contrairement à Mesgharou, Welad a été prudent. Car il ne s'est pas rendu aussitôt à la Garde suite à l'appel de Mohamed Ould Abdi, évoquant la possibilité d'un pistolet sur la tempe, donc le piège. Compréhensible...Le sauvetage de Maawiya vient d'abord de son sang-froid ensuite du courage de deux officiers natifs d'Aioun El Atrouss.

Les autres héros du pouvoir sont Ould Oudaa mort les armes à la main, le colonel Mohamed Lemine Ould Ndiayane qui refusa de quitter son bureau, en se posant des questions afin de trouver une solution à cette tentative de prise du pouvoir. C'est vrai que Ould Vaidé a fait mouvement la même nuit, qu'il a échangé des coups de feu avec les putschistes le lendemain ; c'est vrai qu'on a pris Aziz le commandant du Basep en photo en ville.

On peut parler également de la présence de feu Ely ould Mohamed Vall, du colonel Znagui ould Sidiyé, de Ould Bayé à la Marine etc....mais tout ça, après que le "coup de main" pour capturer vivant Maawiya, a échoué. Beaucoup de "m’as-tu vu" sont sortis du bois le 9 juin. Encore une fois le sang-froid de Maawiya ; couplé de la présence effective et rapide de Mohamed Ould Abdi, et enfin du désistement de dernière minute du capitaine de la Garde Nationale à occuper l'enceinte de son institution.

B/ Les hommes du 8 juin 2008 côté putschistes

Le commandant Mohamed Ould Cheikhna est un officier calme et mesuré. Et il était difficile pour ceux qui le connaissent de croire un instant qu'il pouvait avoir d'autres intentions que de servir sans broncher. S'il s'est laissé embarquer dans cette aventure mal ficelée, mal tissée et mal dirigée, c'est que la coupe était pleine ou que la pression, venant de ses collaborateurs exigeait un sursaut patriotique.

Ainsi sa témérité l'a poussé à monter un char d'assaut et de se diriger vers le palais avec l'ultime intention d'arrêter Maawiya, le juger et le mettre au cachot. Pour lui, la variante A ayant échoué, il n'y avait pas de variante B. Donc tout s'est arrêté pour Mohamed Ould Cheikhna cette nuit du 8 juin 2003, sauf les ennuis qui venaient juste de commencer.

Il fallait un autre "chreigman" pour prendre la relève et essayer de redresser la barre. Saleh Ould Hanena s'est illustré dans cette récupération, lui qui en était également un des cerveaux. De civil taximan, le voilà en train de donner les ordres aux officiers, sous-officiers et militaires du rang de l'Armée qu'il a pourtant quittée depuis l'an 2000, suite justement au soupçon de vouloir renverser Maawiya. Quel courage !!!

Il va être aidé par Abderrahmane ould Mini, un jeune officier suffisant qui ne recule devant rien. Ils feront ensemble l'aventure du Burkina Faso et la campagne de Mauritanie où ils seront capturés. Deux autres braves garçons au lendemain du 8 juin, toujours côté putschistes, sont le lieutenant Saadna Ould Hamadi et l'adjudant-chef Sidi Mohamed Ould Cheikh qui a occupé à lui seul avec un seul char la Gendarmerie.

Saadna m'a dit qu'il n'a poussé personne à monter dans la caisse du camion11/13. Certains colonels eux-mêmes qui voulaient déserter ce "champ de bataille" où l'anarchie régnait ont accepté d'être conduits au BB (Bataillon blindé). Il faut noter également dans ce désordre digne d'un marché hebdomadaire de Modibougou, que chacun y allait de sa façon souvent vindicative. Le capitaine Boyada Ould Kabache par exemple s'est illustré dans cet exercice, en cherchant à éliminer son ancien chef, le général Dia Adama Oumar.

Le 8 juin 2003 a révélé que chez le mauritanien le patriotisme et le respect de l’Etat centralisateur demeurent encore une notion vague. Personne, à part ceux qui y étaient contraints de par leur situation professionnelle, n'a voulu défendre le pouvoir pourtant issu des urnes. La tentative a échoué non pas à cause de la résistance qui lui a été imposée, mais plutôt par le manque de lucidité des cavaliers du changement.

Des échantillons de militaires ou peshmergas venant de tous les horizons incapables de la moindre coordination afin de finaliser leur objectif. Le jour du 8 juin 2003, personne n'a réellement brillé de ses éclats. Mais cette déstabilisation du pouvoir de Maawiya a démontré à d'autres ambitieux que le roi est nu et que désormais il suffirait d'une chiquenaude pour faire basculer le destin d'un peuple d'une rive à l'autre.

Maawiya a sauvé sa peau le 8 juin mais depuis ce jour, son pouvoir et son aura se sont affaiblis, d'abord aux yeux du peuple et ensuite de ses serviteurs. Le mythe s'était écroulé. Le 3 août 2005 Aziz et Ghazwani sont passés à l'action. Ce qui fera dire à Ould Abdel Aziz ce jour quand un proche lui a téléphoné, voulant s'enquérir de la situation on ne peut claire : "en tout cas ce ne sont pas des arabisants cette fois". Cette allusion est faite aux cavaliers du changement, mal organisés, incapables de coordonner leurs actions en tant que militaires de profession.

Que les manipulateurs de l'histoire, relative aux événements du 8 juin 2003, sachent que ce jour il n'y a eu que Maawiya comme héros, sinon son aide de camp Mohamed Ould Abdi, ou à la rigueur celui qui les a reçus dans son bureau à la Garde, à savoir Mesgharou ould Sidi. Des martyrs côté pouvoir, il y en a mais ils ont perdu la vie, feus Ndiayane et Oudaa.

Tout le reste n'est que théories mensongères abjectes d'un régionalisme latent et d'un révisionnisme qu'on essaye de nous vendre du temps de Ghazwani. Et nous voudrions bien savoir pourquoi maintenant?

Ely Sid’Ahmed Krombelé





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Source : Ely Krombele
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